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Critique de bdelhausse


Clive Hamilton est professeur d'éthique publique en Australie. Il est le fondateur de l'Australia Institute, un think tank analysant et commentant les politiques publiques en matière socio-économique et environnementale. Il publie régulièrement, et récemment sur des thèmes liés au réchauffement climatique global. En fait, il s'intéresse aux mécanismes de la société et aux comportements individuels, bien davantage qu'au réchauffement, qu'il considère comme acquis et certain.

Requiem pour la race humaine développe un questionnement de l'auteur concernant l'acceptation des populations face à un cataclysme majeur sur lequel nous savons tout ou presque. Comment pouvons-nous rester dans le déni, alors que nous arrive en pleine tronche un bouleversement de notre façon de vivre la plus essentielle?

Il procède de manière logique et structurée. Les faits d'abord. Ils sont têtus. Ils nous indiquent la fonte des glaces, le dioxyde de carbone, les années de plus en plus chaudes, les sécheresses, les tempêtes... Clive Hamilton collationne dans le premier chapitre un certain nombre d'évidences statistiques et scientifiques.

De là, il questionne (chapitre 2) notre obsession de la croissance. Pourquoi trouvons-nous la croissance si intéressante? Nous sommes conditionnés pour chercher cette croissance. Elle est intégrée au modèle économique qui sous-tend l'homo economicus, cet être postulé rationnel dont le comportement ne le montre pas. Ce modèle de croissance induit qu'une marée noire va générer de la croissance. Epouser sa femme de ménage diminue le PIB (sauf si on continue à la payer...). du modèle de croissance, il passe au consumérisme, qui est le pilier du modèle "croissantiste".

Il en arrive ensuite aux stratégies de déni. C'est un chapitre complexe, car il fait appel à des concepts tels la dissonance cognitive, ce sentiment de malaise qui envahit un individu à mesure qu'il se rend compte que ses certitudes sont contredites par les faits. Et de là, les individus vont commencer à s'enfoncer dans le déni de plus en plus irrationnel. Un peu comme les sectes millénaristes qui attendent une fin du monde qui n'arrive pas et continuent à "rationnaliser" le fait que la fin du monde n'arrive pas. Pour Clive Hamilton, nous faisons pareil avec les perturbations climatiques.

Au passage il taille un costard aux climato-sceptiques qui prônent l'adaptation. Pour Clive Hamilton, les changements se feront si rapidement que s'adapter relève du rêve d'Icare. Comment imaginer monter un mur de 2 mètres autour de la mer du Nord et de la mer Baltique en quelques années? C'est impossible. de là, Hamilton enchaîne sur le divorce avec la nature. On montre que les gens qui ont un rapport plus empathique, émotionnel avec la nature (qui s'y baladent régulièrement) ont une meilleure conscience des bouleversements et des gestes à poser pour endiguer les perturbations.

Il n'élude pas les climato-sceptiques. Pas mal de physiciens de premier plan en font encore partie. Les physiciens, d'après Hamilton, ne considèrent le problème que par parties et non comme un tout. le concept de biosphère leur est étranger. Or, il conditionne beaucoup de l'impact du réchauffement climatique. Il enchaîne ensuite sur les plans pour stocker le carbone, sur les énergies alternatives, sur la géo-ingénierie et ses dérives. Là, on se demande dans quel monde nous vivons... Injecter du dioxyde de soufre dans la stratosphère sous forme gazeuse pour former des aérosols de surface et modifier l'albédo de la terre, donc sa capacité à réfléchir les rayons du soleil, voilà le plan le plus abouti pour nous "sauver". En dehors de changements considérables dans notre univers, peut-être plus considérables encore que la montée des eaux, cette "solution" nous permettrait de ne pas modifier notre modèle "croissantiste" et notre appétence pour le consumérisme. On y revient toujours. C'est aussi oublier que des effets de rétroaction sont déjà à l'oeuvre et qu'ils continueront d'exercer leur impact peu importe les modifications de nos comportements.

Il dresse aussi un panorama assez réaliste des effets à attendre (mais son calendrier est un peu vague). Notre rapport à la science est également passé au crible. Il est toujours savoureux de considérer que les climato-sceptiques remettent en question la science tant qu'elle mesure et modélise le réchauffement climatique, mais ils y souscrivent à 100% quand il s'agit de contrer les effets du réchauffement climatique... qui est supposé ne pas exister...

Alors, ne faut-il donc rien faire? Clive Hamilton considère que nous devons passer par 3 phases: désespérer, accepter et agir. Ce n'est pas particulièrement clair dans le livre. A quelle phase en est-on? Peut-être même pas à la première phase. On ne voit pas énormément de signes de désespoir. Et encore moins d'acceptation.

L'auteur note au passage que les climato-sceptiques font souvent preuve de bulvérisme (expression tirée d'un roman de C.S. Lewis). On dénigre le messager, on tire sur l'intermédiaire, on fait des attaques ad hominem pour décrédibiliser le message. C'est une technique "éprouvée". Malheureusement, Hamilton lorgne aussi assez souvent de ce côté, cherchant à montrer à quel point les climato-sceptiques sont peu crédibles pour montrer que leur thèse ne tient pas. Il le fait à bon escient, le plus souvent. Par exemple en montrant que les lobbys climato-sceptiques actuels sont financés par EXXON et l'étaient par Philip Morris voici 30 ans pour soutenir la cigarette et montrer l'innocuité du tabac.

Clive Hamilton n'oublie pas, de temps à autres, qu'il est spécialiste des politiques publiques. Il met en garde contre les velléités d'agir seul pour certains gouvernements. La géo-ingénierie permettrait cela, car c'est une technologie bon marché et qui d'ores et déjà peut être mise en oeuvre par un bon nombre de pays dans le monde.

En passant, j'ai appris l'origine du Cri, de Munch. Ce tableau, dont on pense souvent qu'il dépeint la folie, trouverait son origine dans un coucher de soleil qui aurait touché Munch au-delà de l'indicible. C'est un tableau puissamment ancré dans la nature et le lien qui nous unit (encore) à elle.

Clive Hamilton écrit plutôt bien. C'est limpide. Peut-être un peu trop linéaire parfois, même s'il essaie de faire la part des choses. Je souscris toutefois tout à fait à son analyse.
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