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Citations sur Aperçus sur l'initiation (34)

LES LIMITES DU MENTAL
p.213

…/…
Cette préparation théorique, si indispensable qu'elle soit en fait, n'a pourtant en elle-même qu'une valeur de moyen contingent et accidentel; tant qu'on s'en tient là,. on ne saurait parler d'initiation effective, même au degré le plus élémentaire. S'il n'y avait rien de plus ni d'autre, il n'y aurait là en somme que l'analogue, dans un ordre plus élevé, de ce qu'est une « spéculation » quelconque se rapportant à un autre domaine ; car une telle connaissance, simplement théorique, n'est que par le mental, tandis que la connaissance effective est « par l'esprit et l'âme », c'est-à-dire en somme par l'être tout entier. C'est d'ailleurs pourquoi, même en dehors du point de vue initiatique, les simples mystiques, sans dépasser les limites du domaine individuel, sont cependant, dans leur ordre qui est celui de la tradition exotérique, incontestablement supérieurs non seulement aux philosophes, mais même aux théologiens, car la moindre parcelle de connaissance effective vaut incomparablement plus que tous les raisonnements qui ne procèdent que du mental. Tant que la connaissance n'est que par le mental, elle n'est qu'une simple connaissance e par « reflet », comme celle des ombres que voient les prisonniers de la caverne symbolique de Platon, donc une connaissance indirecte et tout extérieure; passer de l'ombre à la réalité, saisie directement en elle-même, c'est proprement passer de l' « extérieur » à l’« intérieur », et aussi, au point de vue où nous nous plaçons plus particulièrement ici, de l'initiation virtuelle à l'initiation effective. Ce passage implique la renonciation au mental, c'est-à-dire à toute faculté discursive qui est désormais devenue impuissante, puisqu'elle ne saurait franchir les limites qui lui sont imposées par sa nature même ; l'intuition intellectuelle seule est au delà de ces limites, parce qu'elle n'appartient pas à l'ordre des facultés individuelles. On peut, en employant le symbolisme traditionnel fondé sur les correspondances organiques, dire que le centre de la conscience doit être alors transféré du « cerveau » au « cœur » (4) ; pour ce transfert, toute « spéculation » et toute dialectique ne sauraient évidemment plus être d'aucun usage; et c'est à partir de là seulement qu'il est possible de parler véritablement d'initiation effective. Le point où commence celle-ci est donc bien au delà de celui où finit tout ce qu'il peut y avoir de. relativement valable dans quelque t spéculation que ce soit; entre l'un et l'autre, il y a un véritable abîme, que la renonciation au mental, comme nous venons de le dire, permet seule de franchir. Celui qui s'attache au raisonnement et ne s'en affranchit pas au moment voulu demeure prisonnier de la forme, qui est la limitation par laquelle se définit l'état individuel; il ne dépassera donc jamais celui-ci, et il n'ira jamais plus loin que l' « extérieur », c'est-à-dire qu'il demeurera lié au cycle indéfini de la manifestation. Le passage de l’« extérieur » à l' « intérieur », c'est aussi le passage de la multiplicité à l'unité, de la circonférence au centre, au point unique d'où il est possible à l'être humain, restauré dans les prérogatives de l' « état primordial », de s'élever aux états supérieurs et, par la réalisation totale de sa véritable essence, d'être enfin effectivement et actuellement ce qu'il est potentiellement de toute éternité. Celui qui se connaît soi-même dans la « vérité » de l' « Essence » éternelle et infinie , celui-là connaît et possède toutes choses en soi-même et par soi-même, car il est parvenu à l'état inconditionné qui ne laisse hors de soi aucune possibilité, et cet état, par rapport auquel tous les .autres, si élevés soient-ils, ne sont-réellement encore que des stades préliminaires sans aucune commune mesure avec lui, cet état qui est le but ultime de toute initiation, est proprement ce qu'on doit entendre par l' « Identité Suprême ».
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Un autre point sur lequel il y a lieu d’insister, c’est la nature purement « intérieure » de la véritable alchimie, qui est proprement d’ordre psychique quand on la prend dans son application la plus immédiate, et d’ordre spirituel quand on la transpose dans son sens supérieur ; c’est là, en réalité, ce qui en fait toute la valeur au point de vue initiatique. Cette alchimie n’a donc absolument rien à voir avec les opérations matérielles d’une « chimie » quelconque, au sens actuel de ce mot ; presque tous les modernes se sont étrangement mépris là-dessus, aussi bien ceux qui ont voulu se poser en défenseurs de l’alchimie que ceux qui, au contraire, se sont faits ses détracteurs ; et. cette méprise est encore moins excusable chez les premiers que chez les seconds, qui, du moins, n’ont certes jamais prétendu à la possession d’une connaissance traditionnelle quelconque.

