C’est fou, comment les plus beaux moments d’une vie
peuvent se transformer en vampires. Comment la plus
belle chose que ton âme ait jamais contemplée deviendra
ce qui la hantera pour toujours.
Et ce manque dans mon corps, cette absence dans mon
cœur, c’est jusqu’au jour de mon dernier souffle que je les
ressentirai.
Vivre selon ses propres lois, comme des desperados,
comme la philosophie définit l’être libre, celui qui se
donne à lui-même les règles auxquelles il choisit
volontairement d’obéir, et qui en assume la responsabilité.
Marier ces deux concepts, celui de l’Homme qui n’a plus
rien à perdre et celui de l’être qui n’a plus rien à justifier
devant la société et la culture qui l’ont vu naître, c’était ça,
le cocktail explosif dont Tyler et moi on avait finalement
trouvé la recette.
Celui qui se définit par ce qui l’accable plutôt que par ce
qui l’anime ignore tout de la liberté, et ne mérite pas le
nom d’Homme.
Souvent des scènes de cette période flashent encore mon
esprit. Avoir 20 ans et être libre, on dira ce qu’on voudra,
mais ça possède un goût unique dans une vie. Tandis que
la majorité des couillons de ce monde se faisaient chier sur
les bancs d’une quelconque université pour faire plaisir à
papa-maman, nous on vivait avec l’audace que seule la
jeunesse véritable, la jeunesse la plus pure et la plus
égoïste autorise. Cette jeunesse dans le corps et dans le
cœur qui ne connaît aucune loi, celle qu’on devrait jamais
perdre, qu’on devrait jamais briser sous prétexte de raison
ou de sagesse. À l’aune du jour où je vous parle, je peux
vous jurer que la vraie sagesse est celle qui ne s’encombre
d’aucun précepte.
Tyler était affalée sur le canapé du studio, en petite
culotte. C’était tout ce qu’elle portait. Une petite culotte
noire. Elle était plongée dans un livre de Nietzsche, un
spliff de weed à la main, embaumant toute la baraque
tandis qu’elle pompait dessus, les sourcils froncés face aux
pages, l’air pénétré par ce qu’elle y déchiffrait. Pas sûr que
l’herbe l’aidait vraiment à décrypter la philosophie
hargneuse de ce malade. Quoi que.