Bon, lecteurs potentiels, je vais écrire mon avis comme Renata, comme ça, ça vous mettra dans l'ambiance du bouquin, d'abord, il faut le dire d'emblée, voici un livre totalement inclassable, qui ne ressemble à aucun autre, soyons honnête, j'ai eu du mal à le lire, au début c'est à cause de cette seule phrase qui court sur cent soixante-huit pages, il y a un seul point c'est le point final, sinon heureusement la romancière
Catherine Guérard n'a pas oublié les virgules et les majuscules, ça aide, mais tout de même, un seul chapitre, un seul paragraphe, un bloc compact écrit tout serré et tout petit, en plus je ne sais pas si c'est un choix de l'éditeur ou de la romancière, mais ces mots noirs sur ce papier bleu foncé ne se détachent pas très bien, il faut de la lumière, beaucoup de lumière pour lire ça, sinon on a mal aux yeux, et moi je l'ai lu en plein hiver avec du brouillard glacial dehors, et chez moi les lampes sont un peu faiblardes alors j'ai souffert et à un moment j'ai été obligé de mettre du collyre, mais ça, c'est parce que c'est moi, les autres lecteurs, je ne sais pas si ça leur fera pareil, en tout cas, je m'en suis vu du côté des yeux, et puis quoi, si tu t'arrêtes de lire un instant pour aller manger une pomme ou faire pipi ou mettre du collyre, tu retournes le bouquin à l'envers et quand tu le reprends après avoir fait tes petites affaires et bien pour retrouver là où tu en étais bonjour ! parce qu'il n'y a aucun repère, de la page 9 à la page 168 c'est tout pareil, tout serré tout compact tout bleu, mais finalement, après un temps d'adaptation, tu t'y fais, il faut faire un effort, on n'a rien sans rien comme on dit, alors si tu te forces un peu, tu rentres dans l'histoire de cette bonne à tout faire dont on ne sait rien de la vie, on ne sait pas ce qu'elle ressemble, si c'est une vieille ou pas, qui quitte son boulot et ses patrons et qui part en quête de la Liberté absolue, et tu t'attaches à cette fille simple qui raconte son histoire avec ses mots simples, mais ses réflexions sont tellement profondes que tu te dis que tu n'as pas besoin d'avoir fait des études approfondies en truc ou en machin philosophiques pour te poser les bonnes questions et t'interroger sur le monde et sur cette Liberté qui n'existe pas, en réalité, car même quand tu as fui tous les autres, ceux qui t'empêchent de faire ce que tu veux, qui te contraignent dans tes choix, ceux qui te chassent de ton banc ou qui te cassent les oreilles à vouloir te parler ou encore ceux qui veulent absolument t'aider et te rendre service ou encore pire t'aider à retrouver du travail alors que c'est justement ce que tu fuis, tous ces autres avec leurs conversations et leur travail et la domination et les patrons et les chefs, bref, même quand il n'y a plus personne pour t'embêter, il y a encore des contraintes, voilà la pluie, voilà tes paquets tout trempés qui t'encombrent mais que tu ne veux jamais laisser ne serait-ce qu'une minute parce qui si jamais il y avait un voleur qui te vole ton carton où il y a ton écharpe et tes vieilles chaussettes, tu n'as même pas une valise avec une poignée ou un sac à dos pour te balader dans Paris, bref, tout concourt à entraver ta liberté, mais tu vas peut-être y arriver, à la fin, quand tu te seras réfugiée à la campagne où il n'y a que des vaches, des champs boueux qui encrottent tes chaussures et des poules idiotes, aussi stupides que ces pigeons parisiens, Vraiment
Catherine Guérard qui a écrit ça et qui vivait il y a longtemps et qui est morte depuis longtemps sans doute et que tout le monde a oubliée, ton bouquin, il m'a bien remué la cervelle et je t'en remercie, et toi, lecteur, si tu es arrivé au bout de mon avis, eh bien tu es prêt pour lire
Renata n'importe quoi.