Paris 1920, la France est en pleine reconstruction mais, très affaiblie alors que son empire colonial se fracture et que le climat est politiquement instable et socialement dégradé. Entre les grèves récurrentes, les affrontements entre communistes, anarchistes et royalistes de l'Action française, le peuple souffre dans l'indifférence générale. Au milieu de cette ébullition sociétale, le meurtre de Gabie, jeune prostituée insoumise, passe inaperçu. L'enquête est vite bouclée et la jeune femme inhumée sans états d'âme dans une fosse commune. Lorsqu'en revanche un diplomate chinois est à son tour assassiné, dans une luxueuse maison de passe en compagnie d'une prostituée, les autorités politiques et la sûreté nationale s'en inquiètent promptement. L'enquête est confiée à Victor Dessange, ancien inspecteur à la Mondaine, reversé à son retour de guerre à la brigade Criminelle. D'autres meurtres en province, qui montrent des similitudes troublantes dans le mode opératoire, vont entrainer les inspecteurs dans une enquête complexes et aux multiples ramifications. L'intrigue est habilement tortueuse et le cadre historique y tient une place prépondérante, mélangeant avec soin tous les fondamentaux spécifiques à cette époque.
Véronique de Haas aborde de multiples sujets et soulève d'épineuses questions sur l'affairisme, la lutte des classes, le mépris systémique à l'encontre d'une majeure partie du peuple, les dérives du colonialisme augurant les prémices de l'indépendance, l'antisémitisme latent et l'hypocrisie des élites. le récit est intéressant, l'atmosphère ambiante est fidèlement rendue et, il met en lumière des faits historiques méconnus ou oubliés, assorti de nombreux rebondissements à la véracité pour partie romancée. On découvre ainsi de nombreux lieux parisiens surannés, maisons de passe luxueuses ou bordels miteux, passant des immeubles fastueux, apanage d'une classe élitaire aux habitats indignes des miséreux. On côtoie des politiques ambitieux aux pratiques méprisables, le milieu royaliste revanchard, des cercles anarchistes idéalistes côtoyant des syndicalistes pour qui une nouvelle révolution est désormais plausible. Pour autant, en dépit de la richesse des sujets évoqués, l'auteure n'approfondie aucun des aspects de son ouvrage et fait souvent preuve de manichéisme s'agissant de ses personnages, très convenus et sans beaucoup de nuances. Elle se contente d'énoncer des faits, dans un style standard et réducteur, sans s'attacher à les développer plus concrètement . A l'image du caractère général de l'ouvrage, la conclusion est d'une certaine façon aussi sommaire que didactique.
La Muse Rouge est un roman policier historique intéressant et enrichissant sur le fond mais singulièrement trop académique, lisse et superficiel dans sa forme ou l'enquête policière n'est que le prétexte à une leçon d'histoire. Une lecture instructive, agréable mais regrettablement peu remarquable ni palpitante.