Une révélation. Un livre, une étude, pour comprendre ce qui EST. Une approche métaphysique de l'infini qui re centre toutes les réflexions du genre.
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Pour faire mieux comprendre l'idée de l'indéfini et la façon dont celui-ci se forme à partir du fini entendu dans son acception ordinaire, on peut considérer un exemple tel que celui de la suite des nombres : dans celle-ci, il n'est évidemment jamais possible de s'arrêter en un point déterminé, puisque, après tout nombre, il y en a toujours un autre qui s'obtient en lui ajoutant l'unité ; par conséquent, il faut que la limitation de cette suite indéfinie soit d'un autre ordre que celle qui s'applique à un ensemble défini de nombres, pris entre deux nombres déterminés quelconques; il faut donc qu'elle tienne, non pas à des propriétés particulières de certains nombres,
mais à la nature même du nombre dans toute sa généralité, c'est-à-dire à la détermination qui, constituant essentiellement cette nature, fait à la fois que le nombre est ce qu'il est et qu'il n'est pas toute autre chose.
[...] contrairement à l’opinion courante, d’après laquelle l’analyse serait en quelque sorte préparatoire à la synthèse et conduirait à celle-ci, si bien qu’il faudrait toujours commencer par l’analyse, même quand on n’entend pas s’en tenir là, la vérité est qu’on ne peut jamais parvenir effectivement à la synthèse en partant de l’analyse ; toute synthèse, au vrai sens de ce mot, est pour ainsi dire quelque chose d’immédiat, qui n’est précédé d’aucune analyse et en est entièrement indépendant, comme l’intégration est une opération qui s’effectue d’un seul coup et qui ne présuppose nullement la considération d’éléments comparables à ceux d’une somme arithmétique ; et, comme cette somme arithmétique ne peut donner le moyen d’atteindre et d’épuiser l’indéfini, il est, dans tous les domaines, des choses qui résistent par leur nature même à toute analyse et dont la connaissance n’est possible que par la seule synthèse.
“[...] Sans entrer encore dans la question de la « composition du continu », on voit donc que le nombre, quelque extension qu’on donne à sa notion, ne lui est jamais parfaitement applicable : cette application revient en somme toujours à remplacer le continu par un discontinu dont les intervalles peuvent être très petits, et même le devenir de plus en plus par une série indéfinie de divisions successives, mais sans jamais pouvoir être supprimés, car, en réalité, il n’y a pas de « derniers éléments » auxquels ces divisions puissent aboutir, une quantité continue, si petite qu’elle soit, demeurant toujours indéfiniment divisible. C’est à ces divisions du continu que répond proprement la considération des nombres fractionnaires ; mais, et c’est là ce qu’il importe particulièrement de remarquer, une fraction, si infime qu’elle soit, est toujours une quantité déterminée, et entre deux fractions, si peu différentes l’une de l’autre qu’on les suppose, il y a toujours un intervalle également déterminé.”
Présentation du livre par Thomas Sibille de la Librairie al-Bayyinah "La Crise du Monde Moderne" de René Guénon aux Editions Héritage.