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EAN : 9782912107268
155 pages
Raisons d'agir (18/11/2005)
3.89/5   246 notes
Résumé :
Quel point commun y a-t-il, selon Serge Halimi, entre Michel Field, Claire Chazal, Alain Duhamel, Jean-Marie Cavada et PPDA ? La même révérence devant leur patron, les grands groupes tels Bouygues, Havas ou Matra-Hachette, la même révérence devant l'argent et le pouvoir politico-industriel, les mêmes pratiques. Maintenir à distance certains sujets pour mieux en matraquer d'autres, désinformer, moins par volonté de manipuler que par paresse et par reddition devant l'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Serge Halimi livre avec Les nouveaux chiens de garde un livre critique à la vision corrosive et accusatrice sur le journalisme français.

Avant de débuter cette critique, un mot sur l'auteur. Serge Halimi est le rédacteur en chef du journal Le Monde Diplomatique.

Le livre comporte une introduction et un postface de Pierre Bourdieu ( le célèbre sociologue), et se divise en quatre chapitres pour finir par une conclusion.
Sur le plan formel, le livre est bien construit, l'introduction permet de bien présenter le projet de l'auteur qui se veut l'héritier de Nizan qui dans son livre critiquait le rôle des philosophes qu'il considérait au service de l'oligarchie bourgeoise. Serge Halimi applique l'analyse grinçante de Nizan aux journalistes français d'aujourd'hui qu'il considère comme les serviteurs et partie prenante de l'élite qui dirige la France.
Le livre est un ouvrage sérieux qui s'appuie sur de nombreuses références ( experts et extraits de conversations télévisuelles et d'articles de presse ).
La progression logique dans les chapitres est intéressante : le premier est une démonstration du fait que la liberté de la presse, loin de connaitre un essor depuis la fin de l'ORTF, est réduite par la précarisation et l'emprisonnement des journalistes au sein de groupes de presse privés
avec des actionnaires qui y font respecter leurs intérêts.
le deuxième chapitre montre les liens des journalistes avec l'argent qui créent une dépendance financière de la profession et bloque tout journalisme indépendant. Jusqu'ici, rien de très inédit. Mais les deux autres chapitres vont plus loin.
Le troisième chapitre est le plus intéressant, et le plus polémique; il s'attache à démonter que la presse française est orientée par l'idéologie des élites et est donc acquise à la défense du libéralisme et de l'Europe, causes qu'elle n'hésite pas à défendre en promouvant auprès de la population une information partiale et orientée, en organisant un débat d'idées circonscrit et en occultant une partie de l'information.
le quatrième chapitre enfonce le clou en prouvant que la presse est idéologique car les journalistes agissent en tant que composante de l'oligarchie et ont un rôle de chiens de garde de celle-ci.
Un plus est aussi le fait que Serge Halimi expose pour chaque chapitre un cas concret : Alain Minc, Bernard Henri-Lévy, le référendum européen...

Ce livre est intéressant car Serge Halimi met impitoyablement en cause les journalistes français qui se révèlent au mieux incompétents au pire manipulateurs, alors qu'ils s'abritent et se complaisent dans le mythe d'une presse indépendant et détachée du pouvoir. Cela est grave car la presse doit en démocratie constituer un contrepouvoir capable d'informer l'opinion. Ce livre est une mise au point des travers de l'information journalistique en France : manque d'indépendance par rapport à l'oligarchie économique, primauté d'une élite journalistique en consanguinité avec les politiques, orientée en faveur du libéralisme, qui se moque du peuple. C'est un constat sans concession qu'Halimi dresse de ses confrères, quelques titres et figures sont d'ailleurs pilonnés avec force ( ce qui m'a plutôt réjoui, je 'avoue ). le seul bémol est peut être que Serge Halimi ne fait pas de propositions susceptibles de faire changer cet état de fait, ni qu'il ne met en avant les rares journalistes qui font leur travail ( il y en existe tout de même...)

