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J'ai tué Schéhérazade est un essai écrit par une Arabe chrétienne (oui oui oui ! stop aux amalgames entre "Arabe" et "musulman" !) du Liban sur la condition féminine dans les pays de culture arabe.

Contrairement à ce que son auteur annonce dans le préambule, je n'ai pas été déçue, pour la simple et bonne raison que je ne m'attendais à rien. Ni à un propos misérabiliste du style "pauvre de nous", ni un propos schizophrène minimaliste et ignare du style "de toute façon vous les Occidentaux, vous êtes pas comme nous , vous pouvez pas nous comprendre d'abôôôôrrd alors laissez-nous traquilleeeeeuuuhhh"

Même si certains de ses propos mériteraient d'être nuancés - à mon avis, mais c'est un essai, alors le "100% d'accord" ne peut pas être attendu - beaucoup des points développés étaient intéressants. Pas de féminisme forcené et pas d'angélisme.
Joumana Haddad rappelle par exemple, à très juste titre, que si des actes d'une extrême violence sont encore commis contre les femmes dans des pays où l'islam radical est roi (l'excision, les crimes d'honneur), certaines femmes tiennent des propos d'une misogynie que peu d'hommes oseraient tenir lorsqu'elles élèvent leurs enfants, notamment.
C'est vrai que dans le monde des extrêmes qu'est le 21ème siècle concernant le féminisme il existe 2 très grands groupes majoritaires : le 1er considère qu'être féministe veut dire revendiquer l'égalité en tous points avec les hommes, et donc, le droit (et le devoir...) de se conduire de manière aussi stupide que certains peuvent le faire. Et pour les autres, être "féministe" est un gros mot... C'est pourquoi j'ai aussi beaucoup aimé le point selon lequel la féminité (à comprendre, aimer s'occuper de son apparence) et l'intellect ne sont pas incompatibles.
Et de la même manière : que ce soit avec un voile intégral ou des bouts de tissus qu'on appelle soit disant des "tenues sexy" sont autant de négations de la féminité et pire encore, une façon de rentrer dans le jeux pervers de certains hommes. ENFIN ! merci à vous Joumana Haddad !

En revanche, j'avoue que l'aspect subversif pour subversif m'a vraiment agacée. Très bien madame Haddad, vous avez lu le marquis de Sade à l'âge de 12ans et cela a bouleversé votre vision de la vie - je l'ai lu à 18ans et j'ai trouvé ça "chiant", car contrairement aux légendes, ses écrits contiennent plus de philosophie que d'érotisme. Bref, y avait-il vraiment besoin de s'étaler sur votre carrière d'écrivain érotique pour autant? Était-ce vraiment pertinent dans cette démonstration? Je comprend que certains seraient choqués de lire tous ces mots, mais dans mon cas... une fois lu et compris, je n'attendais qu'une chose : que vous passiez à la suite !

Malgré ce dernier point, je pense que l'auteur peut se glorifier de faire partie, à son niveau, des Lilith arabes de ce siècle, au même titre que les femmes arabes qu'elle cite dans son essai.

