Fariba Hachtroudi est une archéologue, journaliste, essayiste et romancière iranienne. C'est la petite-fille d'un leader religieux qui s'est battu contre le dogmatisme religieux, la fille d'un mathématicien et philosophe qui défendait les droits des femmes dans son pays. Elle-même a été militante, et a tout risqué pour "vivre de l'intérieur" ce qu'elle dénonce dans ses essais.
Aujourd'hui, la plume est l'arme avec laquelle elle dénonce l'iniquité des régimes totalitaires. J'ai beaucoup aimé l'histoire racontée par F. Hachtroudi, qui sort des sentiers battus, pas tellement sur le fond (la confrontation entre un ex-tortionnaire demandeur d'asile et l'une des anciennes prisonnières d'une prison d'état) mais dans le déroulement assez inattendu. J'ai beaucoup aimé de voir les rapprochements au fil de l'eau entre ces deux personnages, deux façons d'être victime d'un régime totalitaire, deux victimes d'un amour total et sans condition, qui peut aussi bien sacrifier que racheter. J'ai beaucoup aimé également les parallèles entre Vima l'appât, zieutant par-dessous son bandeau les chaussures et les pieds de ses tortionnaires à chaque nouvel interrogatoire, qui aime à la folie, et Vima l'astrophysicienne, fixant l'immensité du ciel, aimée au-delà de toute raison.
Bien sur, dans cette lecture, ce qui est difficile, c'est que tout ce qui se raconte, à voix haute ou dans les pensées des personnages, qu'il s'agisse des abus de la "République Théocratique", des sévices, même du piège dans lequel s'enferre le Colonel, en montant dans les niveaux hiérarchiques sans retour en arrière possible, existe. de même, il n'y a qu'un pas à faire pour relier la République Théocratique à l'Iran, ou la prison Devine à Evin, la "célèbre" prison de Téhéran, et sa section 209, non officielle bien entendu.
Ce livre évoque également, en toile de fond, l'exil (après tout, son auteur en connait la douleur), la place des femmes dans ce genre de société, le courage et l'honnêteté (ou leur absence) de chacun face à ce que l'on accepte ou refuse de voir.
Les propos sont difficilement soutenables, et l'amour (dans l'absolu de ses débordements) est impuissant face à la machine à broyer totalitaire. L'écriture de F. Hachtroudi est parfois vive et cinglante, d'autre fois clinique et analytique, parfois poétique et excessive, mais toujours, il y a de l'émotion, de la rage. le ton, pudique et intime, parait toujours juste.
le colonel et l'appât 455 touche à la tragédie, et est une très belle découverte.