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EAN : 9782246129967
200 pages
Grasset (05/05/2004)
4.07/5   97 notes
Résumé :
Un peu avant la guerre de 14, à Saint-Brieuc, un cordonnier essaie de créer dans la ville une section socialiste, puis entreprend de construire de ses mains une "maison du peuple", et son fils - encore un enfant - assiste à ses efforts désespérés pour donner un espoir au peuple.
L'art de Guilloux, pudique et tendre, est déjà tout entier dans ce premier roman qui annonce une des œuvres majeures de son temps.
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Est-ce qu'il vous arrive, quand vous découvrez un récit, de vous sentir très proche, d'être particulièrement attiré par un des personnages c'est-à-dire de le trouver lumineux, à vos yeux, davantage que les autres quand bien même, il n'est pas un personnage principal ?

La grand-mère - dans le premier texte de ce recueil " La Maison du Peuple » - est ainsi pour moi : elle incarne la fierté des "petits", leur abnégation, leur indépendance paradoxale qui s'écrit dans la solidarité immuable, leur volonté de rester solitaire pour ne peser sur aucun, elle incarne la misère, la pauvreté des vies malgré un travail quotidien même à l'âge avancé. Et ce travail, ce labeur souvent au bon vouloir de ceux qui "possèdent", comme une aumône consentie parfois, rarement comme un cadeau. Cette charge de travail suffisant à peine à se nourrir, à garder un toit, à avoir un peu de chaleur l'hiver, à tenter de vivre tout simplement.

Et quand la vie s'est trop usée, l'absence se profile, précocement inéluctable et souvent avec elle la prise de conscience que celui qui s'en est allé - ou qui s'en va dans le seconde texte - était encore plus pauvre, encore plus démuni que ce qu'il a laissé transparaître sa vie durant parce qu'il y a cette dignité, cette fierté qui constitue la seule richesse que possèdent ceux qui n'ont rien pour avancer un jour après l'autre.

Ce personnage pour lequel j'éprouve un immense respect plein d'admiration, cette femme âgée incarne la légitimité, s'il en était besoin, de la lutte de ses enfants, de ce monde ouvrier, sa condition même la motiverait à elle seule.
Cette femme est le reflet de ce compagnon de la seconde nouvelle, même image de deux existences également tissées, empreintes de faiblesse de l'âge et de l'usure du labeur, mais fortes de leur dignité, ne demandant rien, refusant tout, pour ne pas être charge supplémentaire pour ceux qui déjà portent le fardeau du quotidien.
Fardeau du quotidien qui porte l'idée de créer une section militante dans le premier texte, de tout donner pour être entendus. Et la confiance trahie par un, celui qui les a utilisés à son propre dessein, celui qui rêvait de pouvoir et les a trompés. Pouvoir qui l'attirait davantage que les convictions, que la défense de ceux qui triment, de ceux qui seront restés toujours honnêtes dans leurs idées. Et l'anarchisme comme finalement seule possibilité de vivre et de décider ensemble sans meneur.
Durant ces années qui entourent la Grande Guerre,quand tous partiront et que bien peu reviendront et terriblement changés, les avancées durement gagnées si infimes ont-elles été, seront à reconquérir sans cesse, à nouveau.

Un texte tout en sobriété d'écriture à l'image du dénuement de ces êtres, de leur vie simple et aride, eux qui espèrent en un temps plus clément, en une possibilité de travail quotidien et de pain pour les enfants. Des phrases sobres et limpides pour décrire une époque, un temps, des vies âpres que ces êtres essayent de faire sourire, des expressions tirées de la bouche même de ces hommes et femmes, dont on perçoit dans ses pages, à travers les luttes et les espoirs, les battements de coeurs qui résonnent fortement et qui nous émeuvent au plus haut point.

Tous ces visages croisés dans ces deux récits ont la volonté d'être leurs seuls maîtres, prenant seuls en charge leur destinée : libres, ils sont et le restent comme un symbole marquant profondément nos pensées une fois quittés. Nous ne pouvons les oublier...
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J'avais vaguement entendu parler du roman « le Sang noir » et de son auteur, Louis Guilloux. J'ai découvert qu'il était né à Saint-Brieuc, ville à laquelle il est resté attaché toute sa vie, et que son oeuvre appartenait au mouvement réaliste. J'aime beaucoup les Côtes d'Armor, j'ai eu la chance d'y séjourner fréquemment, et j'apprécie ce courant littéraire. Je me suis donc lancé dans la lecture de son premier roman, « la Maison du peuple », publié en 1927.