Au final, Halimi livre un petit essai sur le journalisme français pertinent et noir, qui ne manque pas d'interroger le citoyen que nous sommes, et sonne comme une dénonciation et une mise en garde. Très intéressant !
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On distingue souvent les Chiens de garde de Paul Nizan, publié en 1932, des Nouveaux chiens de garde de Serge Halimi par la nature des personnages qui y sont critiqués : d'un côté les philosophes gardiens de l'ordre bourgeois, de l'autre les journalistes garants de la société capitalo-consumériste. En réalité, les deux catégories sont assez proches lorsqu'on se souvient que la plupart de nos journalistes chiens-de-garde cherchent à montrer patte blanche en publiant également, à leurs heures perdues, des roucouleries philosophiques d'autant plus cyniques qu'elles contribuent souvent à alimenter le problème dénoncé (qu'on pense à la Défaite de la pensée de Finkielkraut, Les peurs françaises d'Alain Duhamel ou Toute vérité est bonne à dire de Laurent Joffrin, pour n'en citer qu'une partie).


Les époques changent, les formes évoluent mais le problème reste le même : pour conforter le pouvoir économique et social de quelques privilégiés, détenteurs de grands groupes industriels, des journalistes ont vendu leur âme au diable. Pire que ça : ils sont devenus son porte-parole et pour ne pas se faire pincer, ils entourent sa propagande d'une langue de bois teintée d'humanisme, de progrès social, de démocratie et d'européanisme, corrompant le sens de ces termes et participant à un désenchantement massif des foules. Si le désenchantement est massif, la lassitude et le désespoir risquent alors de conduire à des extrémismes bariolés, peut-être moins sains d'apparence mais aussi moins hypocrites et donc paradoxalement plus rassurants.


Serge Halimi démontre la dépendance du journalisme aux grands groupes industriels au court de cet essai composé de quatre chapitres. Il traite des rapports des journalistes dominants avec les dirigeants politiques, de la domination des média par les plus grands groupes industriels et financiers, de l'établissement d'un journalisme de marché asservi à des exigences économiques et des rapports intersubjectifs des journalistes et intellectuels visant à assurer leur autopromotion. Cet essai fournit les exemples les plus probants tendant à montrer qu'on prend le peuple pour une poubelle à raclures, tout juste bon à produire du bénéfice.


Comme le rappelle Pierre Bourdieu dans la préface, ce livre n'est pas la signature de l'acte de décès de la profession journalistique. Serge Halimi condamne seulement la forme la plus criante de corruption journalistique –celle qui sacrifie son honnêteté intellectuelle pour des intérêts financiers douteux-, sachant qu'il existe aussi des journalistes consciencieux et indépendants, mais leur portée médiatique est étouffée par les gros poissons.


"Révérence face au pouvoir, prudence devant l'argent : cette double dépendance de la presse française crée déjà les conditions d'un pluralisme rabougri. Mais on ne peut s'en tenir là. Tout un appareillage idéologique conforte la puissance de ceux qui déjà détiennent autorité et richesse. La somme des sujets tenus à distance et des non-sujets matraqués en permanence étend le royaume de la pensée conforme."


Serge Halimi ne révolutionne rien mais il braque son projecteur sur des phénomènes qui nécessitent l'obscurité pour se déployer dans toute leur perfidie.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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On ne crache pas au visage des gens qui vous paient à la fin du mois, ça va de soi. Conséquence logique, quand vos patrons sont des dirigeants de gros groupes industriels, votre salive n'est plus utilisée que pour rendre les chaussures des patrons en question un peu moins terne. Si on ajoute que tout ce beau fréquente les mêmes écoles et les mêmes cercles, la liberté de la presse ressemble à une bonne plaisanterie.

