[L]es exemples de sociétés multiculturelles telles que la Suisse ou les États-Unis montrent qu'une culture politique dans laquelle les principes constitutionnels peuvent prendre racine ne doit pas forcément s'appuyer sur une provenance commune, ethnique, linguistique et culturelle, de tous les citoyens. Une culture politique libérale n'est que le dénominateur commun d'un patriotisme constitutionnel qui aiguise en même temps le sens de la diversité et de l'intégrité des différentes formes de vie qui coexistent dans une société multiculturelle. Dans un futur État fédéral européen aussi, les mêmes principes juridiques devront être interprétés, du point de vue de traditions nationales différentes et d'histoires nationales différentes. La tradition à laquelle on appartient doit chaque fois être appropriée d'un point de vue relativisé par les points de vue des autres, afin qu'il soit possible de l'intégrer à une culture constitutionnelle partagée au niveau supranational. Un ancrage particulariste de ce type-là ne priverait d'aucune façon la souveraineté populaire et les droits de l'homme de leur sens universaliste. C'est un fait établi : la citoyenneté démocratique n'est pas nécessairement enracinée dans l'identité nationale d'un peuple; mais, quelle que soit la diversité des différentes formes de vie culturelles, elle requiert la socialisation de tous les citoyens dans le cadre d'une culture politique commune.
D'inspiration romantique, le concept de nation, qui voit dans celle-ci une communauté de culture et de destin ancrée dans le peuple considéré comme race et pouvant prétendre à une existence étatique indépendante, alimente toujours des convictions et des positions qui font problème; c'est l'appel à un prétendu droit à l'autodétermination nationale, le rejet symétrique du multiculturalisme et de la politique des droits de l'homme, ainsi que la méfiance à l'égard du transfert des droits de souveraineté à des institutions supranationales. Or, ceux qui font l'apologie du peuple-nation oublient que les conquêtes historiques prestigieuses de l'État-nation démocratique et ses principes constitutionnels de type républicain peuvent précisément nous apprendre comment aborder les problèmes actuels du passage inévitable à des formes postnationales de socialisation.
Assister à l'après-midi Marxisme et École de Francfort, dans le cadre du colloque « La philosophie comme critique de la culture ? ».
- 14h : Jean-Claude Monod (CNRS-Archives Husserl)
« Kulturkritik, satire, critique sociale: quelles armes pour la philosophie ? »
- 15h : Katia Genel (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Centre Marc Bloch)
« Des pathologies sociales à la santé sociale: Adorno, Habermas et Honneth »
- 16h20 : Franck Fischbach (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
« Faut-il choisir entre la critique sociale et la Kulturkritik ? »
Un colloque organisé par le centre SPH de l'Université Bordeaux Montaigne, en partenariat avec la Librairie Mollat et l'Université de Bordeaux.
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