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Gabriel Joseph de Lavergne Guilleragues (Auteur présumé)Frédéric Deloffre (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070382446
217 pages
Gallimard (02/05/1990)
3.44/5   154 notes
Résumé :
Considère, mon amour, jusqu'à quel excès tu as manqué de prévoyance. Ah ! malheureux ! tu as été trahi, et tu m'as trahie par des espérances trompeuses. Une passion sur laquelle tu avais fait tant de projets de plaisirs, ne te cause présentement qu'un mortel désespoir, qui ne peut être comparé qu'à la cruauté de l'absence qui le cause. Quoi ? cette absence, à laquelle ma douleur, tout ingénieuse qu'elle est, ne peut donner un nom assez funeste, me privera donc pour ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Les Lettres Portugaises, succès paru en 1669, font toujours l'objet d'interrogations quant à leur paternité ou, plus exactement leur parentalité, car elles furent d'abord longtemps considérées comme l'authentique et scandaleux cri du coeur d'une religieuse portugaise avant d'être attribuées à l'imagination du français Gabriel de Guilleragues (d'ailleurs, qu'en pensez-vous ?).

Le livre est court, on évite les longueurs de l'étalage des sentiments. Les transports amoureux de la religieuse portugaise sont magistraux, servis dans une langue parfaite et très fluide du XVIIème siècle.

« Je me suis laissé enchanter par des qualités très médiocres, qu'avez-vous fait qui dût me plaire ? » Les tourments dans lesquels sa passion la plonge sont millénaires : l'attente nerveuse y côtoie la colère stérile et impudique et, aux gémissements infantiles succèdent les amères et sages lucidités. Se dessine finalement tout le deuil d'une passion, la narratrice avouant sans orgueil être plus amoureuse de l'amour que du sujet amoureux, « j'ai éprouvé que vous m'étiez moins cher que ma passion ».

« Je vous ai aimé comme une insensée ». Ce qui donne son remarquable tragique à ce texte, c'est l'élan des vagues de la passion, qui inlassablement se brisent contre la digue de l'indifférence. Face à l'amour en sens unique, quel panache ! Un athée se risquerait peut-être à dire que qui mieux qu'une nonne pour nous parler d'amour non partagé ? (le comble...).

« Je me souviens pourtant de vous avoir dit quelquefois que vous me rendriez malheureuse : mais ces frayeurs étaient bientôt dissipées, et je prenais plaisir à vous les sacrifier, et à m'abandonner à l'enchantement, et à la mauvaise foi de vos protestations ». Ces fragments épistolaires d'un discours amoureux font du lecteur le destinataire des missives, la prise à témoin frôle la prise à partie. Car nous ne disposons pas des lettres réponses de « l'amant » et même si nous en devinons les contours, prenons garde à la subjectivité de la narratrice, nous aurions tous trop tôt fait de condamner l'officier français sans lui laisser la parole, méfions-nous de la vision déformée, parfois de mauvaise foi, d'une passion sourde à toute raison et qui se veut au-dessus des frontières, des rois et des guerres.

Le fait de n'avoir que la perspective de la religieuse jette un voile de mystère sur cette toile dont on ne peut reconstituer le tableau d'ensemble. Peut-être est-ce au lecteur de poursuivre cette oeuvre, de sorte qu'il ne tient désormais qu'à vous de jeter l'ancre à Lisbonne…ou sur le papier !
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* Mini-trilogie : Valentin 1, 2, 3 *

Valentin 1 « Lettres portugaises », Gabriel Guilleragues
Valentin 2 « Laissez-moi », Marcelle Sauvageot
Valentin 3 « Mon cher amour... », Julie Maillard

On ne saurait réduire Lettres portugaises, recueil de cinq lettres d'amour d'une religieuse portugaise à un officier français, à une envolée lyrique, précieuse et répétitive. Il constitue un texte fondateur dans la littérature classique. Il marque un tournant vers un discours porté exclusivement sur la nature des sentiments, et aussi, l'origine du genre épistolaire.

Son écho le plus retentissant est la Princesse de Clèves, publié neuf ans plus tard.

De nombreux romans par lettres, français et étrangers, sont inspirés des Lettres portugaises, à noter, parmi d'autres, « La Nouvelle Héloïse », « Les Liaisons dangereuses », « Clarisse Harlowe », « La Religieuse » de Diderot et « Cleveland » de l'Abbé Prévost.

