« Pendant ce temps, la baronne se mit à extirper du panier divers cadeaux : d'abord une douzaine de poulets grillés, emballés dans du papier de soie rose et garnis d'un ruban jaune et noir, puis deux bouteilles d'une quelconque liqueur destinée aux soldats. Les bouteilles portaient, d'un côté, une étiquette sur laquelle était inscrit « Gott strafe England ! », et, de l'autre, une étiquette représentant les empereurs François-Joseph et Guillaume II main dans la main, comme s'ils allaient jouer à « Mon petit lapin a bien du chagrin, il ne saute plus dans son p'tit jardin ».
J'ai abordé ce classique de la littérature tchèque, paru en 1921, sans chercher, dans un premier temps, des renseignements biographiques sur son auteur. Pour me confronter au texte sans préjugés.
J'ai été immédiatement séduit par le personnage de Švejk, son ingénuité apparente qui cache des océans de filouterie sympathique, malgré les épreuves incessantes et souvent absurdes, qu'il traverse.
En 1914, à Prague, alors que l'archiduc François-Ferdinand vient d'être assassiné à Sarajevo, Švejk, qui est un véritable moulin à paroles, est victime dans un café d'un agent provocateur de la police politique de la monarchie austro-hongroise. Même s'il a été réformé quelques années plus tôt de l'armée, pour motif médical de « crétinisme », il est arrêté pour avoir critiqué le pouvoir en public. Dans ce premier volume, il sera question de ses tribulations à l'arrière du front. D'asile d'aliénés en prison, il finira par être l'ordonnance d'un aumônier militaire, puis d'un officier avant que les choses ne se gâtent pour lui par un départ vers le front.
Je pensais que les aventures de Švejk étaient pure oeuvre de fiction, drolatiques comme elles le sont, avec toutefois aussi une dose non négligeable d'amertume (et de pauvres toutous bien maltraités). Il s'avère pourtant que son parcours a plus d'un point commun avec l'existence trop brève de son auteur Jaroslav Hašek, ce qui m'a réellement surpris. Ce roman piquant et dénonciateur de tous les pouvoirs n'a de mon point de vue rien perdu de son acuité.
Cette édition folio intègre un appareil critique et surtout les illustrations d'époque de
Josef Lada. Pour ma part, j'ai sauté la préface, pour la lire une fois le roman terminé. Et je pense avoir bien fait car elle en dit beaucoup trop !