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Critique de Terraque


Qui suit l'actualité ne peut ignorer les combats incessants qui minent l'Afghanistan depuis des décennies. Il y a eu les Russes. Et toujours les Talibans… Encore des attentats à répétition et trop de sang qui coule. La littérature peut-elle survivre à pareil désastre ? Bien sûr que oui ! La question pertinente est de se demander ce qu'ont à écrire les femmes de ce pays, dont on ne connaît que les silences.
Ce recueil reçu dans le cadre de l'opération Masse critique y répond magistralement. « Personne ne comprend ma douleur. C'est pourquoi dorénavant je vais raconter mes douleurs à ce bout de papier ». Ce soldat enrôlé de force dans l'armée afghane pressent la fin. Près du champ de bataille, la mort rôde. La femme qu'il aimait lui manque cruellement. le narrateur de cette douzième et dernière nouvelle du recueil est un homme. Une exception qui fait écho aux autres narratrices, à qui l'ouvrage donne voix.
Douze nouvelles de femmes afghanes. Les autrices, certaines émigrées en Amérique du Nord, d'autres vivant en Afghanistan, semblent s'être accordées pour composer un même cri de douleur. Cette polyphonie tragique conte une seule et même souffrance face au carcan des traditions, à l'absurdité de la guerre et à l'arbitraire qui en découle. Leurs doubles féminins suffoquent sous l'oppression. Elles ne supportent plus la place qui leur est réservée. Celle de rester sous l'étouffoir. Leurs cris tentent de déchirer la chape patriarcale qui les oppresse.
La grande majorité des nouvelles ne fait pas l'économie de la cruauté, sans effet de manche, simplement pour la constater de façon implacable. Ainsi Wasima Badghisi symbolise au sein d'une même famille les dégâts d'une guerre fraticide. « le cri de la rivière ressemble toujours aux lamentations des femmes », écrit-elle. Sous le ciel de Kaboul coulent des rivières noires de désespoir. La dramaturge iranienne Alia Ataee est peut-être celle qui l'incarne le mieux. Partie d'un mariage, une femme se retrouve prise au piège dans le désert, coincée dans la trappe d'une cache de trafiquants, qu'utilise son frère. L'horreur atteint son paroxysme avec la nouvelle « Chien-Mouche ». Quand la vie humaine ne vaut pas plus que celle d'un animal. Moins à vrai dire. La seule issue pourrait bien être la mort, laisse penser un autre texte.
Homeira Qaderi écrit superbement : « Sans même avoir beaucoup pleuré dans la vie, je suis devenue aveugle ». En nous arrachant des larmes, ce recueil, magnifique travail d'édition, donne à voir.
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