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EAN : 9782843045974
192 pages
Zulma (03/01/2013)
3.82/5   422 notes
Résumé :
C’est au fin fond de la contrée d’Atôra, au nord-est de l’île de Honshu, que Matabei se retire pour échapper à la fureur du monde. Dans cet endroit perdu entre montagnes et Pacifique se cache la paisible pension de Dame Hison dont Matabei apprend à connaître les habitués, tous personnages singuliers et fantasques.
Attenant à l’auberge se déploie un jardin hors du temps. Insensiblement, Matabei s'attache au vieux jardinier et découvre en lui un extraordinaire ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (134) Voir plus Ajouter une critique
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Atôra, un petit coin de campagne au nord-est de l'île Honshu, Japon.
Un vieux moine aveugle.
La quiétude d'un jardin zen, les saisons qui avancent se font éternelles.
Un peintre qui transpose son art et celui du jardin sur des éventails.
Des haïkus contemplatifs.
Même une ancienne courtisane, maitresse des lieux.
Les seins d'une jeune femme qui se bercent comme le lys au vent.
Oui, ce roman a tout pour me plaire, tout pour attirer au moins mon attention.

Je m'installe donc dans ce jardin que des âmes millénaires ont contemplé, que le vent a immuablement soufflé de son refrain, la neige étouffé de sa candeur. le vieux moine aveugle psalmodie ses sutras ; le soleil distille ses rayons sur le lac, la belle pucelle aux longs cheveux lisses comme des lianes de saule nage nue ; les grues cendrées s'envolent, je la regarde, l'oeil amoureux, ma bière qui s'évente, l'air qui se fait étouffant.

J'en apprends un peu sur ces êtres qui tournent autour de ce jardin, mais je me sens perdu. Je n'arrive pas à me concentrer. J'y avais mis beaucoup de coeur, trop d'attente certainement, dans cette balade bucolique entre montagne et mer. Je ne connaissais pas encore Atôra, ni même Matabei, disciple du peintre, sérieux candidat pour chavirer l'âme fleurie de cette jeune fille, disciple de la courtisane. Et plus je m'aventurais dans la profondeur de cette toile, plus j'enrageais de rester si froid, presque hermétique, à l'univers décrit par l'auteur. Hubert Haddad éclaire de sa plume ce texte, à moins que cela soit le clair de lune qui illumine ses pages. Je le découvre aussi, mais fait preuve de suffisance face à cette histoire. La motivation ne suffit pas, je manque de concentration et mon esprit s'évade déjà entre les saules et les ormes de ce jardin, l'oeil à la recherche d'une naïade au corps caramélisé par le soleil, blanchi par la neige. Je m'en veux, terriblement, profondément.

Il a fallu qu'un élément se déclenche pour me remettre sur la ligne de flottaison. Les cygnes s'envolent au milieu des canards, les oiseaux chantent toujours innocemment, mais les cigales se sont tus. Les Dieux ont un message, et ma lecture devient subitement plus intéressée. J'oublie la magie des lieux, la jeune femme a disparu, la terre gronde, la vague submerge. Il a fallu donc que ce 11 mars 2011 entre en jeu pour que mon esprit soit capté par ce roman. Triste à dire, triste à lire. La désolation se lit sur les pages qui suivent, la terre inondée, la terre brûlée par le sel, des cadavres, des explosions et des gens que l'on déporte, 10 kilomètres autour, puis vingt, puis trente. Plus personne dans la zone, à part quelques vieux irréductibles qui veulent mourir sur leur terre, ou Matabei qui cherche sa naïade.
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“La vie est un chemin de rosée dont la mémoire se perd, comme un rêve de jardin. Mais le jardin renaîtra, un matin de printemps, c'est bien la seule chose qui importe. Il s'épanouira dans une palpitation insensée d'éventails.”

Au Japon, dans la contrée isolée d'Atôra - district de Futuba - entre montagne et Pacifique, le professeur Xu Hi-Han, disciple de Matabei Reinen, nous raconte la vie de son maître, le peintre d'éventail, dont “l'histoire fut comme le vent, à peu près aussi incompréhensible aux autres qu'à (lui)-même.”

