AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de motspourmots


En voilà un que j'ai accueilli avec une petite grimace et refermé quelques heures plus tard, tout étonnée de la façon dont il m'a embarquée et gardée jusqu'à la fin. La grimace c'était bien sûr pour le thème, la religion, un sujet qui est loin de me passionner, bien au contraire. Je ne peux qu'être admirative du tour de force réussi par Maëlle Guillaud de me faire aimer ce livre.

Il faut dire qu'elle s'y prend bien. En proposant un traitement équilibré des différents points de vue, en évitant tout jugement de valeur mais en apportant un éclairage sans concession sur la réalité de la vie des recluses, en n'oubliant pas que ceux qui entrent en religion sont avant tout des humains non dénués de faiblesses.

La jeune Lucie choisit donc un beau matin d'épouser Dieu et d'entrer dans les ordres ; elle abandonne ses études en prépa à Normale Sup, son amie Juliette et toute sa courte vie antérieure qui ressemblait à celle de n'importe quelle jeune fille plutôt jolie et intelligente. Est-elle influencée par son amie Mathilde qui choisit la même voie ? Est-elle fragilisée par le décès accidentel de son père adoré ? Cherche-t-elle à fuir les difficultés rencontrées dans ses études ? Toutes ces questions, Juliette, sa meilleure amie s'en fait le porte-voix, elle qui ne comprend ni la religion, ni la foi, ni le choix de Lucie... Athée et sceptique, le personnage de Juliette contribue à l'adhésion du lecteur qui se trouve, comme moi, dans le même état d'esprit.

Très vite, Lucie fait l'expérience de la dureté de l'enfermement, de l'ambiance mortifère qui règne dans l'enceinte, de la terreur que fait régner la mère supérieure. Une ambiance de femmes avec son lot de jalousies, de mesquineries, de contraintes et d'humiliations. Lucie plie mais ne rompt pas. Même lorsqu'elle met à jour de curieuses pratiques et en vient à douter du bien-fondé de son choix. S'engage alors un violent rapport de forces dont l'extérieur n'a absolument aucune idée, Lucie ne laissant rien paraître, pas même lors de ses rares entrevues avec Juliette.

L'auteure parvient à créer régulièrement la surprise, quitte à emprunter (avec succès) au polar. Que savons-nous de la réalité d'un couvent ? de ce qui se passe derrière ses lourdes portes ? En quoi serait-ce différent d'un autre lieu de travail ? Les notions de pouvoir, d'ambition, d'appât du gain sont les mêmes que dans une entreprise classique... Les manoeuvres et autres stratégies de conquêtes également. Des notions qui peuvent même être accentuées par le contexte d'enfermement. La violence des rapports en est décuplée.

Ce roman est celui de l'ambiguïté. Des sentiments de Lucie, du comportement des institutions religieuses, des perceptions du lecteur face à l'idée qu'il se fait de la religion. C'est bien d'avoir osé un tel sujet, surtout au 21ème siècle où le problème de la vocation est moins évident qu'à l'époque où l'on entrait de façon presque automatique au couvent dans certaines circonstances. C'est bien aussi de le tenir jusqu'au bout. Et de continuer à surprendre jusqu'à la fin.

Un premier roman qui ne choisit pas la facilité, une auteure qui mène bien sa barque et que l'on suivra avec intérêt dans les années à venir.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          250



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}