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Halte ! Toi qui penses que les clichés, stéréotypes et préjugés reflètent l'entière réalité, entre ici. Et prends-toi une claque salutaire, ptit con !
Si la femme arabe voilée de dessus la tête à dessous les pieds, qui n'a qu'un droit, celui de se taire et qu'une volonté, celle de son mâle dominant existe, elle n'est pas seule. Fort heureusement ! Même si c'est la seule que nous acceptons de voir, nous autres occidentaux.
Or, il y a de part le monde arabe des femmes qui osent. Dire leur rejet de la société patriarcale. Écrire et publier des poèmes érotiques sans métaphore. Fonder un magazine sur le corps. Dire à la face du monde (entier) que non, elle ne laissera personne lui dicter sa conduite, ses attitudes. Que le combat des femmes est avec les hommes, pour les mêmes droits qu'eux. Ne pas leur demander, ne pas les rejeter mais prendre ce qu'on leur refuse. Refuser Shéhérazade et ses compromis : la liberté, la vraie, ne les supporte pas. Les femmes, arabes ou non, doivent conquérir leur identité, leur féminité, à leur manière, sans écouter les sirènes des normes patriarcales. Les femmes sont assez grandes pour se prendre en main toutes seules, merci pour elles.
Cette "confession" d'une "mauvaise fille" s'adresse tout autant aux arabes qu'aux occidentaux. Aux hommes comme aux femmes. Elles bat en brèche bien des clichés véhiculés par par nos médias, montre une vitalité qui nous est cachée, occultée ; au nom de quoi ? Joumana Haddad est en colère, vitupère, ne perd pas espoir malgré les coups durs, essaie d'y croire toujours. Sait que cela ne sera possible que si les masses se lèvent ; mais des masses éclairées, qui ne nient pas l'individualité de ses membres. Qui ne soit pas guidée par une religion quelconque.
Que l'Orient et l'Occident enfin se voient avec des yeux neufs, lavés de tout préjugés religieux, racistes... Que chacun revienne sur ses certitudes, pour se voir vraiment. L'apaisement apportera aussi une évolution des moeurs, l'égalité, enfin.
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Ce petit pamphlet pour le droit à la liberté des femmes arabes, est relativement décevant, parce qu'il tourne en rond.
L'auteure revendique le droit, en tant que femme, d'écrire et de publier des textes, qu'ils soient érotiques ou tout simplement libres, qui choquent ceux qui détiennent le pouvoir dans le monde arabe (qu'elle décrit comme schizophrène et faux cul). Sa démonstration est intéressante mais elle ne dépasse pas les déclarations emportées et décochées comme des flèches empoisonnées, mais sans veritable analyse en profondeur, avec beaucoup d'egocentrisme et une tendance à imposer ses vues.
Cela dit c'est bien écrit et on prend un malin plaisir à être totalement d'accord avec elle, et c'est heureux que des femmes comme elle osent lutter contre l'obscurantisme de cette manière.
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Comme elle le dit dans sa préface, Joumana Haddad a écrit cet essai, pamphlet devrais-je dire, suite à la phrase d'une journaliste occidentale : « La plupart des Occidentaux n'imaginent pas qu'il existe des femmes arabes libérées comme vous ».

De la colère, j'en ai trouvé à chaque page. Joumana Haddad s'insurge aussi bien contre l'image perçue par nous occidentaux que par l'image que donnent les femmes arabes elles-mêmes. « Oui, une « autre » femme arabe existe. Elle doit être remarquée. Elle mérite d'être reconnue. Et je suis là pour raconter son histoire : parmi celle de beaucoup d'autres, la mienne. » le stéréotype de la femme arabe voilée, victime, isolée existe, mais elle voudrait tant que l'on regarde les autres, les battantes, celles qui n'attendent pas tout d'un bon mariage, celles qui sont exécutrice de leurs propres existences. Pourtant, elle n'est pas la féministe pétroleuse que ses écrits pourraient laisser penser. C'est une femme, heureuse d'être une femme.
Joumana Haddad a grandi à Beyrouth dans une famille catholique pratiquante et traditionaliste. Tout a commencé lorsque vers l'âge de 12 ans, elle découvre Sade et autres auteurs sulfureux dans la bibliothèque de son père. La littérature a toujours été un garde-fou contre les fureurs de la guerre, pour cette poétesse qui a soif de liberté, qui fuit les contraintes.

Imaginez-vous : femme arabe vivant à Beyrouth -donc, pour certains mâles, une sous-classe-. Vous décidez de créer un magazine. Pourquoi ne pas l'appeler Jasas (corps en arabe) ? C'est ce qu'a fait cette Joumana Haddad. Avouez qu'il faut un sacré culot ou, comme elle l'écrit une bonne dose de folie. Attention, ce n'est pas du porno. Tout y est traité que ce soit sous l'angle littéraire que médical ou social. Pourquoi ce magazine ! « Je sentais une frustration croissante de ce que notre superbe langue arabe avait été justement privée de tout un pan de ses potentiels, de son lexique et de son imaginaire. La plupart des thèmes relatifs au corps étaient devenus tabous au cours de l'histoire récente, alors que notre héritage littéraire antique regorge d'oeuvres à faire rougir le plus obscène des auteurs occidentaux. »
Et elle a tenu bon contre vents et marées, contre les jugements, les formules vengeresses « Tu mérites d'être lapidée à mort. Tu pourriras en enfer. Tu corromps nos enfants... »
Que cette femme arabe, qui se revendique arabe, laïque, ose braver ainsi l'univers masculin, je crie bravo et j'applaudis des deux mains. Porter l'étendard de l'athéisme dans ce pays hyper religieux est plus qu'un défi.
L'intégrisme n'est pas que musulman comme elle l'explique dans le chapitre 6.
Parce que, voyez-vous, le sexisme, malheureusement, n'existe pas que dans les pays arabes. Il est partout.