C'est une histoire tissée de hasards qui se déroule principalement au sein de la pension de famille de dame Hison, une ancienne courtisane, “un lieu d'oubli plus que de sérénité, un lieu pour disparaître aux autres ou à soi” où il trouva un jour refuge après le décès pour lui traumatisant d'une jeune fille inconnue et qu'il a vue mourir. Une histoire qui ressemble à un conte où des personnages solitaires et singuliers traversent comme dans un songe les haïkus, les délicats agencements des jardins et le souffle des éventails...

"Le peintre d'éventail" est un récit initiatique plein de profondeur et de finesse où la poésie se nourrit de contemplation, de spiritualité et de philosophie. J'en ai aimé la belle écriture, le soin apporté à la description de la nature et des paysages, le rythme pensif et lent et le regard porté sur l'art. Et je me suis attachée à ce beau portrait de peintre “qui n'aura vécu que d'espérance jusqu'à l'heure du chaos”, que le hasard des rencontres, des circonstances et de la tragédie finale révèle peu à peu à lui-même et qui s'efface sans bruit car “les vrais maîtres vivent et meurent ignorés et (on ne peut) espérer plus belle équité en ce monde”.

Une belle méditation, que j'ai beaucoup aimée, sur l'impermanence des choses et sur ce qui, malgré tout, demeure.

[Challenge Multi-Défis 2020]
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Le peintre d'éventail est un livre à lire lentement, en apesanteur, peut-être à lire autrement. Je préconise de lire ce roman de préférence perché dans un arbre, ou bien sur un rocher devant la mer et en définitive, si vous n'avez ni arbre, ni océan sous la main,- ce qui parfois peut arriver, alors perdez-vous avec ce livre dans le fin fond d'un désert, loin du vacarme du monde...
Hubert Haddad, son auteur, est un écrivain rare, qui ne fait pas de bruit, chacun de ses livres est une offrande, un chemin qui chemine, une respiration qui s'égare, un reste de rosée du matin posé sur la peau de l'être aimée. Voilà comment je vois un peu cet écrivain que j'ai découvert il y a très longtemps, je crois qu'il s'agissait de son premier roman Perdu dans un profond sommeil, il n'est d'ailleurs pas répertorié sur Babelio. Je sens que je vais y remédier dans pas longtemps, mais à condition de le relire...
Le peintre d'éventail, c'est comme un jardin où l'on descend pieds nus. On voudrait que l'être aimée soit seule à entendre le frémissement d'une pluie qui tombe sur les pages des arbres et cela serait le signal mystérieux, magique presque, d'une invitation à venir.
Ce récit est une déambulation...
Autour, il y a le bruit et la fureur, le monde qui ne sait pas se retirer sur la pointe des pieds, qui ne sait pas se retenir... Entrer dans un jardin, c'est comme entrer dans une cathédrale vide, vide de ses prêches et de ses foules, c'est comme venir dans un coeur qu'on aime, c'est comme prier sans croire en Dieu, c'est comme vivre dans l'absolue liberté qui nous a vu naître...
Sans doute les jardins, quels qu'ils soient, ont cette merveilleuse faculté à savoir réparer les âmes un peu abîmées. Plus que jamais, nous avons appris et compris depuis quelques mois que les jardins étaient devenus nos seuls espaces de digression depuis que les bars, les salles de concert, les théâtres et les musées sont fermés.
Ce récit merveilleux porte un jardin ou c'est peut-être l'inverse, mais cela n'a pas d'importance car nous sommes prêts à être renversés dans ce texte magnifique, tendu vers une tragédie universelle, celle du 11 mars 2011, le tsunami qui a dévasté le nord-est du Japon et provoqué le désastre nucléaire de Fukushima...
Hubert Haddad nous invite au fin fond de la contrée d'Atôra, au nord-est de l'île de Honshu. Nous nous glissons dans les pas de Matabei Reien, c'est lui le personnage principal, celui-ci cherche à fuir son passé qui le hante et finit par échouer dans une pension à l'écart du monde, la pension de famille de Dame Hison, une ancienne courtisane...
De multiples personnages venus se mettre en retrait pour différentes raisons, vont ici se croiser, s'effleurer, autour d'un jardin suspendu, hors du temps, comme un lieu catalyseur des douleurs et des blessures du passé, des attentes, des transmissions à venir.
Comme Matabei, parfois j'ai rêvé de devenir le disciple d'un vieux jardinier, artiste et poète, qui me transmettrait son art... Mais le bruit du monde me ramène chaque fois au sol, me faisant à chaque pas encore ressembler à l'albatros de Baudelaire.
Hubert Haddad est un écrivain qui aime le Japon et bien que, connaissant peu ce pays et sa culture, je l'ai ressenti à chaque pas, dans cette lenteur presque hallucinatoire qui effeuille les pages de ce roman avec une grâce et une maîtrise de l'écriture. Parfois on pourrait être amené à penser que cette maîtrise ôte la spontanéité des personnages. Ne vous trompez pas ! Sous l'apparence des dessins finement ciselés sur la soie ou le papier, derrière l'architecture savante des haïkus, se cachent la sensualité des gestes, d'ardentes passions prêtes à dévaster des coeurs aussi violemment que les tsunamis...
Ce roman, c'est juste une quête de la beauté, chacun ira la chercher à l'endroit où ses pas ressentent le moins les sables mouvants...
Ce roman initiatique est une présence au monde rassurante, consolatoire, réparatrice, un jardin mis à l'écart des tentatives de l'apocalypse.
Si par ces quelques mots, j'ai pu vous donner envie d'aller à la rencontre de cet écrivain rare, Hubert Haddad, alors peut-être que ce soir un albatros sur un bateau d'équipage, s'apprête à reprendre son envol vers les lointains...
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Hubert Haddad est un auteur que je rencontre pour la première fois. Il fait partie de ces auteurs que je souhaitais lire depuis longtemps. Mon choix s'est porté sur « le peintre d'Eventail » en raison de mon attachement à l'art et la nature. J'avais envie de me promener dans ce jardin d'Eden encadré d'un côté, par les montagnes et de l'autre, par le bleu de l'océan.
Le végétal, le minéral et l'animal avec pour écrin, le Pacifique.