Il est pourtant bien facile de voir en quels termes les anciens hermétistes parlent des « souffleurs » et « brûleurs de charbon », en lesquels il faut reconnaître les véritables précurseurs des chimistes actuels, si peu flatteur que ce soit pour ces derniers ; et, même au XVIIIème siècle encore, un alchimiste comme Pernéty ne manque pas de souligner en toute occasion la différence de la « philosophie hermétique » et de la « chymie vulgaire ». Ainsi, comme nous l’avons déjà dit bien des fois en montrant le caractère de « résidu » qu’ont les sciences profanes par rapport aux sciences traditionnelles (mais ce sont là des choses tellement étrangères à la mentalité actuelle qu’on ne saurait jamais trop y revenir), ce qui a donné naissance à la chimie moderne, ce n’est point l’alchimie, avec laquelle elle n’a en somme aucun rapport réel (pas plus que n’en a d’ailleurs l’« hyperchimie » imaginée par quelques occultistes contemporains ; c’en est seulement une déformation ou une déviation, issue de l’incompréhension de ceux qui, profanes dépourvus de toute qualification initiatique et incapables de pénétrer dans une mesure quelconque le vrai sens des symboles, prirent tout à la lettre, suivant l’acception la plus extérieure et la plus vulgaire des termes employés, et, croyant par suite qu’il ne s’agissait en tout cela que d’opérations matérielles, se lancèrent dans une expérimentation plus ou moins désordonnée, et en tout cas assez peu digne d’intérêt à plus d’un égard.

Dans le monde arabe également, l’alchimie matérielle a toujours été fort peu considérée, parfois même assimilée à une sorte de sorcellerie, tandis que, par contre, on y tenait fort en honneur l’alchimie « intérieure » et spirituelle, souvent désignée sous le nom de kimyâ el-saâdah ou « alchimie de la félicité ».(1)
(...)
Quoi qu’il en soit, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, et ce qui est à la base même de tout enseignement véritablement initiatique, c’est que toute réalisation digne de ce nom est d’ordre essentiellement intérieur, même si elle est susceptible d’avoir à l’extérieur des répercussions de quelque genre que ce soit. L’homme ne peut en trouver les principes qu’en lui-même, et il le peut parce qu’il porte en lui la correspondance de tout ce qui existe, car il ne faut pas oublier que, suivant une formule de l’ésotérisme islamique, « l’homme est le symbole de l’Existence universelle »(2) ; et, sil parvient à pénétrer jusqu’au centre de son propre être, il atteint par là même la connaissance totale, avec tout ce qu’elle implique par surcroît : « celui qui connaît son Soi connait son Seigneur »(3), et il connaît alors toutes choses dans la suprême unité du Principe même, en lequel est contenue « éminemment » toute réalité.

(1) Il existe notamment un traité d’El-Ghazâli qui porte ce titre.

(2) El-insânu ramzul-wujûd.

