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Citations sur Canción (12)

(C'etait Lutvic qui, dans un commentaire, m'avait envoye un souhait, un vieux dicton des Balkans. J'ai trouve sa version judeo-espagnole dans ce livre. Je m'empresse donc de le lui rendre.)

Bérénice était venue de Buenos Aires avec ses parents pour rendre visite au Nono. C’est ainsi que nous appelions le mari d’une des sœurs de ma grand-mère, Nono, un vieux à la chevelure blanche et aux gestes lents et tendres. Je me souviens de quatre choses le concernant. Un : c’était un inconditionnel des westerns. Deux : bivas, kreskas, engrandeskas, komo un peshiko en aguas freskas – vis, grandis et forcis comme un poisson en eau claire –, amén, disait-il en ladino, sa langue maternelle (il était né à Salonique, en Grèce), dès que quelqu’un éternuait.
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Tu as tout bu, ma chérie ? demanda-t-il.
La mère de Bérénice s’essuya les lèvres, prit un air affligé et répondit que oui, presque tout, qu’elle n’avait laissé que le marc humide.
Au fond de ta tasse, dit-il, repose un soixantième du café.
Comment ça, un soixantième ? s’étonna-t-elle.
L’oncle Salomon plissa un peu ses yeux et son front, et lui répondit que, selon les discussions rabbiniques du Talmud, le feu représente un soixantième de l’enfer, le miel un soixantième de la manne, le shabbat un soixantième du monde à venir, le sommeil un soixantième de la mort et les rêves un soixantième de la prophétie.
J’ai compris, dit-elle.
Au ton de sa voix, j’eus l’impression que la mère de Bérénice n’était pas habituée ou n’appréciait pas cette manière de parler de l’oncle Salomon, à la fois paradoxale et parabolique.
Pose la soucoupe sur ta tasse, lui dit-il, mais à l’envers.
La salle à manger s’était remplie d’enfants et d’adultes. Nous étions debout pour la plupart, tout près de l’oncle Salomon.
Bien, dit-il. Maintenant soulève la tasse et la soucoupe et tout doucement, avec précaution, fais tourner le tout trois fois, vers ta gauche. C’est-à-dire, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre.
Il y eut un silence. La mère de Bérénice, comptant à voix haute avec un sourire nerveux, fit tourner trois fois la tasse, tandis que depuis son lit d’appoint de l’étage supérieur, le Nono manifestait lui aussi sa présence.
Très bien, dit l’oncle Salomon. Maintenant, toujours avec précaution, et toujours en tenant la tasse dans ta main droite, pose ta main gauche sur la soucoupe. Comme ça, oui. Et là, d’un seul mouvement rapide, je veux que tu retournes le tout, vers le bas.
Comment ça, tout retourner vers le bas ? La tasse et la soucoupe, ensemble?
C’est ça, oui, ensemble. Pour que la tasse se retrouve à l’envers, sur la soucoupe. Sans rien renverser, tu comprends ?
Oui, oui, dit-elle et, après avoir soupiré, elle parvint à retourner la tasse et sa soucoupe sans que rien ne tombe.
Quelqu’un applaudit.
Voilà, c’est terminé, ma chérie, tu peux poser tout ça sur la table, chuchota l’oncle Salomon, calmement, en sortant un paquet blanc de la poche intérieure de sa veste en daim. Et à présent une cigarette, dit-il, le temps d’attendre que le marc sèche et se dépose, et qu’il nous apprenne quelque chose.
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Nul n'ignore que le Guatemala est un pays surréaliste.
C'est par ces mots que s'ouvre la lettre de mon grand-père publiée dans Prensa Libre, l'un des principaux journaux du pays, le 8 juin 1954, trois semaines avant le renversement d'Arbenz. p. 83
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«  Canción n’utilisait pas l’argot des rues , non, mais un code qui lui était propre. J’ai décapité le coq, déclarait Canción, lorsqu’il avait assassiné un militaire de haut rang. Mon amoureuse , disait- il pour parler de son arme , sa mitraillette, ou son fusil » ,……
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«  Je suis né dans une ruelle sans issue, en août 1971, mes parents vivaient dans une maison neuve au fond d’une ruelle sans issue. Je n’ai bien sûr aucun souvenir de cet endroit , mais des films muets témoignent de mes premières années là- bas. Moi, tout juste né, dans les bras de ma maman , arrivant de l’hôpital dans une VOLVO couleur de jade … »
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«  Il serait peut - être doux d’être alternativement victime et bourreau » .


