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Critique de isanne


isanne
29 septembre 2022
Est-ce qu'il vous arrive, quand vous découvrez un récit, de vous sentir très proche, d'être particulièrement attiré par un des personnages c'est-à-dire de le trouver lumineux, à vos yeux, davantage que les autres quand bien même, il n'est pas un personnage principal ?

La grand-mère - dans le premier texte de ce recueil " La Maison du Peuple » - est ainsi pour moi : elle incarne la fierté des "petits", leur abnégation, leur indépendance paradoxale qui s'écrit dans la solidarité immuable, leur volonté de rester solitaire pour ne peser sur aucun, elle incarne la misère, la pauvreté des vies malgré un travail quotidien même à l'âge avancé. Et ce travail, ce labeur souvent au bon vouloir de ceux qui "possèdent", comme une aumône consentie parfois, rarement comme un cadeau. Cette charge de travail suffisant à peine à se nourrir, à garder un toit, à avoir un peu de chaleur l'hiver, à tenter de vivre tout simplement.

Et quand la vie s'est trop usée, l'absence se profile, précocement inéluctable et souvent avec elle la prise de conscience que celui qui s'en est allé - ou qui s'en va dans le seconde texte - était encore plus pauvre, encore plus démuni que ce qu'il a laissé transparaître sa vie durant parce qu'il y a cette dignité, cette fierté qui constitue la seule richesse que possèdent ceux qui n'ont rien pour avancer un jour après l'autre.

Ce personnage pour lequel j'éprouve un immense respect plein d'admiration, cette femme âgée incarne la légitimité, s'il en était besoin, de la lutte de ses enfants, de ce monde ouvrier, sa condition même la motiverait à elle seule.
Cette femme est le reflet de ce compagnon de la seconde nouvelle, même image de deux existences également tissées, empreintes de faiblesse de l'âge et de l'usure du labeur, mais fortes de leur dignité, ne demandant rien, refusant tout, pour ne pas être charge supplémentaire pour ceux qui déjà portent le fardeau du quotidien.
Fardeau du quotidien qui porte l'idée de créer une section militante dans le premier texte, de tout donner pour être entendus. Et la confiance trahie par un, celui qui les a utilisés à son propre dessein, celui qui rêvait de pouvoir et les a trompés. Pouvoir qui l'attirait davantage que les convictions, que la défense de ceux qui triment, de ceux qui seront restés toujours honnêtes dans leurs idées. Et l'anarchisme comme finalement seule possibilité de vivre et de décider ensemble sans meneur.
Durant ces années qui entourent la Grande Guerre,quand tous partiront et que bien peu reviendront et terriblement changés, les avancées durement gagnées si infimes ont-elles été, seront à reconquérir sans cesse, à nouveau.

Un texte tout en sobriété d'écriture à l'image du dénuement de ces êtres, de leur vie simple et aride, eux qui espèrent en un temps plus clément, en une possibilité de travail quotidien et de pain pour les enfants. Des phrases sobres et limpides pour décrire une époque, un temps, des vies âpres que ces êtres essayent de faire sourire, des expressions tirées de la bouche même de ces hommes et femmes, dont on perçoit dans ses pages, à travers les luttes et les espoirs, les battements de coeurs qui résonnent fortement et qui nous émeuvent au plus haut point.

Tous ces visages croisés dans ces deux récits ont la volonté d'être leurs seuls maîtres, prenant seuls en charge leur destinée : libres, ils sont et le restent comme un symbole marquant profondément nos pensées une fois quittés. Nous ne pouvons les oublier...
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