Joumana Haddad a tué Schéhérazade pour que les femmes arabes n'aient plus à obéir, négocier, s'aplatir pour vivre, parce qu'elle représente « un complot contre les femmes arabes en particulier et les femmes en général ». Elle s'en explique dans le très beau chapitre « Post-partum ». Joumana Haddad n'oublie pas d'inviter, par des citations de leurs ouvrages, d'autres femmes arabes vivant dans des pays arabes qui, comme elle, luttent pour leur liberté.

L'intégrisme n'est pas que musulman comme elle l'explique dans le chapitre 6 « Femme arabe ne craignant pas de provoquer Allah » et le sexisme est partout.

Lisez ce livre qui a pour sous-titre « Confessions d'une femme arabe en colère ».

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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A regarder sa photo sur la couverture du livre, masse de cheveux bouclés, petit tatouage mignon (son initiale, J ou plutôt Jim, la lettre arabe), ses yeux pétillants et ses jolies lèvres entrouvertes, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession…

Seulement voilà, derrière ce joli minois se cache un caractère bien trempé, des prises de position nettes et affichées et surtout, surtout, beaucoup de courage.
Et là je dis oui : mieux vaut être belle et rebelle que moche et remoche ;)

Ce que Joumana nous dit, c'est qu'elle en a marre, vraiment marre, de l'image de la femme, en général, et de la femme arabe en particulier. C'est un réquisitoire contre tout ce qu'on essaie d'imposer, et pour qu'une femme soit, soit elle-même et rien d'autre.

Les idées sont clairement exprimées, avec une intelligence indéniable, appuyées sur des citations et portées par un texte, écrit en anglais, d'excellente qualité et humoristique.

J'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture et mon chapitre préféré est : Femme arabe redéfinissant sa féminité :) : une vraie pépite.

Ce qui m'a étonnée, pour une Libanaise, vivant à et n'ayant jamais quitté Beyrouth, c'est qu'elle démystifie complètement cette ville (« Beyrouth n'est ni ma mère, ni mon amie, ni ma partenaire. Pas d'amour entre nous, pas même une complicité »).

Seul bémol : moi je l'aime Shéhérazade :)
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Je viens de refermer ce livre et j'en reste vraiment pantois.
J'ai pensé même arrêter ma lecture en chemin, déçu.
Mais je voulais savoir de quelle manière, la rageuse Joumana Haddad allait terminer sa diatribe.
Mais du même du ton aussi pédant et aussi provocateur qu'elle l'avait commencée.
Et puis quel manque d'humilité !
Quelle arrogance !


J'ai bien compris que Joumana Haddad était une féministe trop « extrémiste ». D'accord pour que l'auteure et journaliste revendique son droit d'exister en tant que femme arabe libre, et revendique aussi son droit d'écrire.
D'accord même pour qu'elle publie, à sa convenance, son magazine érotique dans un pays si conservateur et écrasé par le poids des traditions et celui de la « Morale vertueuse » que prônent chaque jour les différents partis politiques religieux de son pays. Un magazine qui lui a valu bien des critiques, des injures, des intimidations et même des menaces.
Mais elle ne pouvait pas s'attendre à ce qu'on lui jette des fleurs…


L'auteure appartient à ce féminisme qui est pour moi, bien différent de celui que j'ai déjà lu à travers d'autres livres et dans d'autres combats, comme ceux de Leïla Slimani (qui avait cité cette dame dans un de ses livres), ou de la guerrière Chahdortt Djavann.
Car Joumana Haddad n'a aucun argument à soumettre au lecteur et n'aborde aucun sujet de fond.
L'auteure ne fait que balancer, parfois d'une façon très virulente, rien que ses propres convictions et ses points de vue.