Ceci dit, ces faits sont connus depuis un petit moment, et le livre de Serge Halimi n'ajoute pas grand chose sur la question, à part une foule d'exemples récents, pour ceux qui ne sont pas encore tout à fait convaincus. Et quand on ne connaît pas très bien le paysage audiovisuel français, on se lasse rapidement de tous ces noms qui ne font que passer.
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Pour beaucoup d'observateurs, la première guerre du Golfe a marqué un tournant dans la perception qu'ils avaient du journalisme français. Non pas qu'ils se soient nourris d'illusions jusque là, mais l'unanimisme malsain de 1991, cet espèce d'enthousiasme obligatoire pour une opèration qui consistait, et tout le monde le savait, à tuer des milliers de civils innocents avait de quoi glacer le sang. En 1997, Serge Halimi publie ces "Nouveaux Chiens de garde", complètés et augmentés en 2005.

Halimi montre comment le milieu journalistique français s'est petit à petit rapproché des cercles du pouvoir, briguant honneurs et avantages, se targuant de tutoyer l'un ou l'autre présidentiable, les nervis de l'information lissée et complaisante ont construit une bulle consensuelle où l'esprit critique n'a pas droit de Cité: Halimi montre, exemples à l'appui, comment tous sont touchés, à droite comme à gauche, dans la presse d'opinion comme dans les médias généralistes, dans les canards satyriques autant que dans les hebdos dits de référence. Il décrit aussi le phénomène de concentration capitaliste qui a conduit à ce que tous les journaux appartiennent aux 15 plus grosses fortunes de France, conduisant à une autocensure des plus pernicieuse et à une complaisance constante vis-à-vis des puissances d'argent. Si le livre date un peu, on peut évidemment appliquer les éléments d'analyse proposés par Halimi à ce que nous vivons aujourd'hui, notamment en ce qui concerne la situation grecque. le constat est cruel et sans appel, il nous invite plus que jamais à exercer notre esprit critique à peine de danser comme dansent les puissants.
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Autant s'acquitter tout de suite des reproches qui concernent la forme :
1. prévoir une loupe en plus de vos lunettes pour une lecture claire (même problème avec la collec-tion Champs essais de Flammarion et ses pattes de mouches) auraient-ils tous des intérêts avec les industriels de l'optique ?
2. les notes (sources) sont reportées en fin d'ouvrage, ça aussi c'est pénible et casse le fil de lecture.

Sur le fond, cet ouvrage qui semble-t-il a remporté un grand succès à sa sortie, (aussi adapté au cinéma) dénonçait la collusion des journalistes avec les pouvoirs économiques et politiques. Hélas il reste en tous points d'actualité tant nous en sommes toujours aux mêmes constats aujourd'hui : collusion, trafics d'influence, renvoi d'ascenseur, copinages et réseaux, esprit de clan ou de meute, allégeance au capital, docilité, soumission, connivences, pognon « de dingue », etc. etc. Une caste des mêmes gamelles cyniques, une même clique médiatique qui n'a rien à envier à la clique politique ; ce livre nous la portraitise jusqu'à l'indigestion.

