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Critique de HordeDuContrevent


Un thriller rural post-apocalyptique montagnard, voilà comment j'étiquèterais ce livre. Dans lequel souffle un vent féministe. Un vent fantastique et surréaliste. Dans lequel le suspense est en suspens au fil des pages, en apesanteur, telle la brume glaciale qui baigne ces montagnes, rendant l'ambiance pesante. Poisseuse oppression. Quelque chose se trame, nous sommes déjà dans un après dans lequel tenter de survivre.
Je n'ai pas lu le livre précédent de Johann Guillaud-Bachet, « La soif des bêtes » mais d'après les critiques (excellentes critiques) et le résumé du livre, l'ambiance semble assez proche : nous sommes bien également dans un roman noir rural, qui plus est, montagnard…et dans lequel nous retrouvons des corps déchiquetés…autant vous dire que ce n'est pas mon style de lecture habituel !

L'après quoi ? Ce n'est pas directement nommé, mais on le pressent confusément : « Partout, le temps s'est accéléré : des soleils trop forts ont crevé le ciel, les vents incessants ont décapé les corps et les eaux mauvaises tordu les ventres. La peau s'est craquelée, les cheveux ont blanchi. Tous s'usent plus vite désormais ».
Les villes sont en proie aux incendies et aux tempêtes, le littoral est submergé par la montée des eaux. Les conditions de vie sont devenues précaires et dangereuses, tout venant à manquer, l'essence, les vivres, les réseaux de télécommunication. La violence est de mise, le temps semble être revenu en arrière : distances agrandies, ignorance, superstitions, médecine de plantes et de formules magiques, sorcellerie. le retour du Moyen-Âge. Un futur terrible et, pour punition, un retour en arrière. Avancer pour mieux reculer dans l'horreur, dans une période sombre, où le principal est de sauver sa peau. La montagne, qui est déjà en soi un monde inquiétant d'histoires et de légendes, vient ici accentuer cet effet post-apocalyptique.

C'est dans ce contexte qu'Etienne et sa fille Manon retournent habiter dans la maison familiale en pleine montagne afin de pouvoir vivre en autosuffisance et fuir la vie citadine qui est devenue impossible. Afin aussi de fuir là où est morte Marie, la maman de Manon, la femme d'Etienne. La vie en pleine campagne semble en effet plus douce, plus apte à pouvoir fournir nourriture, bois de chauffage, eau, en s'organisant et en travaillant dur. Se réinventer une nouvelle vie en autarcie. Oser développer des rêves bucoliques. Des mois, « des années à prédire l'effondrement, à abreuver leur quotidien de discours survivalistes et de rêves d'autarcie. Des nuits entières à absorber les noms des plantes, les secrets des animaux de montagne, les techniques pour labourer le sol, couper les arbres et faire sécher les troncs, acheminer l'eau, élever des bêtes… ».
Mais même dans cet endroit isolé, le danger guette et rôde, comme tapi dans les montagnes, dans ses crevasses, ses grottes, ses cours d'eau, un danger amplifié par les conditions climatiques devenues hostiles aux hommes et accentuées en montagne. Des disparitions de jeunes femmes inquiétantes, des hommes retrouvés mutilés, une montagne dans laquelle déambuler est devenue impossible, des gens louches et menaçants, des vols inquiétants, des cornes de brume remplaçant le téléphone lorsque le pire est là, des rumeurs et des médisances…les ingrédients sont bel et bien là pour exprimer toute la sauvagerie de la société humaine dans cet après dont nous appréhendons nous même aujourd'hui l'arrivée. Ou comment la survie nous rend sauvages et mauvais. Comment la nature, maltraitée par l'homme, nous le rend bien en nous faisant payer…

Heureusement les amis sont là, Matthieu, Caro, la belle et sauvage Sériane, personnages attachants pour accueillir, malgré tout, le papa et sa fille. Pour apporter des touches d'humanité, de tendresse, d'amour, une sorte de cocon permettant d'oublier, un peu. Par moment, la légèreté semble même de nouveau possible « Elles sont installées sur le banc devant la maison. le soleil coule sur les pierres, chauffe leurs pieds nus. Une infusion de menthe et de sarriette fraîches fume doucement à leurs côtés. ». Mais même dans les moments d'amour et de communion, le malaise est toujours présent : « Leurs visages se rapprochent et ils s'embrassent. Les trous noirs des galeries les scrutent de là-haut, comme des yeux percés dans la roche ».

Le livre est fluide, les pages se tournent rapidement afin de comprendre ce qui se passe, pourquoi des gens déchiquetés, par qui, par quoi, pourquoi ? La recette est efficace même sur moi qui suis sortie de ma zone de confort avec ce livre, n'étant pas une adepte de thriller, de romans noirs. Que demander de plus à un tel livre, il réussit avec brio son petit effet ? Cependant un bémol pour moi porte sur l'écriture. Certes les chapitres très courts et la présence de très nombreux dialogues donnent un vrai rythme à ce livre, ça fonctionne à merveille, je n'ai pas réussi à le lâcher. Mais le style de l'auteur, la description des paysages notamment, ne m'a pas déplu il est vrai, sans pour autant me plaire particulièrement. Sans doute suis-je difficile en la matière, j'aime trouver et sentir la pâte propre à un auteur, sa façon à lui de raconter les choses, or ici le style est bon sans être particulier ou exceptionnel. Son écriture est efficace, l'auteur sait raconter les montagnes, qu'il connait de toute évidence, il sait raconter le danger mais il manquerait un petit quelque chose, un supplément d'âme, une façon plus ciselée et plus personnelle de décrire ces paysages hallucinants et si dangereux, de faire sentir "Les vents sauvages". Il me manque une once de poésie mais c'est un ressenti très personnel. Et vu les critiques dithyrambiques de son livre précédent « La soif des bêtes », je suis certaine de poursuivre ma découverte de l'univers de Johann Guillaud-Bachet qui a, de plus, reçu le prix Du Mont blanc et le prix des écrins en 2020. Un jeune auteur très prometteur !
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