D'ailleurs c'est simple, le livre tourne entièrement autour d'elle.
Et j'ai trouvé cet égocentrisme fort déplaisant.
Pas de sérénité, ni de bienveillance, tout est dans la revendication et surtout dans le jugement.
Tout est aussi dans le dénigrement. Joumana Haddad critique avec véhémence, toute la société libanaise faite je cite : de « schizophrènes et d'hypocrites ». L'auteur se targue même de ne se sentir d'aucune racine libanaise. Mais plus poétiquement, parce qu'elle a voyagé, avoir une racine dans chaque pays visité.

Pas d'attache, ni de Dieu, après une démolition-saccage de la religion chrétienne et islamique.
Peu de personne n'a grâce à ses yeux. Même ses concitoyennes ne sont pas épargnées. Toutes ces sottes qui en exemple, préfèrent prendre des bains de soleil que d'ouvrir un livre.
Quel terrible jugement ...!
Qui s'explique que l'auteure à douze ans elle avait lu bravement « le marquis de Sade », pendant que ses petites copines de classe, décrites comme des timorées et des niaises, rougissaient devant des histoires d'amour de Barbara Cartland.


Agaçante aussi cette façon de défier constamment le lecteur. de défier aussi occidental, que nous aurions, toutes et tous une image très erronée de la femme arabe. Qu'elles ne sont pas toutes soumises à l'homme, ni toutes des arriérées, ni toutes couvertes par une burqa.


Mais madame Joumana Haddad, vous n'êtes pas la seule femme libre dans un pays arabe, que moi l'occidental, connaisse !


Agaçant aussi tous les constats que l'auteure souligne parfois par plusieurs traits rouges, aussi rouge que sa colère, qui n'est parfois pas bonne conseillère.
Comme le fait de se lamenter sur son fils de dix ans, parce qu'il préfère « écouter 50 Cent et danser la tecktonick » que d'écouter Chopin.
Là, Madame il y a sans doute un petit problème d'éducation, pour rendre votre fils plus sensible à la grande musique.


J'ai eu cette triste sensation que Joumana Haddad se vantait un peu trop d'être exceptionnelle et que le monde entier ne semblait pas lui convenir.
D'accord, elle est une femme arabe (elle le répète assez), libre et sans entrave aujourd'hui.
D'accord, c'est une battante.
Mais j'espère qu'elle trouvera plus de douceur en elle, pour continuer ses combats avec moins de ire et de déchainement et plus de sagesse.


Je terminerai ce commentaire par une citation de Sai Maa :
« Aucune paix n'est possible tant qu'il y a en vous des luttes, des tensions, de la peur. Comment peut-il y avoir la paix sur terre si c'est la guerre en vous ? «
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Jouamana Hadddad est une journaliste et poétesse libanaise. Ce texte est une réaction à la question d'une journaliste étrangère qui lui a demandé "comment une femme arabe comme vous en vient à publier en arabe un magazine érotique aussi controversé que JASAD?"
Dans un élan de colère, Joumana s'offusque de cette ignorance de la réalité des femmes arabes mais aussi de leur diversité. Non toutes les femmes arabes ne sont pas esclaves et voilées.
Elle nous explique son enfance à Beyrouth, entre la guerre et Le Marquis de Sade, sa lutte pour s'exprimer, contre sa famille et contre les réactions hostiles voire menaçantes.
Elle déplore l'effet de groupes dans les pays arabes qui empêchent l'individu de s'exprimer et forcent les gens à suivre la pensée unique.
Un essai très personnel et très intéressant sur le regard d'une femme qui ne se retrouve ni dans les clichés véhiculés sur les femmes arabes, ni dans les insultes que certains lui renvoient... Une tentative pour définir son identité?
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Quand commencerons-nous à faire attention au souffle d'un arbre qui pousse ?