CHARLES BAUDELAIRE ‘
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C'est que le café turc, chez mes grands parents, était bien plus que du café : c'était un rituel, une cadence, un sortilège, le point final de choses douces et amères, dont la dernière coïncida avec la visite d'une cousine argentine qui s'appelait Bérénice. (p.21)
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La Roge. C'est ainsi que ses proches et ses amis appelaient Roselia Cruz. En 1958, âgée de dix-sept ans, alors qu'elle achevait ses études à l'Instituto Normal de Senoritas Belén, une école normale d'institutrices, elle fut élue Miss Guatemala. L'été suivant, elle se rendit à Long Beach en Californie — son premier et unique voyage à l'étranger — pour participer au concours de Miss Univers. Elle ne l'emporta pas. Mais dans son discours, vêtue de l'habit traditionnel maya, elle critiqua l'intervention au Guatemala du gouvernement américain, qui, en juin 1954, avait orchestré et financé le renversement du président Jacobo Arbenz — le deuxième président démocratiquement élu de l'histoire du pays.
Arbenz, également connu sous le surnom de Blondin (El Chelon) ou Le Suisse (El Suizo), déclara dans son discours d'investiture que le Guatemala était régi par un système économique de type féodal et, en 1952, il entreprit de mettre en œuvre sa loi de réforme agraire, le fameux Décret 900, dont l'objectif essentiel — proclamait-il — était de développer l'économie capitaliste des paysans. Des paysans décimés par la misère et la famine (selon le recensement de cette année-là, 57% d'entre eux ne possédaient aucune terre ; 67% mouraient avant l'âge de vingt ans). Première mesure de cette réforme agraire : mettre fin au système féodal toujours en vigueur dans les campagnes (sont abolies, détaillait le décret, toutes les formes de servitude et, par conséquent, toute prestation personnelle non rémunérée de la part des paysans). Deuxième mesure : s’octroyer le droit d’exproprier les terres en friche — c'est-à-dire seulement les terres improductives — contre une indemnisation sous forme de bons, et redistribuer ces propriétés aux pauvres et aux nécessiteux, indigènes et paysans. En 1953, Arbenz expropria ainsi quasiment la moitié des terres en friche d’un des principaux propriétaires terriens du pays, la United Fruit Company - bien que possédant plus de la moitié des terres cultivables du Guatemala, elle en exploitait moins de 3% -, terres dont l’entreprise bananière américaine avait hérité gratuitement en 1901, cadeau du président et dictateur Manuel Estrada Cabrera. La United Fruit Company ne tarda pas à réagir. Par l'intermédiaire des frères Dulles (John Foster Dulles, alors secrétaire d'État des États-Unis, et Allen Dulles, alors directeur de la CIA, avaient travaillé comme avocats au service de la multinationale et siégeaient désormais à son conseil d’administration), elle fit pression sur le gouvernement du président Eisenhower, et Arbenz fut promptement renversé dans le cadre d’une opération de la CIA baptisée OPÉRATION PBSUCCESS. Le pays bascula alors dans une spirale de gouvernements répressifs, de présidents militaires, de militaires génocidaires, et dans un conflit armé interne qui allait durer près de quatre décennies (John Foster Dulles, pendant ce temps-là, était désigné Personnalité de l'année 1954 par Time Magazine). p. 80-83
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Sur la banquette arrière, lisant le journal, est assis le comte Karl von Spreti, ambassadeur de la république fédérale d'Allemagne au Guatemala. Le chauffeur observe dans le rétroviseur cet homme raffiné, en se disant comme souvent que von Spreti a l’allure d’un acteur de ciné — de fait, il n’est pas sans rappeler Marcello Mastroianni —, et ne remarque pas à quel moment ni d'où ont surgi ces deux voitures qui cherchent à lui bloquer le passage, au niveau du monument à Christophe Colomb : une Coccinelle Volkswagen blanche et une Volvo bleu nacré.
Arrêtez-vous, lui ordonne von Spret avec une assurance teintée de fatalisme. C'est après moi qu'ils en ont.
Six guérilleros descendent des véhicules. Ils ont des cagoules et des mitraillettes Thompson (ils disent des Tomis). Un des six hommes ouvre la portière arrière de la Mercedes, saisit le comte par le bras et, sans prononcer un seul mot, sans se voir opposer la moindre résistance, le conduit jusqu’à la Volvo bleu nacré, Ce guérillero encagoulé, c'est Canción.
Principal objectif de cet enlèvement : échanger l'ambassadeur contre dix-sept prisonniers politiques. Mais quatre jours plus tard, en guise de réponse à l'ultimatum des guérilleros, le gouvernement militaire fait assassiner deux de ces prisonniers.
Ce dimanche-là, quelqu’un appelle la caserne des pompiers depuis un téléphone public. Une voix anonyme annonce au pompier de garde que von Spreti se trouve dans une modeste maison d’adobe privée de toit, au kilomètre 16,5 de la route de San Pedro Ayampuc, village des environs de la capitale, Les pompiers se rendent immédiatement sur place.
Ils trouvent le corps de von Spreti dans le jardin derrière la maison, avec un seul impact de balle au niveau de la tempe droite, calibre neuf millimètres. Le comte est assis par terre, jambes tendues devant lui, adossé à des arbustes. p. 76-77
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L'ambassadeur des États-Unis s’appelait John Gordon Mein. Il ne s'était pas agi d'un assassinat, mais d’une tentative d'enlèvement qui avait mal tourné, lorsque Mein avait tenté de s'enfuir sur l'avenue, où il fut aussitôt mitraillé par les guérilleros. Huit blessures par balles dans le dos, détaillerait le juge après l’autopsie. L'objectif de cet enlèvement était d'échanger l'ambassadeur contre le chef suprême de la guérilla, le commandant Camilo, capturé par l’armée quelques jours plus tôt. Les guérilleros avaient attendu Mein au coin de la rue de l’ambassade - il revenait d'un déjeuner -, à bord de deux voitures de location : une Chevrolet Chevelle verte (Hertz) et une Toyota rouge (Avis). Les deux véhicules, découvrirait-on dans les heures qui suivirent, avaient été loués le matin même par Michèle Firk, journaliste et révolutionnaire juive de France, et par ailleurs compagne de Camilo: celui-ci l'appelait la pleureuse (La Llorona), à cause de sa propension à s’émouvoir au moment des adieux. Une semaine après l'assassinat de Mein, alors que la police militaire était sur le point d'enfoncer la porte de sa maison, Michèle Firk se suicidait d'une balle dans la bouche.
L'un des trois délinquants figurant sur l'avis de recherche, celui de la photo du milieu, celui dont l'expression est à la fois sinistre et puérile, est Canción, également connu, précise la légende, sous le nom du Boucher (El Carnicero). p. 74-75
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