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Atôra, un petit coin de campagne au nord-est de l'île Honshu, Japon. Un vieux moine aveugle. La quiétude d'un jardin zen, les saisons qui avancent se font éternelles. Un peintre qui transpose son art et celui du jardin sur des éventails. Des haïkus contemplatifs. Même une ancienne courtisane, maitresse des lieux. Les seins d'une jeune femme qui se bercent comme le lys au vent. Oui, ce roman a tout pour me plaire, tout pour attirer au moins mon attention. Je m'installe donc dans ce jardin que des âmes millénaires ont contemplé, que le vent a immuablement soufflé de son refrain, la neige étouffé de sa candeur. le vieux moine aveugle psalmodie ses sutras ; le soleil distille ses rayons sur le lac, la belle pucelle aux longs cheveux lisses comme des lianes de saule nage nue ; les grues cendrées s'envolent, je la regarde, l'oeil amoureux, ma bière qui s'évente, l'air qui se fait étouffant. J'en apprends un peu sur ces êtres qui tournent autour de ce jardin, mais je me sens perdu. Je n'arrive pas à me concentrer. J'y avais mis beaucoup de coeur, trop d'attente certainement, dans cette balade bucolique entre montagne et mer. Je ne connaissais pas encore Atôra, ni même Matabei, disciple du peintre, sérieux candidat pour chavirer l'âme fleurie de cette jeune fille, disciple de la courtisane. Et plus je m'aventurais dans la profondeur de cette toile, plus j'enrageais de rester si froid, presque hermétique, à l'univers décrit par l'auteur. Hubert Haddad éclaire de sa plume ce texte, à moins que cela soit le clair de lune qui illumine ses pages. Je le découvre aussi, mais fait preuve de suffisance face à cette histoire. La motivation ne suffit pas, je manque de concentration et mon esprit s'évade déjà entre les saules et les ormes de ce jardin, l'oeil à la recherche d'une naïade au corps caramélisé par le soleil, blanchi par la neige. Je m'en veux, terriblement, profondément. Il a fallu qu'un élément se déclenche pour me remettre sur la ligne de flottaison. Les cygnes s'envolent au milieu des canards, les oiseaux chantent toujours innocemment, mais les cigales se sont tus. Les Dieux ont un message, et ma lecture devient subitement plus intéressée. J'oublie la magie des lieux, la jeune femme a disparu, la terre gronde, la vague submerge. Il a fallu donc que ce 11 mars 2011 entre en jeu pour que mon esprit soit capté par ce roman. Triste à dire, triste à lire. La désolation se lit sur les pages qui suivent, la terre inondée, la terre brûlée par le sel, des cadavres, des explosions et des gens que l'on déporte, 10 kilomètres autour, puis vingt, puis trente. Plus personne dans la zone, à part quelques vieux irréductibles qui veulent mourir sur leur terre, ou Matabei qui cherche sa naïade. + Lire la suite |