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EAN : 9782700734157
340 pages
Aubier Montaigne (21/09/2005)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Sous le pouvoir à peine conquis des Abbassides, Bagdad, entre le VIIIè et le Xè siècle, est le lieu d'un formidable éveil de la pensée philosophique et scientifique. Cet essor de la vie intellectuelle s'accompagne d'un vaste mouvement de traduction des textes grecs anciens. Que traduit-on ? Toutes les disciplines scientifiques -- de l'astrologie, de la médecine, de l'astronomie, des mathématiques... et même des manuels d'art militaire -, puis de la philosophie, nota... >Voir plus
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Cet ouvrage de Dimitri Gutas, reconnu dans le domaine des études islamiques et arabes qu'il enseigne à Yale, retrace le mouvement de traduction des oeuvres scientifiques grecques vers l'arabe, du début des Abbassides (750-1258) jusqu'à la fin des Bouyides (935-1055) ; il qualifie ledit mouvement de "phénomène social" car, après que les Abbassides aient décidé de s'acclimater "l'esprit sassanide" dans les sciences exactes ou l'astrologie ("toute science vient de Zoroastre ; donc l'acquérir est un devoir religieux", litanie reprise par le premier philosophe Arabe, Al Kindi, dont on pourrait résumer l'attitude par "nous embrassons la Vérité sans incidence de sa provenance"), il a mobilisé toutes les couches de la société - les califes (le rôle salutaire et initial joué par al Mansûr), mais aussi l'administration, les savants eux mêmes, etc -, et il est important de le préciser, puisque des tentatives de traduction pareilles ont existé par exemple en Rome, Boèce dans sa partie occidentale ou Serge de Reshaina en Orient, mais ces essais ont été avortés car, justement, ce n'était pas un "phénomène social" mais des lubies "individuelles" (au destin tout aussi restreint que leur vie terrestre, donc.)

Il "démolit" aussi beaucoup de présupposés : le rôle hypertrophié des chrétiens d'Orient qui, même si ils ont joué un rôle en tant que médecins et traducteurs (les nestoriens, comme la famille d'Hunayn Ibn Ishaq, etc), ce n'est pas du fait de leur religion mais les conditions particulières où ils vivaient, autrement, les Omeyyades (661-650), qui monopolisaient les chrétiens dans leur administration (dont le fameux Jean de Damas), auraient connu le même "phénomène social" de traduction, ce qui ne fût nullement le cas, lié en réalité à la nature des chrétiens de Syrie (sous influence byzantine, ils répudiaient la culture grecque "séculière").

Nous apprenons aussi que "l'humanisme byzantin" du neuvième siècle est né en réaction au mouvement de traduction vers l'arabe, alors que Byzance avait abandonné ses assises antiques (le débat autour de l'iconoclasme en est un reflet), contrairement aux théories de "certains" historiens qui veulent nous convaincre que la science et la philosophie ont toujours été une part intégrale de la société byzantine qui, il faut le rappeller comme Gutas, n'avait pas de tradition de librairie et de production de manuscrits (pour des raisons techniques aussi bien que culturelles), et il est aisé de prouver qu'un habitant "normal" de Bagdad avait plus d'ouvrages dans sa bibliothèque privée que le plus riche savant de Byzance (ou d'Europe occidentale, d'ailleurs.)

Une autre légende - tenace - mise à mal est celle d'orientalistes comme Goldziher qui accusaient "l'orthodoxie" islamique de se mettre contre les sciences "rationnelles" : mis à part la définition élusive que peut revêtir le mot "orthodoxie" dans un contexte islamique sans clergé (on nous montre l'exemple d'un "rationaliste" contre les thèses grecques, et d'un "théologien" pour), cela n'est nullement prouvé par les faits empiriques, comme le montre Gutas, et, après avoir dénombré les raisons qui auraient fait adopter une position plus conservatrice (croisades, invasions mongoles, ...), il cite la forte activité intellectuelle dans ce domaine après la période "classique", comme l'oeuvre médicale d'Ibn al Nafis ou la pléthore de travail philosophique fait mais qui, faute d'études complètes, ne nous est pas connu et qui pourrait même en réalité avoir été un "Âge d'Or" (probablement dû au nombre de manuscrits lui-même, comme le témoigne Robert Wisnovsky, qui travaille dans ce domaine) ; Henry Corbin l'a étudié dans l'Iran safavide (sans prétentions d'exhaustivité), mais même si quelques études encourageantes - mais malheureusement liminaires - ont été faites par rapport à l'empire ottoman, dans le cas du monde arabe cela n'est même pas à un stade embryonnaire.

En somme, un petit livre qui cisèle notre perception de l'aire arabo-islamique par rapport à l'Autre et de l'effervescence intellectuelle de cette civilisation qui, pour reprendre les mots de Gutas lui-même les empruntant à un autre orientaliste, a été la première civilisation "mondiale" (ou "globale", dans le sens où elle ramenè les différentes composantes - sans les déstructurer, mais en conservant leur individualité dans un schéma plus holistique - dans une unité essentielle ; le tawhîd).
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On sait qu'une grande partie de la pensée grecque ne nous est parvenue qu'à travers la culture islamique, à l'époque où l'empire arabe était à son apogée. Les disciplines scientifiques et la philosophie ont bénéficié de ce truchement, sans lequel de nombreuses oeuvres antiques auraient été définitivement perdues. L'auteur détaille l'action décisive des dirigeants, savants et intellectuels (dans le dernier quart du premier millénaire de notre ère), en vue de réaliser la traduction du grec vers l'arabe de tous ces ouvrages.
Ce livre a un sujet intéressant, certes, mais il m'a semblé tellement détaillé que je me suis senti vraiment dépassé par l'érudition de Dimitri Gutas. Un lecteur pressé pourra au moins lire l'introduction.
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