Ce qui est fascinant aussi ce sont toutes les conjectures qui ont germées autour de la genèse de cet opuscule.

Je tiens entre mes mains un charmant petit livre cartonné bleu, au format poche (10X15), absent de Babelio car sans numéro ISBN, publié par la « Guilde du Livre », en 1956.

Il est préfacé par Dominique Aury, pseudo de Anne-Cécile Duclos (1907-1998), autrice du sulfureux « Histoire d'O », qui résume les présupposés de l'histoire réelle.

En 1666, à Beja, Algarve, Portugal, au couvent royal de Notre-Dame-de la Conception, une nonne de vingt-six ans, Mariana Alcoforado, a une liaison passionnée avec le marquis de Chamilly, colonel, qui participe à la libération du Portugal, envahi par l'Espagne.

Nonobstant l'absence de preuve que Mariana et Chamilly se soient réellement rencontrés et aimés, le doute subsiste quant à la paternité de ces lettres.

« Au mois de janvier 1669, Claude Barbin, libraire « au Palais, sur le second perron de la Sainte-Chapelle » publiait à Paris, avec « privilège Du Roy », un petit livre intitulé « Lettres portugaises, traduites en françois ». Son édition s'ouvrait par un avis au lecteur, dont le but était d'éveiller et de soutenir la curiosité d'un public mondain ». (Article de Maurice Toesca, Revue des deux mondes, juillet 1954).

Nous devons l'essentiel de la documentation à Claude Aveline, qui en 1951, l'a regroupée dans « Et tout le reste n'est rien ».

Il désigne Gabriel de Guilleragues (1628-1685), écrivain mondain, membre de la cour, habitué des salons littéraires, qui a remis lesdites lettres à Claude Barbin, comme l'auteur. Il pourrait n'en être que le messager, voire le traducteur, mais Aveline estime que même si Mariana aurait pu parler le français et Chamilly, le portugais, il est peu probable qu'une nonne portugaise du XVIIème siècle ait pu produire des lettres dans un langage aussi soutenu.

C'est intéressant de noter des similitudes entre Lettres portugaises et d'autres oeuvres classiques de la même période, notamment Dom Juan de Molière, d'où un doute de paternité qui s'étend à l'ensemble des oeuvres du règne du roi Soleil.

Dominique Aury va même jusqu'à supposer que Lettres Portugaises aient pu être écrites par Racine, sachant que Racine et Guilleragues étaient amis !
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Ces Lettres portugaises sont présentées comme étant la première "fiction" de l'histoire littéraire classique, elles datent de 1669. Leur succès à été immédiat et elles ont précédé la naissance du roman moderne. Une jeune religieuse, éperdue d'amour, écrit cinq lettres à son amant qui a quitté le Portugal où il était en poste pour regagner la France. Il semble que l'amour ne soit pas partagé. Un livre très mince, d'un peu plus de cinquante pages. Un texte très classique qui décrit la passion, une histoire résumée en une petite poignée de lettres écrites par une jeune recluse qui n'a jamais connu que le couvent. Un peu vieilli. A lire par curiosité.
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Un classique que je n'avais pas eu la chance d'étudier pendant mon cursus scolaire. Ces lettres sont très belles et passionnées. Cette nonne se livre en toute franchise et nous livre ses doutes, ses espoirs, sa tendresse et son désespoir.
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En fait de roman épistolaire, il y a beaucoup mieux : "Clarisse Harlowe" ou "Les liaisons dangereuses" ou encore "Les souffrances du jeune Werther" ou "Delphine" de Germaine de Staël : mais toutes ces oeuvres ont été écrites au 18 ème siècle.

Pourquoi cette oeuvre de Guilleragues, publiée en 1669 (donc au 17 ème siècle) a-t-elle eu tant de succès ?