Ce roman est une chronique familiale, inspirée de l'enfance de l'auteur. Louis Guilloux raconte la vie modeste d'une famille briochine au début du XXème siècle. le père, cordonnier, perçoit des revenus faibles et irréguliers qui lui permettent à peine de subvenir aux besoins de sa famille. Son épouse se charge de l'éducation de leurs trois enfants. le lecteur n'est pas invité à s'apitoyer sur le sort de cette famille. le récit est toujours très simple et poignant, mais il ne tombe jamais dans le pathos. La famille est pauvre mais digne. Voici un exemple de cette dignité : le narrateur ne découvrira le logis de sa grand-mère qu'à sa mort ; celle-ci ne laissait jamais ses proches entrer chez elle pour leur cacher son indigence. Les évènements les plus durs d'une existence sont racontés avec des mots très simples, sans emphase, en courtes scènes : le chômage du père, la maladie de la mère, le décès de l'aïeule, les problèmes d'argent.

Ce roman est aussi une chronique politique qui raconte le développement d'un mouvement socialiste dans la ville de Saint-Brieuc (ce cadre n'est jamais dépassé). le père participe à la création d'une section locale. Cet engagement n'est pas sans risque. Les militants sont régulièrement sanctionnés, certains doivent même quitter la ville. Il fait campagne pour son parti lors des élections municipales. C'est une victoire et un désenchantement puisque cette élection fera naître de nombreuses divisions au sein du groupe. le mouvement renaît doucement. Les militants décident de construire bénévolement une « maison du peuple », un lieu de rencontre, d'échange, de culture et de propagande.
Mais la construction de cette maison va être interrompue par la mobilisation de 1914, la Première Guerre Mondiale va débuter… Et interrompre, à Saint-Brieuc comme partout en Europe, l'essor d'un mouvement socialiste et pacifiste.

Louis Guilloux parvient en quelques mots à restituer un univers familial et le contexte d'une époque. Il rend le plus beau des hommages à ces gens modestes qui ont su rester dignes et ont su trouver, malgré les sanctions, la force de s'engager, de se battre et d'espérer.
Un très beau texte.
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C'est avec un enthousiasme débordant que notre professeure de littérature française nous a parlé de Louis Guilloux, me donnant largement envie de découvrir cet écrivain (ce que j'ai également fait en lisant le recueil de nouvelles Vingt ans ma belle âge).

L'histoire se déroule à l'aube de la Première Guerre Mondiale, lorsqu'un homme, cordonnier, peine à subvenir aux besoins de sa famille... Il s'immisce dans le mouvement socialiste de la ville de Saint-Brieuc et, avec d'autres ouvriers, il décide de créer la maison du peuple.

Toute l'histoire est contée du point de vue du fils du cordonnier, Louis. C'était touchant de découvrir cette histoire, très largement politique, du point de vue d'un enfant. Malheureusement, cela rend, dans le même temps, le sujet un peu moins intéressant...

Bien que j'ai aimé cette histoire, ce n'est pas un livre qui me marquera, pas plus que la nouvelle Compagnons, qui se situe à la fin de l'ouvrage. Je suis toutefois ravie d'avoir pu découvrir les textes de Louis Guilloux !
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Encore un livre découvert par la préface d'Albert Camus...
La maison pour tous, un lieu rêvé pour échanger, partager, se cultiver... qui verra le jour, plus tard, bien plus tard sous la forme, notamment des Maisons pour Tous (MPT)
Une chronique intéressante parce qu'enrichie des souvenirs personnels de Louis Guilloux .
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La préface a été rédigée par Albert Camus lui-même, alors je ne vais certainement pas tenter de vous redire la même chose en moins bien. Lisez la préface.
Nous sommes à Saint-Brieuc au début du 20è s. ; le livre s'achève à l'été 1914 par la mobilisation générale. Il relate la création de la première section socialiste, ses débats et ses divisions, et le début de la construction de la Maison du peuple.
J'ai été profondément touchée par ce récit du monde dans lequel ont vécu mes grands-parents : une ville sans électricité, où ne circulent que des voitures à chevaux, les multiples artisans dans leurs petites échoppes, la campagne toute proche. Un monde où on prenait soin des objets, achetés pour durer une vie : le père est cordonnier, la grand-mère réparatrice de parapluies.
Émue également par les personnages - le roman est très largement autobiographique - de la grand-mère, de la mère, pivot du foyer ouvrier. À une exception près, les femmes briochines en 1913 semblaient davantage tournées vers la statue de la Vierge Marie que vers le drapeau rouge. Mais qu'ils sont touchants, ces dialogues entre le père revendicatif et la mère soucieuse qui tente de calmer le jeu, mais en définitive fait confiance à son homme...
La nouvelle qui complète le recueil, “Compagnons”, est également magnifique d'humanité et de sensibilité.
LC thématique de novembre 2021 : ''Faites de la place pour Noël”
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Presque tous les écrivains français qui prétendent aujourd'hui parler au nom du prolétariat sont nés de parents aisés et fortunés . Ce n'est pas une tare , il y a du hasard dans la naissance et je ne trouve cela ni bien ni mal . Je me borne à signaler au sociologue une anomalie et un sujet d'études . On peut d'ailleurs essayer d'expliquer ce paradoxe en soutenant , avec un sage de mes amis , que parler de ce qu'on ignore finit par vous l'apprendre .
Il reste qu'on peut avoir ses préférences et pour moi , j'ai toujours préféré qu'on témoignât , si j'ose dire , après avoir été égorgé . La pauvreté , par exemple , laisse à ceux qui l'ont vécue une intolérance qui supporte mal qu'on parle d'un certain dénuement qu'en connaissance de cause . Dans les périodiques et les livres rédigés par les spécialistes du progrès , on traite souvent du prolétariat comme d'une tribu aux étranges coutumes et en parle alors d'une manière qui donnerait aux prolétaires la nausée si seulement ils avaient le temps de lire les spécialistes pour s'informer de la bonne marche du progrès . De la flatterie dégoutante au mépris ingénu , il est difficile de savoir ce qui , dans ses homélies est le plus insultant .Ne peut-on vraiment se priver d'utiliser et de dégrader ce qu'on prétend vouloir défendre ? Faut-il que la misère soit toujours volée deux fois ? Je ne le pense pas . Quelques hommes au moins avec Vallès et Dabit , ont su trouver le seul langage qui convenait . Voilà pourquoi j'admire et j'aime l'œuvre de Louis Guilloux , qui ne flatte ni ne méprise le peuple dont il parle et qui lui restitue la seule grandeur qu'on ne puisse lui arracher , celle de la vérité .