(3) C’est le hadith que nous avons déjà cité précédemment: Man arafa nafsahu faqad arafa Rabbahu. (pp. 263-266)
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Nous pouvons résumer tout ce qui précède en disant que l’initiation implique trois conditions qui se présentent en mode successif, et qu’on pourrait faire correspondre respectivement aux trois termes de « potentialité », de « virtualité » et d’« actualité » : 1° la « qualification », constituée par certaines possibilités inhérentes à la nature propre de l’individu, et qui sont la materia prima sur laquelle le travail initiatique devra s’effectuer ; 2° la transmission, par le moyen du rattachement à une organisation traditionnelle, d’une influence spirituelle donnant à l’être l’« illumination » qui lui permettra d’ordonner et de développer ces possibilités qu’il porte en lui ; 3° le travail intérieur par lequel, avec le secours d’« adjuvants » ou de « supports » extérieurs s’il y a lieu et surtout dans les premiers stades, ce développement sera réalisé graduellement, faisant passer l’être, d’échelon en échelon, à travers les différents degrés de la hiérarchie initiatique, pour le conduire au but final de la « Délivrance » ou de l’« Identité Suprême ».
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Tant que la connaissance n’est que par le mental, elle n’est qu’une simple connaissance « par reflet », comme celle des ombres que voient les prisonniers de la caverne symbolique de Platon, donc une connaissance indirecte et tout extérieure ; passer de l’ombre à la réalité, saisie directement en elle-même, c’est proprement passer de l’« extérieur » à l’« intérieur », et aussi, au point de vue où nous nous plaçons plus particulièrement ici, de l’initiation virtuelle à l’initiation effective. Ce passage implique la renonciation au mental, c’est-à-dire à toute faculté discursive qui est désormais devenue impuissante, puisqu’elle ne saurait franchir les limites qui lui sont imposées par sa nature même ; l’intuition intellectuelle seule est au delà de ces limites, parce qu’elle n’appartient pas à l’ordre des facultés individuelles. On peut, en employant le symbolisme traditionnel fondé sur les correspondances organiques, dire que le centre de la conscience doit être alors transféré du « cerveau » au « cœur »(1) ; pour ce transfert, toute « spéculation » et toute dialectique ne sauraient évidemment plus être d’aucun usage ; et c’est à partir de là seulement qu’il est possible de parler véritablement d’initiation effective. Le point où commence celle-ci est donc bien au delà de celui où finit tout ce qu’il peut y avoir de relativement valable dans quelque « spéculation » que ce soit ; entre l’un et l’autre, il y a un véritable abîme, que la renonciation au mental, comme nous venons de le dire, permet seule de franchir. Celui qui s’attache au raisonnement et ne s’en affranchit pas au moment voulu demeure prisonnier de la forme, qui est la limitation par laquelle se définit l’état individuel ; il ne dépassera donc jamais celui-ci, et il n’ira jamais plus loin que l’« extérieur », c’est-à-dire qu’il demeurera lié au cycle indéfini de la manifestation.

Le passage de l’« extérieur » à l’« intérieur », c’est aussi le passage de la multiplicité à l’unité, de la circonférence au centre, au point unique d’où il est possible à l’être humain, restauré dans les prérogatives de l’« état primordial », de s’élever aux états supérieurs et, par la réalisation totale de sa véritable essence, d’être enfin effectivement et actuellement ce qu’il est potentiellement de toute éternité. Celui qui se connaît soi-même dans la « vérité » de l’« Essence » éternelle et infinie(2), celui-là connait et possède toutes choses en soi-même et par soi-même, car il est parvenu à l’état inconditionné qui ne laisse hors de soi aucune possibilité, et cet état, par rapport auquel tous les autres, si élevés soient-ils, ne sont réellement encore que des stades préliminaires sans aucune commune mesure avec lui, cet état qui est le but ultime de toute initiation, est proprement ce qu’on doit entendre par l’« Identité Suprême ».

(1) Il est à peine besoin de rappeler que le « cœur », pris symboliquement pour représenter le centre de l’individualité humaine envisagée dans son intégralité, est toujours mis en correspondance, par toutes les traditions, avec l’intellect pur, ce qui n’a absolument aucun rapport avec la « sentimentalité » que lui attribuent les conceptions profanes des modernes.

(2) Nous prenons ici le mot « vérité » dans le sens du terme arabe haqîqah, et le mot « Essence » dans le sens d’Edh-Dhât. A ceci se rapporte dans la tradition islamique ce hadîth : « Celui qui se connait soi-même connait son Seigneur » (Man arafa nafsahu faqad arafa Rabbahu) ; et cette connaissance est obtenue par ce qui est appelé l’ œil du cœur » (aynul-qalb), qui n’est autre chose que l’intuition intellectuelle elle-même, ainsi que l’expriment ces paroles d’El·Hallâj : « Je vis mon Seigneur par l’œil de mon cœur, et je dis : qui es-Tu ? Il dit : Toi » (Raaytu Rabbî bi-ayni qalbî, faqultu man anta, qâla anta). (pp. 213-214)
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D’après la tradition islamique, tout être est naturellement et nécessairement muslim, c’est-à-dire soumis à la Volonté divine, à laquelle, en effet, rien ne peut se soustraire ; la différence entre les êtres consiste en ce que, tandis que les uns se conforment consciemment et volontairement à l’ordre universel, les autres l’ignorent ou même prétendent s’y opposer (voir Le Symbolisme de la Croix, p. 187). Pour comprendre entièrement le rapport de ceci avec ce que nous venons de dire, il faut remarquer que les véritables centres spirituels doivent être considérés comme représentant la Volonté divine en ce monde ; aussi ceux qui y sont rattachés de façon effective peuvent-ils être regardés comme collaborant consciemment à la réalisation de ce que l’initiation maçonnique désigne comme le « plan du Grand Architecte de l’Univers » ; quant aux deux autres catégories auxquelles nous venons de faire allusion, les ignorants purs et simples sont les profanes, parmi lesquels il faut, bien entendu, comprendre les « pseudo-initiés » de toute sorte, et ceux qui ont la prétention illusoire d’aller contre l’ordre préétabli relèvent, à un titre ou à un autre, de ce que nous avons appelé la « contre-initiation ». (p. 68, note 1)
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...tout d’abord, pour ce qui est de l’individu, il est évident, après ce qui vient d’être dit, que son intention d’être initié, même en admettant qu’elle soit vraiment pour lui l’intention de se rattacher à une tradition dont il peut avoir quelque connaissance « extérieure », ne saurait aucunement suffire par elle-même à lui assurer l’initiation réelle.

