La pauvreté : spaghetti au beurre tous les jours, appartement loué super étroit, factures d'électricité, d'eau, de gaz en retard.
La pauvreté : accepter n'importe quel boulot pour ne pas perdre les allocations de chômage depuis que le magasin/le bureau dans lesquels on travaillait ont fermé/licencié/restructuré.
La pauvreté à en crier de désespoir, parce qu'on ne peut faire plaisir à son enfant, parce qu'on le nourrit de tout ce qu'il y a de moins cher donc peu de fruits et légumes, parce qu'on ne peut l'emmener en vacances, parce qu'on ne va même pas au cinéma, ni au restaurant, ni boire un verre, ni chez le coiffeur, ni s'acheter des vêtements, parce que tout est calculé, parce qu'on est toujours « tout juste » et même en-dessous du tout juste.
Alice, presque la cinquantaine. Tom, quarante-cinq ans environ. Ils ne se connaissent pas, mais ont un point en commun : ils sont pauvres.
Deux points en commun, même : ils sont seuls. L'une depuis 8 ans, depuis l'annonce de sa grossesse à son amant ; l'autre depuis peu.
L'une était vendeuse dans un magasin de chaussures, l'autre est écrivain, mais dans le genre mi-raté, vous voyez ?
Ils finiront par se rencontrer autour d'un rapt d'enfant. C'est là que leur vie pourra changer, s'ils le veulent.
Quel roman ! L'auteur explore les points de vue successifs des deux protagonistes en faisant preuve d'une sagacité extraordinaire. Il faut dire qu'il exploite aussi le thème de l'écriture, dans lequel il excelle. En effet, il manie sa plume avec toute la véracité possible, toute l'humanité possible. Pas de
feel good, ici, oh non ! Pas de clichés, pas de leçon de morale sous-jacente, mais une construction originale, un style clair et percutant, de multiples références à l'univers culturel connu des amateurs de littérature, aux auteurs classiques et contemporains, à la Grande Librairie, aux prix, à la rentrée littéraire – et Babelio, qui apparait au fil d'une page !
Une réflexion sur l'amour, aussi, en arrière-plan.
La vision du monde est vraiment pessimiste au départ, à se claquer la tête au mur, mais elle est réaliste. Tout est vu à partir du monde des pauvres, les vrais. Ceux qui demandent de l'argent pour pouvoir vivre, au sens premier du terme, jusqu'à la fin du mois, et à qui les riches refusent cet argent, parce qu'alors « ce n'est pas leur rendre service, notre société va être une société d'assistés ! »
Paradoxalement, ce roman fait du bien, alors que ce n'est pas un roman
feel good.
Si vous voulez expérimenter ce paradoxe, jetez-vous dans cette lecture piquante et inédite.