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Critique de de


Comprendre. Bidouiller. Détourner

Si le quotidien sur Internet reste le travail salarié, l'invasion publicitaire, le commerce sollicité, les des-informations systématiques, les heures de consommation / consultation largement passives, des milliers de sites sexistes, racistes, homophobes…, l'autre versant potentiel, possible, en germe pourrait-être : « Partage, ouverture, décentralisation, libre accès, libre communication, liberté de l'information ».

Un outil, des outils, ni plus ni moins, mais des possibilités d'appropriations sociales, des possibles échanges d'information, une rapidité de diffusion lors des mobilisations, des révolutions, etc. Encore ne faut-il pas avoir d'illusion sur l'instantané, l'infinie ouverture ou la démocratie à distance.

Les collectifs virtuels ne sauraient remplacer les nécessaires échanges, confrontations d'arguments raisonnés et non instantanés, les expériences matérielles… les e-révolutions se substituer à celles bien réelles de collectifs et d'individu-e-s réellement réuni-e-s…

Ce livre nous offre à la fois de nombreuses informations sur des pistes de résistance, de contre-information, de protection de la vie privée et beaucoup de surévaluations tant sur la place des réseaux ou la réinvention de la politique (dont les partis pirates). Ici, aucun cadre général, aucun rapport social, pas de mode production et de reproduction, pas de capitalisme, de rapports de pouvoirs asymétriques, etc…

Et pourtant, Amaelle Guiton nous aide à comprendre « ce que hacker veut dire » et nous présente des outils de contre-pouvoirs en germe.

Quelques éléments entremêlés de critiques.

Si « Il se trouve toujours quelqu'un pour crocheter les serrures et laisser circuler librement les données », cela ne change que peu les rapports de force, les rapports de pouvoirs, cela ne remet pas en cause les rapports sociaux réellement existants. Les réseaux sociaux peuvent être très importants, jouer un rôle non négligeable, mais comme le montrent les révolutions arabes, c'est bien dans le matériel des affrontements entre groupes sociaux que l'essentiel se passe. L'utopie émancipatrice n'est pas réductible à une somme d'actions individuelles, éventuellement collectives, dans les domaines du virtuel, de l'information, de la communication.

L'auteure montre que sur Internet aujourd'hui, l'anonymat n'est pas préservé, « En clair avec le DPI (Deep Packet Inspection, soit l'analyse d'un « paquet » de données circulant sur le réseau), nos e-mails, les sites auxquels nous nous connectons, ce que nous tapons dans un moteur de recherche, tout cela, donc, n'a potentiellement plus grand-chose de confidentiel ». Il s'agit d'une menace sur nos libertés.

De ce point de vue, la « Neutralité du net » est à la fois un combat légitime et un leurre dans une organisation sociale non transformée, à savoir aujourd'hui le capitalisme. de manière plus générale, aucun outil ne peut être considéré comme neutre, aucun outil ne peut être utilisé de manière « neutre » dans une organisation sociale créant et développant des asymétries de pouvoir. Ce qui ne signifie pas que cette revendications de « neutralité du net » ne participe pas à créer des espaces de démocratisation, de résistance.

Si l'anonymat, la vie privée, des personnes utilisant les réseaux doit être protégés contre toutes les surveillances institutionnelles, commerciales ou policières, aucun débat politique ne peut se faire dans cet anonymat.

L'auteure a bien raison de souligner, avec Richard Stallman, qu'une « cage dorée reste une cage » et qu'un logiciel propriétaire reste un « logiciel privateur » sous-entendu de libertés. Cela ne concerne pas que les logiciels, la propriété privée lucrative est un obstacle aux libertés. Et sans incursion dans cette propriété, les rêves d'émancipation se transformeront en cauchemars.

De ce point de vue la « licence publique générale GNU ou GNU GPL (pourGeneral Public License) » qui sécurise « le logiciel libre en lui offrant un cadre juridique » en « s'appuyant sur la notion, assez ironique de copyleft » est loin d'être anodine. Car il s'agit bien d'un desserrement des contraintes, de la démonstration concrète de l'efficacité de la coopération « gratuite » contre les relations marchandes. A noter, que les réflexions à développer sur le « droit d'auteur-e » devraient au moins inclure toutes les situations de création, limiter la commercialisation de ces droits, en limiter la validé dans le temps et en supprimer les possibles héritages.

Pour en rester à la gratuité, celle-ci ne peut-être pensée isolement. La gratuité non rattachée « aux communs », à la socialisation démocratiquement décidée et assumée peut se décliner comme un cauchemar « comme le disent les connaisseurs : quand c'est gratuit, c'est vous qui êtes le produit », à propos de Facebook. Cette « gratuité » n'est donc pas réellement gratuite.

Les possibilités d'utilisation des outils numériques, des réseaux, d'Internet de manière plus générale, pour faciliter les échanges, voire les consultations démocratiques pourraient être largement développées, encore ne faudrait-il pas confondre la somme des individu-e-s relié-e-s à des collectifs constitués.

Au delà de limites indéniables, liés non à la surestimation des cyberdissident-e-s, mais au traitement isolé de leurs outils, un petit livre qui permettra à chacun-e de réfléchir sur la libre communication, l'accès gratuit aux outils numériques, le copyleft, l'ouverture des codes sources, la gratuité, la collaboration, la protection des individu-e-s et sur les possibles utilisations de ces nouveaux outils pour construire de réelles démocraties d'échanges, de décision et de gestion.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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