Livre historique, très dur et déstabilisant. Il ne manque pas d'intérêt certes, mais je le trouve un peu partisan. Sont principalement mis en accusation les militaires français pratiquant la torture. sans nier les faits les membres du FLN et de l'ALN ont aussi utilisé la torture, et les paragraphes qui leur sont consacrés sont bien moins importants. D'où un certain déséquilibre qui me gène car une guerre n'est jamais propre d'un côté comme de l'autre.
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Que l'histoire ait fait d'eux des victimes, des témoins ou des bourreaux, ceux qui ont vécu la guerre d'Algérie ont tous à transmettre aujourd'hui des "Paroles de torturés". Qu'ils aient subi des sévices corporels, des sévices psychologiques ou des spoliations, qu'ils en aient été les auteurs, prenant des initiatives ou obéissant aux ordres, qu'ils en aient été les simples témoins, qu'ils aient oeuvré dans le camp du FLN, de l'armée, de la police française, ou de l'OAS, qu'ils aient été juifs, pieds-noirs, ou plus généralement rapatriés d'Algérie, tous ont été marqués de façon indélébile, et garderont en eux jusqu'à la fin de leur vie les séquelles de la tragédie dont ils ont été les acteurs actifs ou passifs.
J'avais cru jusqu'ici que l'horreur de telles pratiques était inhérente à certains systèmes politiques. En ma qualité de Française u service d'une humanité déshéritée, je croyais sincèrement représenter une nation qui s'était élevée contre l'avilissement de la dignité humaine, et se posait en défenseur des libertés démocratiques. Elle a fait sien le principe condamnant la torture, qui figure dans la déclaration universelle des droits de l'homme. Désormais, la honte des méthodes employées en Algérie retomberait sur nous tous Français, si la France ne les désavouait pas et ne réprouvait pas ceux qui les ont employées.
Les suspects ne sont plus retenus dans les enceintes de la justice civile ou militaire, ni même dans les lieux connus de l'autorité administrative. Ils sont partout et nulle part. Dans ce système, la juste - même la plus expéditive - perd ne serait-ce que l'exemplarité de ses décisions. Par ces méthodes improvisées et incontrôlées, l'arbitre trouve toutes les justifications. La France risque, au surplus, de perdre son âme dans l'équivoque. Je n'ai jamais eu le cynisme et je n'ai pas la force d'admettre ce qu'il est convenu d'appeler des "bavures", surtout lorsque ces bavures ne sont que le résultat d'un système dans lequel l'anonymat est seul responsable.
Il est des cas précis où un chef de grade élevé, un officier, voire un simple soldat, ont le devoir d'homme de ne pas obéir, car l'autorité d'un chef militaire a ses limites définies par les règlements, les lois militaires, les lois de la guerre, la morale... Ainsi on n'obéit pas à des ordres manifestement contraires aux lois de la guerre : massacre de prisonniers, de population civile tombée entre vos mains, et par conséquent sous votre protection, tortures, etc. Pour la torture, je suis catégorique : sous quelque forme que ce soit, et quel que soit son but, elle est inacceptable, inadmissible, condamnable. Elle porte atteinte à l'honneur de l'armée et du pays. Général Billotte.
Peut-on imaginer que des êtres humains puissent commettre de tels actes au nom d'une quelconque idéologie sans devenir eux-mêmes des animaux.
Ecrivain, historien, ancien élève de l'école normale supérieur, ancien directeur de la Culture des Musées des Lettres et Manuscrits de Paris et de Bruxelles, Jean-Pierre Guéno est un "passeur de mémoire" qui aime retrouver les manuscrits, les sources, et les partager.
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