En effet, il ne s’agit nullement d’« érudition », qui, comme tout ce qui relève du savoir profane, est ici sans aucune valeur ; et il ne s’agit pas davantage de rêve ou d’imagination, non plus que d’aspirations sentimentales quelconques. S’il suffisait, pour pouvoir se dire initié, de lire des livres, fussent-ils les Écritures sacrées d’une tradition orthodoxe, accompagnées même, si l’on veut, de leurs commentaires les plus profondément ésotériques, ou de songer plus ou moins vaguement à quelque organisation passée ou présente à laquelle on attribue complaisamment, et d’autant plus facilement qu’elle est plus mal connue, son propre « idéal » (ce mot qu’on emploie de nos jours à tout propos, et qui, signifiant tout ce qu’on veut, ne signifie véritablement rien au fond), ce serait vraiment trop facile ; et la question préalable de la « qualification » se trouverait même par là entièrement supprimée, car chacun, étant naturellement porté à s’estimer « bien et dûment qualifié », et étant ainsi à la fois juge et partie dans sa propre cause, découvrirait assurément sans peine d’excellentes raisons (excellentes du moins à ses propres yeux et suivant les idées particulières qu’il s’est forgées) pour se considérer comme initié sans plus de formalités, et nous ne voyons même pas pourquoi il s’arrêterait en si bonne voie et hésiterait à s’attribuer d’un seul coup les degrés les plus transcendants. Ceux qui s’imaginent qu’on « s’initie » soi-même, comme nous le disions précédemment, ont-ils jamais réfléchi à ces conséquences plutôt fâcheuses qu’implique leur affirmation ? Dans ces conditions, plus de sélection ni de contrôle, plus de « moyens de reconnaissance », au sens où nous avons déjà employé cette expression, plus de hiérarchie possible, et, bien entendu, plus de transmission de quoi que ce soit ; en un mot, plus rien de ce qui caractérise essentiellement l’initiation et de ce qui la constitue en fait ; et pourtant c’est là ce que certains, avec une étonnante inconscience, osent présenter comme une conception « modernisée » de l’initiation (bien modernisée en effet, et assurément bien digne des « idéaux » laïques, démocratiques et égalitaires), sans même se douter que, au lieu d’avoir tout au moins des initiés « virtuels », ce qui après tout est encore quelque chose, on n’aurait plus ainsi que de simples profanes qui se poseraient indûment en initiés. (pp. 37-38)
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[…] les connaissances d’ordre doctrinal, qui sont indispensables à l’initié, et dont la compréhension théorique est pour lui une condition préalable de toute « réalisation », peuvent faire entièrement défaut au mystique ; de là vient souvent, chez celui-ci, outre la possibilité d’erreurs et de confusions multiples, une étrange incapacité de s’exprimer intelligiblement. Il doit être bien entendu, d’ailleurs, que les connaissances dont il s’agit n’ont absolument rien à voir avec tout ce qui n’est qu’instruction extérieure ou « savoir » profane, qui est ici de nulle valeur, ainsi que nous l’expliquerons encore par la suite, et qui même, étant donné ce qu’est l’éducation moderne, serait plutôt un obstacle qu’une aide en bien des cas ; un homme peut fort bien ne savoir ni lire ni écrire et atteindre néanmoins aux plus hauts degrés de l’initiation, et de tels cas ne sont pas extrêmement rares en Orient, tandis qu’il est des « savants » et même des « génies », suivant la façon de voir du monde profane, qui ne sont « initiables » à aucun degré.
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Le véritable fondement du symbolisme, c’est, comme nous l’avons déjà dit, la correspondance qui existe entre tous les ordres de réalité, qui les relie l’un à l’autre, et qui s’étend, par conséquent, de l’ordre naturel pris dans son ensemble à l’ordre surnaturel lui-même ; en vertu de cette correspondance, la nature tout entière n’est elle-même qu’un symbole, c’est-à-dire qu’elle ne reçoit sa vraie signification que si on la regarde comme un support pour nous élever à la connaissance des vérités surnaturelles, ou « métaphysiques » au sens propre et étymologique de ce mot, ce qui est précisément la fonction essentielle du symbolisme, et ce qui est aussi la raison d’être profonde de toute science traditionnelle. (pp. 132-133)
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Nous devons faire tout d’abord une remarque importante, et qui réduit déjà beaucoup la portée de cette question : c’est que, si l’on se reportait aux origines, celle-ci n’aurait pas à se poser, la distinction entre « sacré » et « profane » qu’elle implique étant alors inexistante.

