Ah ! Ces visages tranquilles , ces visages vaguement sceptiques avec au coin des yeux une ironie gentille et résignée , ces visages bruns et éternellement juvéniles comme ces fruits prématurés tombés d' un arbre , un arbre qui décida de refleurir un jour de novembre .
Said était gêné de rencontrer des Nord-Africains , parce qu'il était moins malheureux qu' eux ,moins vulnérable .
Mais vous, Said, vous n' êtes pas comme les autres .Avec vous on peut discuter On peut vous inviter .On peut parler de Réné Char ou de Beethoven .Vous n'êtes pas comme les autres .On ne fait pas cette grimace de dégoût ,on n 'a pas ce réflexe de peur .Avec vous ,on peut s' entendre .
Erreur ! Je suis comme les autres et mes bachots n'ajoutent rien ,n’enlèvent rien .Je suis comme les autres ,dans la rue des Cordeliers,place Saint-Michel ,dans les Vosges ou à Saint-Etienne .Je suis comme les autres ,je suis avec les
autres .
«Le bonheur ne fait jamais crédit. On dirait parfois qu'il prend un malin plaisir à nous laisser nous endetter. Vous payerez à la caisse. Rien n'est plus traître que le self-servive. Tous les fauchés de joie le savent bien «( p 47
"Aucune ville au monde ne sait parler comme Constantine, elle ne se présente pas, elle s'affirme au regard et l'éblouit."
Un combat dont je reconnais , moi qu'il est courageux car le courage ne manque pas sur terre cette d'Algérie...
Page 167
« Saïd s'assit à son bureau. Il ouvrit un tiroir et prit du papier.
Il écrivit, il raconta, il dessina, il griffonna. Il disait je t'aime. Il disait ne t'en va pas. Le crayon dessinait la valse des sanglots. Il racontait l'amour au temps des libellules. Il racontait les ponts chevauchant les abimes. Il parlait des baisers éclatant par milliers. Il parlait des bourgeons libérant les parfums. Une de ces lettres que personne n'expédie. Une de ces lettres qui tournent en rond autour d'un seul prénom. Une de ces lettres qu'on poste aux guichets des aveux avortés, une de ces lettres qu'on multiplie en les déchirant et que l'on pourrait recommencer mille fois sans jamais les achever ou les faire parvenir.
Le silence est la pudeur des amoureux...
Car Saïd savait bien l'impuissance des lettres. Les mots ne parlent pas.»
Malek Haddad, La dernière impression (1958), pp. 50-51, Ed. Média-Plus, Constantine, 2015.
"On peut être vieux à n'importe quel âge. On est vieux à chaque fois que l'on tourne une page. Il faudrait changer comme les événements. Il faudrait tourner avec la page."
«Rien n'est métaphysique dans le malheur humain» (p 79),