Premières histoires est un recueil de courtes nouvelles qui dépeignent la vie dans le sertão. On passe un excellent moment à naviguer entre ces petites histoires sans prétention mais qui transmettent, pour certaines, de très forts messages.
Tous les thèmes sont abordés.
L'ignorance, bien présente dans cette terre désolée qu'est le sertão, dans "Légendaire" où la terreur d'un village va faire de longs kilomètres pour rendre visite à une personne cultivée afin qu'elle lui donne la définition d'un adjectif qu'on lui a affublé sur une affiche.
Les miracles, dont se nourrissent les habitants désoeuvrés, dans "La fille de là-bas" où une petite fille attirera la convoitise de ses propres proches.
Les mystères, avec les très mystiques "Troisième rive du fleuve" ou "Miroir".
L'amour, qu'il soit naissant ou retrouvé, dans "Lunes-de-miel" où des jagunços reprennent les armes pour protéger... l'amour.
La séparation avec "Soroco, sa mère, sa fille".
L'honneur, avec les "Frères Dagobé", encore bien vivace en ces terres reculées.
Et j'en passe...
Premières histoires est vraiment l'oeuvre que je recommande pour se faire une première idée du monde roséen, avant même de se plonger dans Diadorim.
Il a dit qu'il était sain, mais que, en voyant l'humanité déjà folle, et à la veille d'une transaliénation plus grande, il avait inventé la décision de s'interner, volontaire : ainsi, lorsque la chose deviendrait pire qu'infernale, il serait déjà en sécurité là, avec un lieu, un traitement, et une défense, qui manquerait à la plupart, d'ici, du dehors...
Mais, à ce lever du jour, il savait et pensait : qu'on ne pouvait jamais apprécier, exactement, vraiment, les choses belles ou bonnes, qui arrivaient. Parfois parce qu'elles survenaient vite et de façon inespérée, on n'y était même pas encore prêt. Ou alors elles étaient attendues, et alors elles n'avaient pas la même saveur des bonnes choses, ce n'était qu'une grossière imitation. Ou bien c'était parce que les autres choses, les mauvaises, continuaient aussi, d'un côté et de l'autre, sans laisser place nette pour les bonnes. Ou parce que d'autres choses manquaient encore, survenant en des occasions différentes, mais qui n'arrivaient pas à former avec celles-ci, un tout complet. Ou enfin parce que, même lorsqu'elles arrivaient, on savait qu'elles s'acheminaient vers leur fin, rongées par les heures, en train de se défaire...
Mais devant l'église se trouvait un aveugle, Nicolas, mendiant, qu'en le voyant, le jeune-homme le fixa sans mesure et entièrement - on raconte que ses yeux étaient de couleur de rose ! - et il alla tout droit vers lui, pour lui donner rapidement un objet sorti de sa sacoche. Or, l'aveugle se trouvait sous le soleil et baignait dans la sueur, et cela devait faire méditer les âmes chrétiennes que ce contraste entre une telle souffrance devant la chaleur de l'astre-souverain et celui qui ne pouvait même pas jouir des beautés de sa lumière.
-"Père, la vie n'est-elle faite que de traîtres hauts-et-bas ? N'y aura-t-il pas, pour nous, un temps de bonheur, de véritable certitude ?" Et lui, très attentivement, dans la lenteur de la réponse, la voix douce : - "Fais semblant, ma fille... Fais semblant..."
Peut-être, en lui-même, qui sait, se chuchotait-il tout ce qui est inutile, neuf et nécessaire ; même en lui-même il se taisait beaucoup. Car les choses étaient ainsi, si ; nous ne faisons que vivre les futurs antans.
Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"