*
Témoin de la mort d'une passante dont le dernier regard rivé sur le sien le tourmente et l'obsède, Matabei choisit de se retirer au nord-est de l'île de Honshu. Il loue une chambre dans une paisible pension de famille tenue par une ancienne geisha, Dame Hison.
Attenant à l'auberge, se trouve un jardin magnifiquement entretenu par un vieil homme, maître Osaki. Matabei se lie au vieux jardinier, découvrant en lui un extraordinaire talent pour la peinture d'éventail et l'écriture de haïkus. Matabei deviendra bientôt l'élève du vieillard, apprenant l'art du jardin, l'écriture de haïkus qui retranscrit les émotions que lui suggère la nature, la technique du lavis sur des éventails de papier et de soie.
Hubert Haddad effleure avec beauté cette technique picturale, ma curiosité pour la peinture aurait mérité d'entrer de manière un peu plus approfondie dans les détails de cet art traditionnel.

« Depuis sa chambre, Matabei considérait avec une profonde émotion les gestes du peintre. Une sérénité d'un autre siècle émanait de ce globe de clarté au sein duquel un éventail assombri s'agitait de temps à autre comme l'aile d'un papillon de nuit. »

*
L'âme du poète et le regard sensible de maître Osaki fusionnent délicatement pour les transposer à l'esthétique du jardin. Ainsi, l'artiste reproduit l'art des lavis au jardin, jouant sur les perspectives, les couleurs, les formes pour guider l'oeil des promeneurs. Chaque massif, chaque plante sont pensés pour former un ensemble équilibré et harmonieux.

« Il travaillait au jardin en artiste, attentif à la métamorphose des saisons. »

C'est avec plaisir que l'on découvre ce jardin perdu entre océan et montagnes, entre forêts de bambous et lac : par petites touches impressionnistes, Hubert Haddad restitue avec poésie, la douceur et l'harmonie du lieu, les jeux de lumière et de couleurs sur les massifs floraux, les chants d'oiseaux, le clapotis de l'eau du bassin dans lequel nagent des carpes koï.

« On y échappait à la loi commune pour l'amour ou par la désespérance ; c'était un havre d'oubli plus que de sérénité, un lieu pour disparaître aux autres ou à soi. »

Hubert Haddad, par la force de son écriture, provoque de douces émotions, appelle à la contemplation et aux rêveries.

*
« le peintre d'Eventail » est avant tout un roman d'atmosphère dans lequel viennent enchâsser de magnifiques haïkus.

« Bec et plumes
l'encre est à peine sèche
qu'il s'envole déjà »

Hubert Haddad décrit, à la façon d'un poète. Son écriture, particulièrement belle, sensible, mélodieuse, recherchée et métaphorique, se pare d'images dans un kaléidoscope de couleurs, de sonorités, de parfums et d'émotions, pour tisser, en toile de fond, ce merveilleux jardin. C'est une estampe japonaise qui fait naître des sensations et des impressions.