Pour son caractère scandaleux, sûrement, et sa langue maîtrisée :

- son caractère scandaleux : une nonne portugaise écrit des lettres d'amour à un officier français qui l'a abandonnée : pas la moindre référence religieuse dans cette correspondance, mais l'élan d'un amour humain profane ; pas non plus de sentiment de faute de la part de Marianne (c'est le prénom de l'épistolière) : la culpabilité qui fait le fond du catholicisme n'est même pas évoquée ; pas d'opprobre de la part de l'institution ecclésiastique ni de la famille : la religieuse délaissée est l'objet de l'apitoiement de tous ; on tente de lui rendre son épreuve plus douce. C'est un peu "hors sol" "hors moeurs du temps", d'où peut-être les grandes controverses qui apparurent dès la parution et les multiples tentatives de remaniements pour aplanir les aspects subversifs ;

- sa langue : Gabriel Joseph de Lavergne, comte de Guilleragues, est un gentilhomme gascon né à Bordeaux en 1628 : il se garde bien de signer son texte : écrire pour un aristocrate du siècle est une faute de goût, il faut tenir son rang et n'attirer les regards sous aucun prétexte.
Le style des "Lettres" est un style classique mâtiné d'occitanismes, notamment dans la concordance des temps des verbes : par exemple les subjonctifs y sont déjà remplacés par des temps de l'indicatif.
Cette oeuvre a fait l'objet de multiples études grammaticales, sémiologiques et linguistiques : elle constitue manifestement un vivier d'informations.

Pourtant je n'ai pas été émue par les accents de souffrance de Marianne aux prises avec son séducteur : trop de forme, pas assez de fond ; trop de sentiments archi-connus et montés en épingle.

Nous ne sommes plus sensible à l'érotisme suggéré (plus efficace sur les lecteurs de l'époque que la crudité à laquelle nous nous sommes habitués) ; l'expression féminine de la passion ne constitue plus une transgression, elle est presque devenue un genre littéraire en soi.

Il faut faire un effort de remise dans le contexte : ce roman épistolaire annonce le siècle suivant.

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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
« Je me souviens pourtant de vous avoir dit quelquefois que vous me rendriez malheureuse : mais ces frayeurs étaient bientôt dissipées, et je prenais plaisir à vous les sacrifier, et à m'abandonner à l'enchantement, et à la mauvaise foi de vos protestations ».
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Votre lieutenant vient de me dire qu'une tempête vous a obligé de relâcher au royaume d'Algarve: je crains que vous n'ayez beaucoup souffert sur la mer, et cette appréhension m'a tellement occupée, que je n'ai plus pensé à tous mes maux; êtes-vous bien persuadé que votre lieutenant prenne plus de part que moi à tout ce qui vous arrive? Pourquoi en est-il mieux informé, et enfin pourquoi ne m'avez-vous point écrit? Je suis bien malheureuse, si vous n'en avez trouvé aucune occasion depuis votre départ, et je la suis bien davantage, si vous en avez trouvé sans m'écrire; votre injustice et votre ingratitude sont extrêmes: mais je serais au désespoir, si elles vous attiraient quelque malheur, et j'aime beaucoup mieux qu'elles demeurent sans punition, que si j'en étais vengée.

Je résiste à toutes les apparences, qui me devraient persuader que vous ne m'aimez guère, et je sens bien plus de disposition à m'abandonner aveuglément à ma passion, qu'aux raisons que vous me donnez de me plaindre de votre peu de soin. Que vous m'auriez épargné d'inquiétudes, si votre procédé eût été aussi languissant les premiers jours que je vous vis, qu'il m'a paru depuis quelque temps! mais qui n'aurait été abusée, comme moi, par tant d'empressements, et à qui n'eussentils paru sincères? Qu'on a de peine à se résoudre à soupçonner longtemps la bonne foi de ceux qu'on aime! Je vois bien que la moindre excuse vous suffit, et sans que vous preniez le soin de m'en faire, l'amour que j'ai pour vous vous sert si fidèlement, que je ne puis consentir à vous trouver coupable que pour jouir du sensible plaisir de vous justifier moi-même. Vous m'avez consommée par vos assiduités, vous m'avez enflammée par vos transports, vous m'avez charmée par vos complaisances, vous m'avez assurée par vos serments, mon inclination violente m'a séduite, et les suites de ces commencements si agréables et si heureux ne sont que des larmes, que des soupirs, et qu'une mort funeste, sans que je puisse y porter aucun remède.

Il est vrai que j'ai eu des plaisirs bien surprenants en vous aimant: mais ils me coûtent d'étranges douleurs, et tous les mouvements que vous me causez sont extrêmes. Si j'avais résisté avec opiniâtreté à votre amour, si je vous avais donné quelque sujet de chagrin et de jalousie pour vous enflammer davantage, si vous aviez remarqué quelque ménagement artificieux dans ma conduite, si j'avais enfin voulu opposer ma raison à l'inclination naturelle que j'ai pour vous, dont vous me fîtes bientôt apercevoir (quoique mes efforts eussent été sans doute inutiles), vous pourriez me punir sévèrement et vous servir de votre pouvoir: mais vous me parûtes aimable, avant que vous m'eussiez dit que vous m'aimiez, vous me témoignâtes une grande passion, j'en fus ravie, et je m'abandonnai à vous aimer éperdument.

