De toi à moi
quinze ans plus tard
à peine un vol de papillon
On pourrait croire que je cours après mon passé, mais c'est bien pire. Je me souviens du dernier soir comme si c'était demain.
La peur de devenir fou est le début de la folie.
Marcher dans les grands paysages des altitudes, c’est s’inventer son jardin intérieur presque à chaque pas, d’un angle à l’autre du ciel ou des vallées. Les nuages à tout moment naissent des montagnes, fantômes d’avalanches qui traversent le souvenir…
Marcher est une façon de ne pas mourir.
Hormis l’or du rien, il avait brûlé l’essentiel de ses possessions avant d’embarquer pour Shikoku ; et c’était bien peu de chose. Toute richesse n’est que rosée sous le vent. Sa vie n’avait pas plus de valeur qu’une aigrette de pissenlit déplumée au souffle d’automne.
La neige unifiait les parterres, les statues et les toits, laissant aux arbres leur souveraineté. Le plus vieux, plein d’étais, resplendissait dans la grisaille. L’écorce noire de ses branches était endiamantée de gel jusqu’aux plus hautes brindilles. Entre les arbres, la blancheur avait une intensité presque infranchissable. Le daisojo prit toute la mesure de cette quiétude sans autres accroches qu’une pie posée sur un tronc mort, la cloche d’un sanctuaire au loin ou l’ombre solitaire d’un épouvantail entre le lac gelé et la colline aux cyprès. Par-dessus les jardins et les champs, les montagnes émergeaient des brumes basses dans les cieux parallèles. Immobile, il parvint à faire abstraction des bruits majeurs, ceux dont l’écho ouvre les distances, pour écouter les heurts et les glissements des particules de glace et enfin accéder quelques instants à la pure vibration du silence.
La solitude, quand on marche, démultiplie les ombres et invite chaque créature au dialogue, serait-ce un insecte ou la figure d'un rêve.
Toute richesse n'est que rosée sous le vent.
Mon bol
rempli de pluie
j'y boirai si j'ai soif