En effet, comme nous l’avons souvent expliqué, il n’y a pas proprement un domaine profane, auquel un certain ordre de choses appartiendrait par sa nature même ; il y a seulement, en réalité, un point de vue profane, qui n’est que la conséquence et le produit d’une certaine dégénérescence, résultant elle-même de la marche descendante du cycle humain et de son éloignement graduel de l’état principiel. Donc, antérieurement à cette dégénérescence, c’est-à-dire en somme dans l’état normal de l’humanité non encore déchue, on peut dire que tout avait véritablement un caractère traditionnel, parce que tout était envisagé dans sa dépendance essentielle à l’égard des principes et en conformité avec ceux-ci, de telle sorte qu’une activité profane, c’est-à-dire séparée de ces mêmes principes et les ignorant, eût été quelque chose de tout à fait inconcevable, même pour ce qui relève de ce qu’on est convenu d’appeler aujourd’hui la « vie ordinaire », ou plutôt pour ce qui pouvait y correspondre alors, mais qui apparaissait sous un aspect bien différent de ce que nos contemporains entendent par là, et à plus forte raison pour ce qui est des sciences, des arts et des métiers, pour lesquels ce caractère traditionnel s’est maintenu intégralement beaucoup plus tard et se retrouve encore dans toute civilisation de type normal, si bien qu’on pourrait dire que leur conception profane est, à part l’exception qu’il y a peut-être lieu de faire jusqu’à un certain point pour l’antiquité dite « classique », exclusivement propre à la seule civilisation moderne, qui ne représente elle-même, au fond, que l’ultime degré de la dégénérescence dont nous venons de parler. (pp. 61-62)
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Il est des ignorants qui s’imaginent qu’on « s’initie » soi-même, ce qui est en quelque sorte une contradiction dans les termes ; oubliant, s’ils l’ont jamais su, que le mot initium signifie « entrée » ou « commencement », ils confondent le fait même de l’initiation, entendue au sens strictement étymologique, avec le travail à accomplir ultérieurement pour que cette initiation, de virtuelle qu’elle a été tout d’abord, devienne plus ou moins pleinement effective. L’initiation, ainsi comprise, est ce que toutes les traditions s’accordent à désigner comme la « seconde naissance » ; comment un être pourrait-il bien agir par lui-même avant d’être né ? Nous savons bien ce qu’on pourra objecter à cela : si l’être est vraiment « qualifié », il porte déjà en lui les possibilités qu’il s’agit de développer ; pourquoi, s’il en est ainsi, ne pourrait-il pas les réaliser par son propre effort, sans aucune intervention extérieure ? C’est là, en effet, une chose qu’il est permis d’envisager théoriquement, à la condition de la concevoir comme le cas d’un homme « deux fois né » dès le premier moment de son existence individuelle ; mais, s’il n’y a pas à cela d’impossibilité de principe, il n’y en a pas moins une impossibilité de fait, en ce sens que cela est contraire à l’ordre établi pour notre monde, tout au moins dans ses conditions actuelles. Nous ne sommes pas à l’époque primordiale où tous les hommes possédaient normalement et spontanément un état qui est aujourd’hui attaché à un haut degré d’initiation ; et d’ailleurs, à vrai dire, le mot même d’initiation, dans une telle époque, ne pouvait avoir aucun sens. Nous sommes dans le Kali-Yuga, c’est-à-dire dans un temps où la connaissance spirituelle est devenue cachée, et où quelques-uns seulement peuvent encore l’atteindre, pourvu qu’ils se placent dans les conditions voulues pour l’obtenir ; or, une de ces conditions est précisément celle dont nous parlons, comme une autre condition est un effort dont les hommes des premiers âges n’avaient non plus nul besoin, puisque le développement spirituel s’accomplissait en eux tout aussi naturellement que le développement corporel.
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