Où l‘on voit que si Giscard était un meilleur président que Mitterrand, il fait aussi un bien moins bon sujet d'étude
Connaissez-vous Jean-Edern Hallier ? Si vous avez plus de 45 ans, probablement, sinon retenez qu'il était l'un des principaux “parrains” du milieu parisien de la littérature dans les années 1980, dandy fauché et fantasque, qu'il était à la tête d'un journal- l'Idiot international - qui a dû mettre la clef sous la porte à cause de la multiplication de procès en diffamation contre lui et enfin, le deuxième homme le plus suivi de la cellule (illégale bien sûr) d'écoutes de l'Elysée sous Mitterrand avec
Edwy Plenel. Un personnage haut en couleur, fumant des cigares chez
Ardisson, comme on n'en voit malheureusement plus dans la scène littéraire française actuelle.
Vestige de l'époque pro-Mitterrand de Jean-Edern Hallier, qui convoitait un bon poste politique ou culturel, Lettre ouverte à un colin froid est le pamphlet qui devait faire tomber Giscard par la seule force de la verve littéraire... Malheureusement, faute de connaissance économique suffisante et d'arguments percutants sur la politique sociale de Giscard, le soufflet retombe, du fait d'un manque regrettable de pertinence. Les coups ne portent pas, car hors propos, gratuits, indolores. Hallier, pas vraiment ici au sommet de son art, ressemble dans ses moins bonnes pages à un gamin de 8 ans qui s'acharnerait à frapper de ses petits pieds taille 25 les jambes d'un adulte tout juste ennuyé, plus pour le faire sortir de ses gonds que pour lui faire mal réellement.
Giscard n'est tout simplement pas un sujet suffisamment romanesque pour entrer dans les canons du style de la critique de Jean Edern, dont le poison n'est vraiment efficace que contre les personnalités fortes, romanesques; clivantes comme l'on dirait aujourd'hui. Pas contre les technocrates, les analytiques à sang froid.
Preuve de ce constat décevant, Edern lui-même reconnait en substance dans le livre et en forme d'aveu d'échec implicite, qu'il n'est pas possible de pondre 200 bonnes pages sur un filet d'eau tiède...