« le texte de cette mise à mort est un vent de tempête qui éclaircit le ciel. Non le ciel encombré des monothéismes, mais le ciel qu'est le corps d'une femme, ce corps personnel qui n'appartient qu'à lui-même ». Dans sa courte préface, Etel Adnan parle, entre autres, de mythe historique et de libération du corps, d'écoute du silence, du rythme de la colère, d'objet et de sujet, de violence, « Elle sort ses griffes contre tous les tabous et son « crime » devient une naissance, un acte de vie », de la pluralité des femmes arabes, du mythe d'être un sous-produit de la Création, « Mais Jouamana apporte la bonne nouvelle que la femme ne sort que d'elle-même, et qu'elle doit se faire, doit se créer, tout comme l'homme, d'ailleurs », de liberté, des contes et de leur rôle dans la création du monde…

« Cher Occidental,

Laissez-moi vous prévenir dès le départ : je ne suis pas particulièrement connue pour rendre la vie facile aux autres. Si vous abordez donc ces pages en quête de vérités que vous croyez déjà connaître, de preuves que vous pensez déjà avoir ; si vous espérez être conforté dans votre vision orientaliste, ou rassuré quant à vos préjugés anti-arabes ; si vous vous attendez à entendre l'incessante berceuse du conflit des civilisations mieux ne vaut ne pas poursuivre ».

Joumana Haddad explique, avec forte ironie, « Bien que je sois une soi-disant « femme arabe » », ce qu'elle est libre de faire, ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas, « moi et mes semblables ressemblons beaucoup à… Vous ! »

Les articles – la, le, les – devraient être maniés avec grande prudence, ils favorisent des généralisations abusives, la réduction de personnes différentes à des catégories homogènes, que par ailleurs, ces personnes n'utilisent pas pour se nommer. « Nous sommes différents parce que tous les humains sur la planète le sont. Nous différons de vous comme vous de votre voisin » ou pour le dire autrement « nous sommes nous-mêmes, et pas une vignette mystérieuse et voyante faisant de nous des spécimens ».

Les groupes sociaux existent dans des rapports asymétriques entre eux, mais ils ne sont ni homogènes ni sans divisions internes.

Le pluriel en chacun·e, les traits mouvants, les inscriptions sociales historiques – les contraintes et les résistances -, les actes dans les contradictions sociales. La principale aspiration du livre « est d'offrir un témoignage et une méditation tout à la fois, sur ce que signifie, et pourrait signifier, être une femme arabe aujourd'hui ».

Des femmes arabes et un « tissu rassurant de mensonges et d'illusions », des proliférations obscurantistes « dans la culture arabe » telle une moisissure, des voleurs de « vies privées » et de la liberté individuelle et civique des femmes, des profanateurs d'une civilisation et de l'héritage arabe des Lumières, la promotion de clichés relatifs aux Arabes – plus avant, l'autrice soulignera le caractère hétérogène et complexe de la mosaïque des sociétés et cultures arabes -, des coups de tête « contre un mur épais d'insolubles problèmes », ce qui ne peut-être « démantelé, ni pénétré ni abattu de l'extérieur » ni par des extérieurs, « le changement ne s'exporte pas »…

Mêlant éléments biographiques et réflexions, Joumana Haddad montre d'autres réalités, souligne d'autres espaces, compare les situations de femmes arabes musulmanes et chrétiennes, insiste sur des femmes qui ne courbent pas l'échine.

Une fillette, « enragée de curiosité », l'intérêt pour « la lecture et la masturbation », l'invention d'un accès au monde par le rêve, une complice toute-puissante nommée littérature, les illusions des unes et les rêves des autres, la liberté intérieure permise par des lectures émancipatrices, la lecture comme respiration, le français et l'absence de traduction en langue arabe, les possibles illimités et les tabous brisés, « plus d'une femme arabe doit à la littérature la première étincelle du modèle de vie et de pensée atypique ensuite adopté »…

Les phobies, « le son d'un affreux sifflement », un obus imaginaire, le symbole de l'attente de la mort, l'annihilation de l'avenir, l'angoisse et la rage, la symphonie du combat, une place particulière dans la ville et un « Où », « Ma nation à moi est une poignée d'endroits que j'aime quand je m'y retrouve, éparpillés de par le monde », l'incomplétude…

