Sans Abuelo Petite

JE VOIS UNE ILE DEPUIS LA PLAGE...


    Je vois une île depuis la plage. Elle n’est pas si loin.
Je peux l’atteindre à la nage. Ou peut-être à pied à marée
basse. Mon grand-père peut s’y trouver. Alors il n’a plus
l’excuse de ne pas revenir. Est-il parti aussi loin qu’il aurait
tout abandonné ? Comment fait-on quand on part si ce n’est
pour jamais se retourner ? Je pourrais moi aussi m’en aller à
la nage sur cette petite île que je vois face à la plage. Je me
nourrirais de coquillages, de poissons et de sable. Je suis une
fille de la terre ferme. Je ne veux pas tourner en rond sur une
île. Je veux l’espace des grandes plaines, les routes à perte de
vue. Je veux la terre et le ciel face à moi, à gauche à droite et
derrière moi. La mer, les océans, c’est dedans sur ma ligne
d’horizon.

Les femmes ferment les fenêtres
les fils tués au combat
n'ont pas eu le temps de se battre.

fermer les fenêtres
que personne n'entende

Depuis, toutes les bouches hurlent
se tordent à force de tant de cris.
Ouvertes, elles surgissent d'où les corps sont terrés.
Elles sont des milliers.
Tu les passes en boucle dans ta tête.

Tu en cries, toi aussi. D'impuissance.
( p 59)

Tu me viens
d’un bout à l’autre de l’océan

que font les oiseaux
sur l’horizon


[JE NE SAIS PAS SI TU ES ENCORE JEUNE]


Je ne sais pas si tu es encore jeune
ni tes cheveux gris ou blancs.
Parfois je te regarde dans les yeux,
je te dispute sur la photo.
Tu ne sais pas que je te parle,
ni les mots ni les interrogations.
Le vent disperse ma voix.
Mes mots ne vont pas là où je veux.

Les mots se perdent dans les vagues.

Le vieux rosier a fini par crever à force de t’attendre.
p 48

Assis sur une pierre, ton regard au loin.
Toujours vers la même direction.
Tu imagines que les terres pourraient se rejoindre.
Ta mère écrit ce qu'écrivent les mères.
Son coeur remonte sans cesse dans la gorge.

Tu ne reviendra pas. Elle doit mourir avec ça.