Vous n'étiez point aveuglé, comme moi, pourquoi avez-vous donc souffert que je devinsse en l'état où je me trouve? qu'estce que vous vouliez faire de tous mes emportements, qui ne pouvaient vous être que très importuns? Vous saviez bien que vous ne seriez pas toujours en Portugal, et pourquoi m'y avez-vous voulu choisir pour me rendre si malheureuse? Vous eussiez trouvé sans doute en ce pays quelque femme qui eût été plus belle, avec laquelle vous eussiez eu autant de plaisirs, puisque vous n'en cherchiez que de grossiers, qui vous eût fidèlement aimé aussi longtemps qu'elle vous eût vu, que le temps eût pu consoler de votre absence, et que vous auriez pu quitter sans perfidie et sans cruauté: ce procédé est bien plus d'un tyran, attaché à persécuter, que d'un amant, qui ne doit penser qu'à plaire.

Hélas! Pourquoi exercezvous tant de rigueurs sur un coeur qui est à vous? Je vois bien que vous êtes aussi facile à vous laisser persuader contre moi, que je l'ai été à me laisser persuader en votre faveur; j'aurais résisté, sans avoir besoin de tout mon amour, et sans m'apercevoir que j'eusse rien fait d'extraordinaire, à de plus grandes raisons que ne peuvent être celles qui vous ont obligé à me quitter: elles m'eussent paru bien faibles, et il n'y en a point qui eussent jamais pu m'arracher d'auprès de vous; mais vous avez voulu profiter des prétextes que vous avez trouvés de retourner en France; un vaisseau partait, que ne le laissiezvous partir? Votre famille vous avait écrit, ne savez-vous pas toutes les persécutions que j'ai souffertes de la mienne? Votre honneur vous engageait à m'abandonner, ai-je pris quelque soin du mien? Vous étiez obligé d'aller servir votre roi, si tout ce qu'on dit de lui est vrai, il n'a aucun besoin de votre secours, et il vous aurait excusé.
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Je ne sais pourquoi je vous écris, je vois bien que vous aurez seulement pitié de moi, et je ne veux point de votre pitié; j'ai bien du dépit contre moi-même, quand je fais réflexion sur tout ce que je vous ai sacrifié : j'ai perdu ma réputation, je me suis exposée à la fureur de mes parents, à la sévérité des lois de ce pays contre les religieuses, et à votre ingratitude, qui me paraît le plus grand de tous les malheurs...
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Quoi ? cette absence, à laquelle ma douleur, toute ingénieuse qu’elle est, ne peut donner un nom assez funeste, me privera donc pour toujours de regarder ces yeux, dans lesquels je voyais tant d’amour et qui me faisaient connaître des mouvements, qui me comblaient de joie, qui me tenaient lieu de toutes choses, et qui enfin me suffisaient ? Hélas ! les miens sont privés de la seule lumière qui les animait, il ne leur reste que des larmes, et je ne les ai employés à aucun usage, qu’à pleurer sans cesse, depuis que j’appris que vous étiez enfin résolu à un éloignement, qui m’est si insupportable, qu’il me fera mourir en peu de temps.
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Cependant il me semble que j’ai quelque attachement pour des malheurs dont vous êtes la seule cause : je vous ai destiné ma vie aussitôt que je vous ai vu, et je sens quelque plaisir en vous la sacrifiant. J’envoie mille fois le jour mes soupirs vers vous, ils vous cherchent en tous lieux, et ils ne me rapportent, pour toute récompense de tant d’inquiétudes, qu’un avertissement trop sincère que me donne ma mauvaise fortune, qui a la cruauté de ne souffrir pas que je me flatte, et qui me dit à tous moments : cesse, cesse Mariane infortunée, de te consumer vainement, et de chercher un amant que tu ne verras jamais, qui a passé les mers pour te fuir, qui est en France au milieu des plaisirs, qui ne pense pas un seul moment à tes douleurs, et qui te dispense de tous ces transports desquels il ne te sait aucun gré. (p.12-13)
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