« Créer des paysages, … c'est assimiler la loi d'asymétrie et le juste équilibre comme un art de vivre. Les chemins de rosée, les sentiers sous les arbres et les passes de gué avec tous ces riens échelonnés, cette pierre, l'eau vive d'une rigole, cette branche basse, voilà le parcours intérieur. »

La vie s'écoule doucement dans ce cadre hors du temps, rythmée par le calme et l'harmonie du jardin, le chant des oiseaux, les confidences discrètes des deux hommes, les résidents de la pension, dessinant lentement le carrousel de la vie avec ses bonheurs et ses maux, ses passions et ses drames intimes.
Le passage du temps entremêle subtilement passé et présent.

Le lecteur trouve une forme d'apaisement dans ce décor silencieux empli d'éclats de lumière et d'ombres, de sensualité et de déchirements, de pudeur et d'impudeur.

« Trempée de rosée
dans les parfums de cent fleurs –
tu t'éveilleras »

Mais pour ma part, tout en étant admirative de la prose de l'auteur, l'histoire, trop contemplative, parsemée de longueurs, a eu aussi pour effet de me détacher insensiblement de ce jardin et de ses habitants.
Mon esprit s'est mis à vagabonder, à flâner, à voyager entre douceur et douleur, tendresse et tristesse, jusqu'à ce qu'un drame inattendu me sorte de mes rêves et me ramène à la brutale réalité. Dans les tourbillons enchevêtrés de l'horreur, les évènements passés et présents prennent une direction imprévisible.

Hubert Haddad évite subtilement l'écueil du sentimentalisme. Au contraire, j'ai vraiment aimé cette rupture soudaine et violente avec l'atmosphère de cette première partie. L'ambiance cataclysmique est magnifiquement rendue, c'est douloureux, tragique, émouvant, poignant. C'est très étrange de dire cela, j'ai trouvé de la beauté dans le cheminement de Matabei.

« le chant éperdu des oiseaux de la forêt laissait croire à l'innocence du jour. Il avait rêvé de son vieux maître aux cendres délavées qui lui parlait du jardin des nuages et des fleurs de la mémoire. »

Une fois le livre refermé, mon impression sur le début de l'histoire s'est modifiée. En effet, à la lumière de l'ensemble du récit, je ressens autant un équilibre qu'une continuité entre ces deux moments bien distincts. C'est comme une boucle, un prolongement, un héritage qui se transmet et se perpétue entre maître et élève.

« On peut exprimer sa pensée avec des couleurs, des mots, mais aussi avec ce que tu vois : les plantes, l'eau et les pierres. Là, il faut compter avec l'adversité, le vent et la pluie, les saisons. le jardin vit de ta vie, c'est la différence… »

*
Tout au long du récit, se déploient des beaux thèmes autour de la transmission, de l'art qui fusionne avec l'intime et redonne du sens à la vie, de la mémoire et des souvenirs, du traumatisme et des regrets, de la nature qui s'invite dans les drames de la vie.

« Chant des mille automnes
le monde est une blessure
qu'un seul matin soigne »

*
Pour conclure, « le peintre d'Eventail » n'est pas le coup de coeur que j'attendais, mais c'est un joli roman initiatique parsemé de haïkus, émaillé de magnifiques passages descriptifs, avec pour toile de fond la nature, îlot de verdure où les hommes s'isolent, se reconstruisent, se rencontrent, se déchirent, s'aiment, s'éloignent, pleurent.
Un roman sensible et maîtrisé où le temps donne matière à des réflexions philosophiques.
Un roman sur la résilience que je recommande pour tous les amoureux de romans d'atmosphère, de beaux textes qui cisèlent la vie, la mort, le destin de chacun.

« La vie est un chemin de rosée dont la mémoire se perd, comme un rêve de jardin. Mais le jardin renaîtra, un matin de printemps, c'est bien la seule chose qui importe. Il s'épanouira dans une palpitation insensée d'éventails. »
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Le peintre d'éventail représente un véritable travail d'orfèvrerie littéraire.

