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Critique de Marti94


Je suis allée à Malaga et pourtant je n'ai rien vu. J'ai donc été très sensible à ce récit graphique au nom intrigant « Promenade des Canadiens », sous-titré « Espagne, 1937 ». Car la promenade dont il s'agit longe la mer et si l'on regarde attentivement, il y a une plaque qui indique « En mémoire de l'aide que le peuple canadien a portée, de la main de Norman Bethune, aux fugitifs de Malaga en février 1937 ».

Il n'est pas surprenant que l'auteur des textes et dessins, Carlos Guijarro, soit diplômé d'histoire, car cette bande dessinée est comme un documentaire et avant tout un témoignage historique de la tragédie de Malaga de février 1937.
Traduit de l'espagnol par Amaia garmendia, c'est le premier livre de Carlos Guijarro qui exploite les possibilités narratives offertes par la bande dessinée pour ne pas oublier les meurtres de civils commis par les fascistes et passés sous silence. C'est également un hommage au médecin canadien Norman Bethune et a son équipe.

L'histoire commence de nos jours. Charlie, un jeune historien en vacances à Malaga dans le sud de l'Espagne, s'interroge sur cet épisode de la Guerre Civile espagnol nommé la débandade (« La Desbandá ») après avoir lu la plaque sur la promenade et après avoir été interpellé par un vieil homme choqué que l'évènement tragique soit tombé dans l'oubli.

Charlie va avoir la chance de rencontrer la grand-mère de son ami Paco qui va lui raconter cette débâcle qu'elle a vécu durant son enfance, avec sa famille. de là, les passages en couleur représentant le présent vont alterner avec les passages en noir et blanc représentant le passé. C'est très bien fait d'autant plus que les dessins sont souvent issus de photographies prisent en 1937, notamment par Hazen Size qui faisait partie de l'équipe du docteur Bethune. le format de la bande dessinée est aussi très agréable.

Macarena à 12 ans en février 1937. Elle raconte le cauchemar.
La guerre fait rage et les fascistes sont aux portes de Malaga. Pour fuir les bombardements la seule solution est d'emprunter la route qui relie Malaga à Alméria. Beaucoup moins connu que le bombardement de Guernica et cependant aussi odieux et meurtrier, cet épisode de la guerre compta entre 5000 et 7000 victimes, femmes, enfants et vieillards essentiellement, fuyant vers Alméria. Quant à ceux qui restèrent à Malaga, les Franquistes en fusillèrent 20000.
Macarena va perdre son père, ses amies qu'elle aurait aimé protéger, sa mère va être emprisonnée. Elle va marcher le long de cette route bombardée et survivre en mangeant de la canne à sucre. Et puis, un homme arrive…
Le médecin Canadien, Norman Bethune, engagé dans les Brigades Internationales, porta secours à la population avec son équipe. Il est membre du parti communiste depuis 1935. C'est un homme d'action et c'est pour lui l'occasion d'agir. Son expérience de brancardier pendant la Première Guerre mondiale lui avait appris l'importance d'aider les blessés le plus vite possible. Il met ainsi sur pied une banque de sang près du front et organise un service mobile de transfusion sanguine, le premier du genre.
Mais Norman Bethune ne fait pas que soigner, amputer ou transfuser les blessés. Il est épouvanté par les horreurs de la guerre et il mène aussi un combat politique. Un combat contre le fascisme et la tyrannie, qui vont, craint-il, précipiter le monde dans l'horreur.

Aujourd'hui Macarena est une vieille dame qui dit qu'elle avait besoin de raconter la terreur. Il faut que la société admette la réparation morale en reconnaissant l'injustice pour commencer à réparer le mal causé et pour que les victimes puissent se libérer du fardeau du passé.

« Promenade des Canadiens » est un très beau livre sur le devoir de mémoire qui complète ma lecture récente d'une biographie de la Pasionaria à qui on doit le slogan No pasaran !
Et puis, discrètement, avant de fermer le livre, il y a une citation d'Isaac Newton, comme un mot de la fin qui peut faire échos à la main tendu de Norman Bethune qui a sauvé de nombreuses vies : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts. »

Ce livre m'a été offert par les éditions Steinkis dans le cadre d'une opération masse critique. Je les remercie de tout coeur.


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