Une femmes arabe écrivant de la poésie érotique, de la liberté de pensée à la liberté d'expression, « il m'a fallu longtemps pour affranchir mon langage de la peur des mots », la langue, « J'ai commencé par me cacher lâchement dans la langue française pour éviter de confronter l'arabe », les images et les mots, écrire sur le désir, les sentiments et la chair, « Pourquoi devoir toujours s'expliquer et se justifier ? », écrire sur le sexe, la censure comme viol, ne plus être le réceptacle béni des mots des hommes, la liberté n'est pas luxe…

« La question suivante se trouve donc au coeur du sujet de ce livre. Demander ce que signifie être une femme arabe exige qu'on demande aussi : que signifie être une femme écrivain dans un pays arabe ? Et, plus problématiquement encore : que signifie être une femme écrivain écrivant sans compromis en pays arabe ? »

La liberté comme nécessité vitale, la liberté comme besoin, « liberté d'écrire sans ambiguïté, ou pas », la poésie, « Tant de matins, je m'éveille avec le sentiment que ma langue, inutile, s'étrangle, pendue haut et court », la poésie comme URGENCE (Fernando Pessoa)…

Une femme arabe et la création d'un magazine sur le corps, la violence effrayante de certaines réactions, les soutiens de quelques-un·es, « faire face quotidiennement aux radicaux chiites, aux radicaux sunnites et à l'Elise », les mots et le corps, « j'ai dit dans ma langue ce que mon corps avait reçu l'ordre de cacher », l'ange noir et pathétique de la censure « sur le triangle arabe des Bermudes (le sexe, la religion, la politique) », l'étroitesse des cultures fondées sur la tromperie, la volonté réactionnaire d'« imposer partout infantilisme et obscurantisme », la poussière repoussée sous le tapis…

La « féminité », que veut dire être une femme pour une femme, prendre au lieu d'attendre qu'on lui donne, « Il faut nous lever, avancer, tendre le bras vers ce nous voulons et le prendre.Ou du moins essayer », le besoin de l'autre et la dépendance de lui, les conditions de l'égalité, le vagin et les compétences, le rose et tous les clichés qui vont avec, ce que certain·es osent appeler « les crimes d'honneur », les petits jardins intimes, mon aventure « avec un dragon omnipotent à plusieurs têtes »…

Etre musulmane, être chrétienne, « l'infini cercle vicieux des lois et recommandations », le paradis un lieu parfait ? « Où un homme et une femme ont été punis pour avoir cueilli une pomme et fait l'amour ? », Celleux qui parlent « d'obscénité sexuelle » mais jamais « d'obscénité religieuse », l'infinie litanie des mantras ineptes, ne pas passer son présent à penser à l'après, le pouvoir d'une « société civile laïque »…

Vivre c'est aussi être fier·e de ce qu'on est, rester ouvert·e aux possibles, « Plus d'une fois dans ma vie… », des funambules…

« Ne cherchez pas la lame. Tout est dans les cicatrices ».



En post-partum, un très beau « J'ai tué Schéhérazade », des hommes et des femmes, « Je suis convaincue que ce personnage est un complot contre les femmes arabes en particulier, et les femmes en général », j'ai tué et quelqu'un·e devait le faire, « Car une femme arabe en colère rôde. Elle a ses propres récits, classés « fermés-à-la-négociation », sa propre liberté et sa propre vie, classées « non-accordees-par-quiconque », et elle a l'arme du crime idéale ».

Livre se termine par « le chapitre du poète », un essai d'autobiographie, je suis, j'adviens, « que je serais demain, / et qui font / défont / refont qui je suis ».

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Une réflexion captivante sur le fantasme réducteur de la femme arabe qui vaut pour la femme en général. Incisif et fougueux ce texte n'épargne ni l'auteur ni le lecteur mais est empreint d'une grande justesse et de pas mal d'humour.
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Pourquoi lire ce livre? Non seulement parce qu'il explique ce que c'est que de vivre en tant que femme dans le monde arabe de Joumana Haddad, mais aussi parce que, nous faisant chevaucher nos propres stéréotypes, il se transforme en un manuel de vie pour la femme d'aujourd'hui, que celle-ci soit orientale ou occidentale. Une révélation intérieure.
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