Dans la pension de Dame Hison, ancienne courtisane, viennent se réfugier des êtres abîmés. Son auberge et ses environs forment un microcosme où le temps semble s'être arrêté. Une autre caractéristique de l'endroit est le magnifique jardin. Hubert Haddad rend justice à la nature par de superbes descriptions poétiques émaillées de haiku. le jardin, rassemblant en un seul organisme les multiples sortes de jardins japonais, devient un personnage du roman à part entière si ce n'est le personnage principal.
Il est également question ici de la transmission du savoir afin que la beauté ne se perde pas. A travers les expliquations données au jeune Hi Han, Haddad résume les conceptions fondamentales de l'esthétique japonais basées sur la recherche d'une perfection inachevée, dans le respect du concept "wabi sabi", ou recherche de l'élégance épurée.

Si la première partie du roman offre une vision assez contemplative, la seconde partie voit les forces de la nature et des hommes se déchaîner sur cet endroit retiré. Ce presque paradis perdu est alors emporté par la réalité dévastatrice. Pourtant, la vie s'accroche et permet de retrouver la beauté même au coeur de la fange.

J'a découvert cet auteur avec ce livre. Son écriture m'a beaucoup émue par sa grande sensibilité et par la qualité évocatrice de sa poésie.
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critiques presse (3)
LaPresse
25 mars 2013
Le peintre d'éventail, 25e roman d'Hubert Haddad, est si remarquablement écrit que même le lecteur le plus vorace voudra ralentir la cadence de sa lecture pour mieux le savourer et que l'amateur de jardins en lira et relira toutes les pages.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lhumanite
18 février 2013
Hubert Haddad signe là un magistral roman d’initiation et de transmission, dépaysant à l’envi. 
Et suggère, dans la quête de beauté, le sens possible d’une présence au monde.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Liberation
28 janvier 2013
L’auteur protéiforme a du goût pour les contrées inconnues comme pour tous les genres littéraires, et préfère pétrir la pâte de l’imaginaire, dans un mode hallucinatoire.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (167) Voir plus Ajouter une citation
Depuis la fin de l’été, un même rêve tourmentait les nuits de dame Hison. Elle était la femme Trois-pouces, nabote au milieu d’hommes chats tout engrossés d’une vie de bombance qui la manipulaient comme une marionnette. C’est en tirant sur ses longs cheveux qu’ils activaient sa tête et ses membres. Leurs pattes nombreuses empestaient la sauce soja et le poisson ; certains avaient des ongles encrassés qui manquaient l’éborgner. Puis une main plus fine et très blanche s’emparait d’elle et l’emportait loin de cette compagnie, dans la nuit noire, jusqu’aux rives d’un étang plus ténébreux encore, où sa ravisseuses la précipitait avec ce mot d’adieu aux lèvres : « Putain. » Mais elle ne coulait pas, elle flottait parmi ses grands cheveux mêlés de petite fille. Elle dérivait sur l’eau noire, ses beaux habits en guirlande autour d’elle, comme des grues de papiers tombés d’un arbre à vœux. Un silence monstrueux s’étendait alors sur elle et sur le monde…
Dame Hison s’éveilla une nouvelle fois en sueur, le front et la nuque glacés, avec une impression pénible de dépossession. A cette heure nocturne, le jardin exhalait les parfums les plus délectables, chrysanthèmes, seringats, sauges diverses, camélias, orchidées, miel des buddleias, roses encore, avec en embuscade cette senteur mémorable, un peu astringente, de terre retournée d’écorce et de feuilles mortes. Par la baie entrouverte de sa chambre, elle vit une lune très pâle, garante de pluie, glisser sur les hautes brumes. Une chouette hululait au-dessus de la maison ; son aile parfois voilait d’un trait la lune. Elle se dit qu’aucun homme n’aurait connu son prénom, qu’à personne elle ne se serait présentée autrement que dame Hison.
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p. 117/118
Le chemin grimpait maintenant entre les buissons de fusains, d'aralias et de houx, parmi des rochers d'inégales dimensions émergeant des mousses et des lichens ambrés, avec en arrière-plan des pins parasols et des cèdres nains. Il ne pouvait qu'admettre une fois de plus la souveraineté de la nature. Jardiniers et maîtres paysagers s'épuisaient en vain dans l'imitation de son aspect sauvage. Tant d'harmonies et d'heureux contrastes n'étaient pas dus au seul hasard : des millénaires d'ajustement avaient façonné ces abords jusque dans la sensibilité de générations contemplatives. Seules, la foudre, les intempéries ou la dégénérescence liée à l'incurie humaine pouvaient s'attaquer au paysage. Mais une magie native remodelait vite ces espaces. La nature respirait de tous les souffles de la montagne. Son énergie calme était comme la pensée des éléments, un dialogue entre ciel et terre. Matabei s'immobilisa, l'esprit aux aguets. Une bourrasque échevela un cèdre pleureur aux lianes d'or : portées par le vent, les cloches d'un sanctuaire shinto tintèrent en même temps que sifflait le milan. A quelle fin les signes du monde, coïncidaient-ils ?
(...)
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Le chemin grimpait maintenant entre les buissons de fusains, d'aralias et de houx, parmi des rochers d'inégales dimensions émergeant des mousses et des lichens ambrés, avec en arrière-plan des pins parasols et des cèdres nains. Il ne pouvait qu'admettre une fois de plus la souveraineté de la nature. Jardiniers et maîtres paysagers s'épuisaient en vain dans l'imitation de son aspect sauvage. Tant d'harmonies et d'heureux contrastes n'étaient pas dus au seul hasard : des millénaires d'ajustement avaient façonné ces abords jusque dans la sensibilité de générations contemplatives. Seules la foudre, les intempéries ou la dégénérescence liée à l'incurie humaine pouvaient s'attaquer au paysage. Mais une magie native remodelait vite ces espaces. La nature respirait de tous les souffles de la montagne. Son énergie calme était comme la pensée des éléments, un dialogue entre ciel et terre.
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- Quand je n'y serai plus, il restera les éventails.
- Et le jardin, ajouta Matabei.
- Et le vent, oui, dit Osaki. Avant de travailler ici, j'ai longtemps vécu dans un monastère. Les moines m'ont recueilli après le suicide de mes parents. Beaucoup de gens n'ont pas survécu à l'armistice... Comme vous, j'ai connu la dépression. Je buvais. Le deuil est une maladie...
Le souffle de tempête qui frappait les cloisons portait, en bruit de fond, le sourd vacarme de la mer. Malmenée par le vent, la cloche d'un temple ne cessait de sonner. A travers les branches, les nappes d'éclairs dessinaient des ombres grotesques sur l'écran des fenêtres. Matabei tapotait sa paume du bout d'un éventail reçu en présent. Ouvert, celui-ci déployait en quelques traits simples un coin de paysage d'une sublime harmonie, immédiate équation de l'oeil à l'esprit ne demandant ni calcul ni réflexion. On pouvait y lire, courte averse sur le coin gauche, ces caractères rapides :