ALBERT CAMUS
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"Il faut dénoncer ce qui n'est pas juste. Dire la vérité est une tâche difficile, mais la seule digne d'un homme. Parce que je dis la vérité, on m'attaque bassement. Vous connaissez les articles des journaux réactionnaires et les bruits qui circulent en ville sur mon compte. On m'accuse d'avoir des maîtresses parce que je défends toujours les femmes, de m'être marié pour de l'argent... Laissons. On dit aussi que je suis un révolutionnaire, un incendiaire..."
Tous le regardaient, dévorés de curiosité et d'étonnement. Le Docteur s'était brusquement exalté.
"Eh bien, oui, je suis un incendiaire, mais c'est aux consciences que je mets le feu..."
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Il se remit à taper sur son cuir. Il maniait le marteau avec violence. Les coups tombaient, nets sur la pierre noire, arrondie aux bords, et creusée au milieu par l'usage, une pierre rapportée de la grève il y avait des années. Ma mère écoutait le marteau sonner sur la pierre. Elle avait appris à reconnaître que le marteau avait un langage, et qu'il ne disait pas toujours les mêmes choses. Il y avait des jours où il était joyeux et d'autres où il était triste. Il y avait aussi des jours où il était violent comme l'orage et défiait le monde entier. Elle écoutait le marteau et comprenait ce qu'il disait : rien ne me fera plier, rien ne me fera plier...
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- Es-tu syndiqué ?
Si l'autre répondait que non, il lui expliquait :
- Qu'est-ce que tu feras tout seul ? Les bourgeois sont plus malins que toi. Ils te roulent. Mais si tous les compagnons veulent se sentir un peu les coudes...
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Ce qu'il faut, c'est nous grouper et lutter ensemble.
- C'est vrai, dit Pélo. Il faur lutter. Pourtant nous sommes des hommes.
Cette parole atteignit Le Braz en plein coeur. Son visage se contracta. Il plongea ses yeux dans ceux de Pélo :
-Pélo, j'ai pas la haine des bourgeois ni de personne...
Il s'arrêta net, ouvrant les mains .- Mais que veux-tu...la haine quand même...
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Vidéo de Louis Guilloux
Une île : Maurice. Quatre personnages : un oncle et sa nièce, une femme qui vient de quitter son mari, un chef de bande assoiffé de vengeance. Une journée où tout va exploser : la cité, les haines et les colères, peut-être l'île aussi. Enfin, d'étranges animaux qui attendent que les humains finissent de se détruire pour vivre seuls, en paix : les caméléons. Unité de lieu, de temps, d'action ; le compte à rebours est lancé, la tragédie peut commencer. Dans ce roman impossible à lâcher, tout à la fois drame social, fable contemporaine et méditation sur l'avenir de notre humanité divisée, Ananda Devi lie le destin de quatre anti-héros qui, sans le vouloir, vont allumer la mèche d'une révolte impossible à arrêter. Avec sa langue tour à tour tendre et ironique, tranchante et poétique, elle nous plonge dans le chaos des hommes, met à nu nos travers et nos fautes, et interroge la possibilité d'une rédemption rêvée. On ne sort pas indemne d'un livre si puissant. Mais on en sort réveillés.
Ethnologue et traductrice, Ananda Devi est née à l'île Maurice. Auteur reconnue, couronnée par le prix du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises en 2014, elle a publié des recueils de poèmes, des nouvelles et des romans, notamment "Ève de ses décombres" (Gallimard, 2006, prix des Cinq Continents, prix RFO), "Le sari vert" (Gallimard, 2009, prix Louis Guilloux), et "Le rire des déesses" (Grasset, 2021, prix Femina des lycéens).
En savoir plus : https://bityl.co/Jcds
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