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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Rez blues (épisodes 35 à 42). Il contient les épisodes 43 à 49, parus en 2011. Tous les scénarios sont de Jason Aaron.

Épisode 43 (illustration de Jason Latour) - Cet épisode s'intéresse à un personnage déjà apparu dans les épisodes 16 et 30 : l'inénarrable Wooster T. Karnow, shérif de White Haven dans le Nebraska. Il a le déplaisir prononcé de voir débarquer Virgil Drum, U.S. Marshal de son état, à la poursuite d'Eugene Evers, un évadé de prison.

Avec cet épisode, Aaron invite le lecteur à découvrir qu'un autre personnage qui ne semblait là que pour faire souffrir Bad Horse et apporter une touche d'humour sadique dispose d'une personnalité développée et tourmentée. L'exercice de style est à nouveau convaincant, réussi et distrayant. La fin laisse supposer que le lecteur aura l'occasion de revoir Wooster Karnow. Latour utilise un style plus esquissé que celui de Guéra, insistant plus sur l'ambiance et le fardeau porté par chaque personnage. le résultat se marie parfaitement avec le thème principal de l'histoire et le lecteur se retrouve au premier rang pour voir la souffrance de chaque individu, sa mesquinerie, ses bassesses tellement humaines.

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Épisode 44 "The night they drove old Dixie down" (illustrations de Davide Furnò) - Dans la série il y en aura pour tout le monde, c'est au tour de Baylis Earl Nitz de trinquer. Il subit les conséquences de ce qui est arrivé à Britt Fillenworth : son supérieur hiérarchique à décidé de le lourder, et les nouvelles vont vite.

Personne n'est à l'abri dans cette série, et le concept d'impunité n'y a pas sa place. Il est impossible de se retenir d'éprouver un grand plaisir à voir Baylis Earl Nitz tomber en déchéance. C'est un personnage qui n'a rien pour lui et qui représente un danger pour Dash et Lincoln depuis le début. Aaron lui réserve une série d'épreuves à sa façon qui finissent même par attendrir le lecteur le plus coriace quant au sort de Nitz. Furnò a accompli des progrès en termes de dessins : ses illustrations sont plus viscérales et disposent de plus de détails que précédemment. Il sait faire passer le feu intérieur de chaque personnage, sa détermination, et sa dangerosité. le résultat est très intense du début à la fin, avec quelques touches d'humour noir bien malsaines.

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Épisodes 45 à 49 (illustrations de RM Guéra) - le temps est venu pour Dashiell Bad Horse de donner sa réponse à Lincoln Red Crow quant à son engagement. La réponse n'est pas du goût de Shunka. Les élections de chef de la tribu approchent et Red Crow fait face à un candidat sérieux : Hassell Rock Medecine, son père adoptif, et mentor d'une certaine manière. Arthur Pendergrass et l'officier Franklin Falls Down ont une dangereuse discussion à coeur ouvert. Carol Ellroy se confie à Dino Poor Bear. Lawrence Belcourt s'entretient avec Lincoln Red Crow.

Tous les personnages principaux de la série sont présents pour un grand jeu de massacre. S'il est possible de ressentir qu'Aaron déplace ses pions vers une résolution à tiroirs, il est également manifeste que l'histoire réserve encore de nombreuses surprises. Au-delà des révélations, des coups de théâtre et des explosions de violence très brutale, le lecteur retrouve le thème des conséquences de la faute des pères sur leur progéniture. Aaron joue avec le concept de destin implacable, tout en montrant qu'il suffit d'un battement d'aile de papillon pour que le sort de chaque protagoniste change du tout au tout. Cette façon d'osciller entre une voie ou une autre peut s'avérer parfois agaçante. Qu'Aaron choisisse et qu'il raconte son histoire en conséquence ! D'un autre coté, c'est également une façon de tester les limites du libre arbitre de chaque individu, de montrer que chacun doit faire au mieux avec ce qu'il a. le plus terrifiant est qu'un des personnages énonce cet état de fait dans ces mêmes termes, le plus terrifiant réside dans l'état mental de ce personnage. Aaron continue également à évoquer la spiritualité des uns et des autres au travers des traditions amérindiennes (très bien intégrées, sans aucun mépris, aucune supériorité intellectuelle). Il semble que le sort de chacun se jouera sur ce petit supplément d'âme, la qualité de sa vie spirituelle, le prix qu'il accorde à la vie humaine, à celle des autres que lui.

R.M. Guéra dessine ces 5 épisodes, et c'est un délice rare. Il est impossible de déterminer de quelles références il dispose, mais il est certain que ses illustrations de la réserve exhalent un parfum d'authenticité totalement immersif. Guéra sait créer des images qui ne donnent pas une impression d'accumulation compulsive de détails photographiques. Et pourtant dès que le regard s'attarde sur une case il découvre des éléments qui apportent une substantialité dense à chaque endroit. Il suffit de s'attarder sur la décoration intérieure de la maison de Hassell Rock Medecine pour savoir qu'effectivement ce personnage aménagerait son intérieur ainsi, ça c'est vraiment lui, le reflet de sa personnalité.

Guéra fait montre d'un sens du cadrage et du langage corporel tout aussi juste. Lorsque le lecteur voit Lawrence Belcourt se rendre à la douche, il n'a pas besoin de lire le texte pour comprendre les enjeux de ce parcours, les risques encourus, la résignation particulière du personnage. Tout se voit dans la posture des individus, dans la démarche de Belcourt, etc.

Ce qui est encore plus hallucinant, c'est que Guéra sait tout rendre plausible. 2 hommes courant tout nu dans la neige pour plonger dans un cours d'eau glacé : normal, évident même. Il ne s'agit pas d'une scène dans laquelle le scénariste se fait plaisir, il s'agit d'une scène qui en dit long sur les convictions de ces individus, sur leur degré d'implication, sur ce qui les lie, sur leurs non-dits. Un homme à cheval qui en tire un autre à pied par une corde : non, il ne s'agit pas d'un cliché sorti d'un western spaghetti bon marché, il n'y a aucun doute que ça s'est vraiment passé comme ça, que le cavalier s'est vraiment conduit de cette façon. le talent de conteur de Guéra mène le lecteur par le bout du nez ; il souhaite savoir comment ça s'est passé parce que Guéra ne saurait lui mentir.

Aaron et ses illustrateurs renouvellent le miracle de tome en tome : ils impliquent émotionnellement le lecteur sur le sort d'individus violents englués dans leurs conditions et les conséquences de leurs actes et de leur nature. Il n'y a pas de bons et de méchants, il n'y a pas d'âme noble, il n'y a pas de héros. Et pourtant chaque personnage est attachant. La suite dans Scalped, tome 9 (épisodes 50 à 55), l'avant dernier tome.
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