Un «
exercice d'abandon » consiste, sur un bateau de croisière, à se rassembler muni de gilets de sauvetage , en un point donné par l'équipage . C'est un exercice de sécurité qui peut durer une heure.
Lors de l'exercice prévu aux environs de Sadec, Viêt Nam, deux passagers manquent à l'appel, un homme, une femme, chacun marié de son côté et en train de partager une croisière de rêve sur le Mékong. Apparemment, ils ne se connaissent pas, ne se sont qu'à peine approchés pendant le voyage, ne se sont quasi jamais parlé : alors ?
Le suspens ne dure pas très longtemps, ni kidnapping, ni accident, ni agression : la femme disparue informe son mari par un bref texto : elle a dû suivre l'homme, un amour fou et irrépressible les a jetés l'un vers l'autre. Elle est désolée.
Les deux abandonnés passent par toutes les émotions, tous les sentiments, de l'abattement à la révolte, du désespoir au rêve de reconstruire. Ils évoquent le retour, le pardon peut-être. C'est décidé, passé l a frontière avec le Cambodge, ils prendront le chemin de l'aéroport à Phnom Penh.
Mais la vie s'amuse avec eux. Ils s'écoutent, s'observent, se racontent, doucement d'abord puis avec plus d'intensité. Lui la regarde avec douceur, avec tendresse et la protège. Elle, pleure, boit, vomit, lui demande de dormir dans sa chambre puis dans celle de l' « autre », la pute qui n'a même pas emporté ses vêtements, comme pour repartir toute neuve vers un autre avenir.
Et ce qui pourrait n'être qu'un très vulgaire chassé-croisé entre deux couples qui se défont et s'unissent devient une palette délicate de sentiments à fleur d'âme, de sensations douces et à peine effleurées. Quelque chose de doux, de pastel naît sous nos yeux comme la fin d'un mauvais rêve.
Et c'est très joli, écrit d'une langue élégante et soyeuse qui laisse au loin les touristes de masse et le couple enfui.