Chant des mille automnes
le monde est une blessure
qu'un seul matin soigne

La charpente de la baraque se mit brusquement à vibrer comme un tambour de cérémonie. La pluie succédait à la pluie et des branches craquaient dehors. Matabei songeait déjà aux réparations du lendemain : le jardin intégrait le désordre à condition d'en gommer les plus brutaux effets.
- Ne vous inquiétez pas, dit-il.
- Pour les feuilles tombées? C'est leur destin, mon ami. Je regrette de ne pas les avoir toutes peintes. Quelques-unes seulement, d'une année l'autre, quelques feuilles... Voilà si longtemps que je n'ai pas franchi les limites d'Atôra, même pour me soigner. Mais un charme nous retient les uns et les autres. Ah! ce jardin contient pour moi tous les paysages...
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Les saisons ne vieillissent jamais. Un éternel été succède au beau suicide du printemps. Et l’automne empourpre les érables à l’heure dite. Face au proche océan, les feuillus des pentes recevaient les embruns aux jours de tempête ; en l’espace d’une nuit, ils pouvaient virer du bleu feuille, au jaune le plus acide, tandis que les mêmes arbres, sur l’autre versant, connaissaient toutes les variations et nuances que l’absence du mot « vert » rend possible. Attachés à leur territoire, les animaux des forêts étaient comme un prolongement ludique de la flore – macaque à face rouge peuplant les grands ormes et les arbres à liège, chien viverrin au masque d’esprit dans les sous-bois, grive dorée fondue sous une nuée d’orage, sanglier grogneur festoyant de fanes et de châtaignes, tapir dévoreur de rêves au museau luisant d’un sang de fourmis. La dernière cigale de l’aube répondait à l’ultime grillon du crépuscule. Personne cette année pour la chasse aux feuilles rouges, pas un pèlerin. L’automne passerait ainsi en confidence – pour le contempler, personne jamais plus, pas même l’enfant fantôme qui lèche les lampes à huile.
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