Comment font-ils ces gens pour brader leur intelligence à si bas prix en filant doux ? Ont-ils une conscience ? C'est un mystère pour moi.
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Citations et extraits (62) Voir plus Ajouter une citation
Parlant des journalistes de son pays, un syndicaliste américain a observé: "Il y a vingt ans, ils déjeunaient avec nous dans des cafés. Aujourd'hui, ils dînent avec des industriels." En ne rencontrant que des "décideurs", en se dévoyant dans une société de cour et d'argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s'est enfermé dans une classe et dans une caste. Il a perdu des lecteurs et son crédit. Il a précipité l'appauvrissement du débat public. Cette situation est le propre d'un système: les codes de déontologie n'y changeront pas grand-chose. Mais, face à ce que Paul Nizan appelait "les concepts dociles que rangent les caissiers soigneux de la pensée bourgeoise", la lucidité est une forme de résistance.
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Laurent Joffrin: Monsieur Chirac, je vais vous poser une question que vous allez juger, j'imagine, désagréable, mais enfin bon les journalistes ne sont pas toujours obligés de poser des questions qui plaisent aux candidats.
Jacques Chirac: Absolument.
Laurent Joffrin: Il y a eu une polémique qui a été déclenchée à la suite de la publication d'un article dans Le Canard enchaîné. Et cet article a trait, avait trait à un appartement que vous louez, que votre famille loue dans le septième arrondissement...
Jacques Chirac: C'est moi qui loue.
Laurent Joffrin: C'est vous? Et on vous a reproché, d'une certaine manière, de bénéficier d'une opération immobilière qui vous permet de payer un loyer avantageux eu égard aux facilités que comporte cet appartement, à sa nature immobilière. Vous avez répondu que tout ça était légal et donc qu'il n'y avait pas d'irrégularité. Personne ne vous a contredit sur ce point. Mais est-ce que c'est pas quand même un peu ennuyeux pour des questions d'image, parce que ça risque quand même de vous donner un peu l'image de quelqu'un qui bénéficie, même s'il est parfaitement honnête - et tout le monde le pense - mais qui bénéficie - avec d'autres mais comme d'autres - d'un certain nombre de privilèges qui sont fermés aux citoyens normaux puisque, apparemment, le loyer en question est quand même très avantageux par rapport à l'appartement? »
Il est arrivé que des candidats soient interpellés de façon plus rude.
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A la fois parce qu'ils n'ont guère de compétences économiques et que la relégation hors champ d'un sujet comme le partage des revenus correspond à leurs intérêts de caste, les grands éditorialistes rêvent d'un affrontement politique circonscrit aux sempiternelles "questions de société" dont la maîtrise approximative n'exige aucun travail régulier : valeurs, violence, famille, religion, télévision, racisme, jeunesse, naturellement chaque fois dépouillées de leur contexte social. Si on ajoute à cela l'industrie increvable des échos de boutique (UMP contre UDF) et des perfidies exclusives (Fabius contre Strauss-Kahn), on concevra qu'une telle pitance n'informe pas beaucoup sur la marche du monde. Mais elle suffit à nourrir les billets de nos illustres commentateurs. Les marchés ne se chargent-ils pas du reste ?
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La pensée unique n'est pas neutre, elle n'est pas changeante et il n'y en a pas deux comme elle. Elle traduit « en termes idéologiques à prétention universelle les intérêts du capital international», de ceux qu'on appelle « des marchés », c'est-à-dire les gros brasseurs de fonds. Elle a sa source dans les institutions économiques internationales qui usent et abusent du crédit et de la réputation d'impartialité qu'on leur attribue : Banque mondiale, FMI, OCDE, OMC, Banque centrale européenne.

Céder à cette pensée-là, c'est accepter que la rentabilité prenne partout le pas sur l'utilité sociale, c'est encourager le mépris du politique et le règne du capital. Sans qu'ils s'en aperçoivent toujours eux-mêmes, nos barons du journalisme dévoilent cette tentation chaque jour. Franz-Olivier Giesbert interpelle M. Chirac :
« Si la France en est là, n'est-ce pas à cause de ses rigidités et, notamment, de la barrière du salaire minimum qui bloque l'embauche des jeunes ou des immigrés ? »
Pour Philippe Manière, qui fut l'un des rédacteurs en chef du Point, une revalorisation du salaire minimum représenterait un « coup de pouce assassin ». D'ailleurs, « l'inégalité des revenus, dans une certaine mesure, est un facteur de l'enrichissement des plus pauvres et du progrès social».*

* Philippe Manière, « Les vertus de l'inégalité », Le Point, 7 janvier 1995.
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Notre public devra se contenter, le plus souvent, de pensée prêt-à-porter, d’“images dramatiques”, de la langue de bois des têtes d’affiche de la politique et de l’économie. De vedettes du show-biz ou du cinéma venues assurer la promotion de leur dernier chef-d’œuvre en direct à 20 heures… sans parler du record du plus gros chou-fleur de Carpentras ou des vaches envoûtées dans une étable des Hautes-Pyrénées. Au nom de la concurrence, chacun court pour copier l’autre.
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