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Critique de Ode


Ode
27 janvier 2014
Un tel livre, c'est comme si le ciel vous tombait sur la tête. Cri de misère et de colère dans le Texas rural des années 30, "La maison de terre" est aussi un texte baigné de sexualité primitive... J'en suis encore toute secouée.

Dans un coin perdu et venteux au bord des falaises du Caprock, au nord du Texas, Tike Hamlin et sa femme Ella May sont locataires d'une bicoque en bois qui part en lambeaux. En plus du ciel, c'est le toit qui risque de leur tomber sur la tête. Ils aimeraient avoir une habitation décente mais, jeunes métayers, ils n'ont pas les moyens de louer mieux, à moins de quitter leur terre natale, ce que Tike veut à tout prix éviter. Un prospectus leur donne l'idée de construire une maison en pisé, mélange de paille et d'argile. Oui, « une maison en terre. Mais pas un pouce de terre pour la construire. » Trop fiers pour demander de l'aide au père d'Ella May, vont-ils arriver à acquérir ce fameux terrain face à des propriétaires cupides ?

Je ne connaissais pas du tout Woody Guthrie (1912 -1967) avant d'entamer ce livre. La postface signée par Johnny Depp et Douglas Brinkley m'a éclairée sur la biographie de ce chanteur folk originaire du Texas. Ses textes et chansons contestataires lui valurent de figurer dans la liste noire du McCarthysme. "La Maison de Terre" est l'édition posthume d'un manuscrit datant de 1947. Il s'y fait la voix des pauvres et des déshérités, dans une Amérique profonde touchée de plein fouet par la Grande Dépression.

Cette maison de terre, rêvée, espérée, est une utopie qui permet à Tike et Ella May de supporter le présent en se projetant dans un avenir plus clément. le mirage d'un abri solide où leur enfant à venir serait protégé du besoin et des intempéries, dans cette région régulièrement dévastée par des ouragans. À l'opposé, la sordide cabane en bois, rongée par la pourriture et les termites, stigmatise leur frustration et leur colère face à la pauvreté de leur condition. Or s'ils parlent et se plaignent beaucoup, ils mènent peu d'actions concrètes pour s'en sortir.

Woody Guthrie nous projette crûment dans le quotidien du couple, alimenté de pulsions sexuelles et de taquineries mutuelles. Ce huis clos centré sur Tike et Ella May, puis dynamisé par la confrontation avec Blanche, une infirmière venue aider pour l'accouchement dans la dernière partie du livre, pourrait donner lieu à une formidable pièce de théâtre. La mise en situation repose sur des dialogues employant un argot et des tournures symptomatiques de l'origine sociale et géographique des protagonistes. J'imagine quel casse-tête cela a dû être pour le traducteur, qui s'en sort pourtant bien... En même temps, une certaine poésie se dégage des descriptions de la nature ou du labeur des fermiers, avec des accumulations de mots et des phrases répétitives comme des paroles de chanson.

Le tout constitue une oeuvre atypique, sombre et dérangeante, mais toujours d'actualité face aux catastrophes naturelles ou économiques qui ravagent la planète. Merci à Babelio et à Flammarion pour cet éprouvant voyage dans un Texas bien différent de celui que je connais.
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