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Critique de fanfanouche24


Un roman aussi singulier que prenant , qu'on ne peut pas lâcher! Au final… captivée, intriguée… étonnée d'un récit aussi dense, avec mille questionnements sur le sens d'une vie, j'ai fait traîner ma lecture.

Un texte incroyable d'une jeune auteure ghanéenne que j'avais choisi en décembre 2020…dont je reprends aujourd'hui avec bonheur la lecture !
L'histoire débute avec la narratrice, chercheuse en « neurobiologie » qui doit accueillir chez elle sa mère profondément dépressive et apathique…après la mort de son fils aîné ! elle, qui fut toujours sur-active et combattive…

La narratrice , Gifty, au fil de son quotidien de « chercheuse » et de sa vie privée de célibataire, s'occupant de sa « maman fragilisée et dépendante, va remonter le temps et évoquer l'histoire de sa famille ghanéenne, de son enfance avec son grand frère, la vie de famille…

Un couple ghanéen venant d'avoir un petit garçon, « Nana » ; la maman , pour lui offrir une meilleure vie réussit à décider son époux d'émigrer aux Etats-unis ; une petite fille , Gifty, naîtra après, notre narratrice. Une famille ghanéenne heureuse, qui se bat pour s'intégrer à son nouveau pays, en dépit du racisme ambiant, jusqu'au moment où la famille commence à se fissurer avec le départ du père, voulant retourner dans son Ghana natal qui lui manque de trop… Ils se retrouvent à trois ; Nana se lançant dans la compétition sportive, adolescent brillant, aimé…il subit une blessure sérieuse, en prenant des calmants puissants pour l'aider, il devient addict… le début de sa dégringolade jusqu'à l'issue fatale. La famille se réduit au fil des deuils et des épreuves : seules restent la maman et la fille cadette, qui poursuivent leur chemin, comme elles peuvent !

Un style agréable…fluide, des questionnements multiples se croisent : comment construire son existence, sans les êtres aimés ? ; l'inné, l'acquis, la complexité du cerveau humain, vivre en accord avec soi, la difficulté de « vivre dans ce monde », etc.

« Il me fallut bien des années pour admettre qu'il est difficile de vivre dans ce monde. Je ne parle pas de la mécanique de la vie, car pour la plupart d'entre nous, nos coeurs battent, nos poumons aspirent de l'oxygène sans que nous ayons à le leur dire. Pour la plupart d'entre nous, mécaniquement, physiquement, il est plus dur de mourir que de vivre. Pourtant, nous bravons la mort. Nous roulons trop vite sur des routes sinueuses, nous faisons l'amour sans protection avec des inconnus, nous buvons, nous nous droguons. Nous essayons de demander un peu plus à la vie. Il est naturel de se comporter ainsi. Mais être en vie dans le monde, chaque jour, tandis que nous recevons chaque jour davantage, tandis que la nature de ce que « nous pouvons supporter » change et que nos façons de le supporter changent également, c'est une sorte de miracle.”

Deux visions , deux quêtes pour affronter la vie, lui trouver un sens, celle de la mère et celle de la fille : La religion [dont la mère de la narratrice est habitée ] et la Science [ qui motive notre « héroïne », pour comprendre la mort de son frère à cause de son addiction à la drogue ]
Notre « protagoniste » est tiraillée , de par son éducation religieuse, et la foi chevillée au corps de sa mère, par Dieu, de l'autre, par la recherche scientifique, et plus spécialement la neurologie : une passion-obsession qui englobe son besoin de comprendre l'addiction soudaine de son frère et sa mort ainsi que l'état dépressif de sa mère, sa volonté de comprendre sa maladie : «l' Andhédonie », maladie intense de la dépression, « sentiment du « rien » qui faisait que sa mère ne quittait pas son lit… en dépit de ses propositions et ses encouragements. Elle passe , hormis ses soins à sa mère, ses journées au laboratoire… est plus à l'aise avec « ses » souris qu'avec ses congénères !
"Tu passes plus de temps avec les souris du laboratoire qu'avec des gens. Tu sais que ce n'est pas sain, hein ," me lança-t-il un jour.
Comment lui expliquer que le temps que je passais seule dans mon laboratoire était pour moi une façon de passer du temps avec des gens ? Pas exactement avec eux, mais de penser à eux, de communier avec eux au niveau de l'esprit, ce qui me paraissait aussi intime que n'importe quel dîner ou nuit passée à boire des verres. Ce n'était peut-être pas sain, mais d'une manière abstraite, il s'agissait de recherche pour améliorer la santé, cela ne comptait-il pas ? (p. 339)

Encore des tas de choses seraient à dire, mais ce roman très singulier apporte plus de questions que de réponses…J'allais omettre les détails des traditions, usages ghanéens, Les Etats-Unis , la nouvelle terre d'adoption de cette famille, prenant la part la plus large du récit.
Une écrivaine dont je retiens le nom et l'originalité du ton et des sujets abordés…

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