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Critique de Pecosa


« Nous étions comme des fous toute la nuit rugirent en nous les lions ».

Le chantage est une arme redoutablement efficace pour semer le chaos dans la vie des autres. Lorsque le docteur Ethan Green, brillant neurochirurgien, mari heureux et père de famille rentre un soir, il percute un clandestin érythréen dans le désert. Green est médecin. Pourtant, il prend la fuite après avoir constaté qu'il n'y a plus rien à faire. Sa conscience le tourmente, et sa femme Liath, policière chargée de l'enquête, lui raconte chaque soir ses investigations.
Dans sa fuite, Ethan Green a égaré son portefeuille, qu'une clandestine, Sirkitt, épouse du défunt lui ramène à son domicile. Avec un marché non négociable. Son silence contre ses nuits.
Green se retrouve ainsi tous les soirs dans un hangar sordide à prodiguer des soins à des Soudanais et à des Erythréens en grande détresse, qui présentent de graves infections et des blessures sérieuses. Combien de temps Green pourra-t-il mentir à son entourage, à l'hôpital où il travaille et où il s'est mis à voler des médicaments? La mort d'Assoum a aussi d'autres conséquences qui vont plonger la zone dans de graves remous.

Le thème du maître chanteur manipulant sa victime qui voit avec désespoir la quiétude de son quotidien se lézarder au fil des jours est toujours efficace. Mais Réveiller les lions n'est pas Le bûcher des vanités de Tom Wolfe. Pas d'engrenage juridique, ni de prise de conscience des inégalités raciales. Le sort des clandestins africains en Israël, comme ailleurs, n'intéresse pas grand monde. Qu'ils manquent mourir dans le désert, se fassent tirer dessus par les militaires égyptiens, kidnapper et violer par les bédouins, pour arriver épuisés en Israël où ils végètent, c'est bon pour les journaux. Pour les autres, ils sont invisibles, interchangeables. Et pour Green, les nuits ne sont pas plus belles que nos jours. Il se retrouve à VOIR l'autre, à pratiquer une médecine d'urgence (ce qui lui plait), à sortir de sa bulle pour prendre la réelle mesure d'un phénomène que le pays n'avait pas prévu. Conçu pour les réfugiés, il n'avait pas pris en compte le fait qu'un jour Israël pourrait présenter un intérêt pour d'autres, Africains, Indonésiens…

Plus que l'intrigue policière et psychologique, c'est tout le côté sociologique mis en avant par Ayelet Gundar-Goshen qui m'aura intéressée. Déjà traité sous forme de polar par Liad Sholam dans Terminus Tel-Aviv (adapté récemment en série sous le titre Asylum City), le thème des clandestins africains majoritairement musulmans (environ 42 000 arrivés surtout après 2007 depuis le Sinaï égyptien et installés dans des quartiers pauvres de Tel-Aviv) est au coeur de l'actualité israélienne ces dernières années. En donnant un nom et un visage à l'un d'entre eux, Sirkitt, une femme énigmatique, victime des hommes, de son mari et elle même intraitable avec les autres, Ayelet Gundar-Goshen permet au lecteur de plonger dans un monde que Green comme sa femme connaissent mais qu'ils ne veulent pas voir. Et qui divise la société israélienne. « Je comprends que, pour vous, c'est un sacerdoce, Hippocrate et tout le bazar, mais je vous le dis, un Etat de droit ne peut pas fonctionner comme ça. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde! Si on assure une couverture sociale et des soins médicaux gratuits, mais c'est la moitié de l'Afrique qui va débarquer chez nous! », déclare l'un des personnages.
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