Pas besoin d’être folle pour être libre.
Mona sourit, c'est peut-être elle qui a changé, elle a compris que tant qu'on n'est pas mort, il est vain de penser qu'on a raté sa vie.
Elle doit s’installer dans l’instant. Plus besoin de se projeter dans l’avenir ou le passé. Le présent est sa liberté.
Et si c’était une chance ? Se retirer du monde, sortir du cercle alors qu’on est encore vivante, que l’on peut encore faire un choix ? Et si c’était cela, vieillir ? Se dépouiller de la séduction vaine des hommes ? Peut-être était-ce une vraie bénédiction ? Abandonner la vanité avant qu’il ne soit trop tard, ne plus chercher à se lover dans les clichés, quitter le casino avant d’être ruinée ? Se consacrer à l’être, mépriser le paraître ?
Tout aurait été terminé, alors qu’elle y croyait toujours, à ce je-ne-sais-quoi qu’elle aimerait créer, qu’elle voudrait contempler, peut-être pour le jeter, peut-être pour l’admirer, ce fragment délicat qui n’était pas encore venu, malgré l’âge qu’elle avait.
C’est quand on manque qu’on veut créer.
C'est peut-être pour cela qu'il est parti. Pour arrêter cette escalade. Parce qu'il a pressenti qu'au bout il n'y a rien, que le plus haut sommet qu'on peut atteindre n'est qu'un fossé boueux où l'on est enfermé, que personne ne devrait passer sa vie à grimper sans avoir de but.
S'il y a rarement plus d'une façon de réussir, il y a souvent de nombreuses manières d'échouer.
Elle pourrait se reprendre en main. Se faire masser, coacher, ou dévorer des livres sur le bonheur facile. Elle ferait des programmes, du matin jusqu’au soir, elle écrirait des listes, boirait des fruits pressés et des jus de légumes, elle écrirait chaque soir une raison d’être heureuse.
Un échec, c’est comme une brûlure, une déchirure sectionnant un tissu, une blessure qui strierait la chair, une ride défigurant la peau. L’échec est signe que l’on est vieux. Car le jeune n’échoue pas, il apprend comment réussir. Le vieux n’apprend plus rien : le vieux ne recommencera pas.