La philosophie universitaire française, fidèle à la tradition établie par la Trinité Cousin-Ravaisson-Lachelier, n’a jamais reconnu les sciences humaines comme des sciences dignes de ce nom. C'est-à-dire que les philosophes, dont la tâche est pourtant d'annoncer à l'homme ce qu'il est, se désintéressent, en règle générale, des seules disciplines susceptibles de fournir des indications sur la vérité de l'homme réel : biologie, médecine, psychiatrie, ethnologie, histoire, philologie, sociologie, etc.
Par contre, les sciences humaines, inconscientes de leur signification propre, se déploient dans une sorte de vide épistémologique. Abandonnés à eux-mêmes, les spécialistes se contentent d'obéir aveuglément à leurs impératifs techniques. Ils accumulent des informations à l'état brut, sans guère mettre en question leurs propres questions.
Les Sciences humaines sont à la mode et la recherche interdisciplinaire fleurit un peu partout. On m'a écrit - en termes aimables d'ailleurs - que j'enfonçais des portes ouvertes. Je voudrais commencer en citant une parole que je crois très profonde ; elle est de Lyell, fondateur de la géologie moderne, cet Anglais qui était le grand ami et l'inspirateur de Darwin : « Toutes les fois qu'un fait nouveau et saisissant vient au jour dans la science, les gens disent d'abord que ce n'est pas vrai, puis que c'est contraire à la religion, et, à la fin, qu'il y a longtemps que tout le monde le savait ».