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Critique de Eric75


Eric75
28 décembre 2012
Bénéficiant d'une nouvelle traduction intégrale, les oeuvres du pionnier du roman noir américain, chef de file de la « Hard-boiled School », inventeur du célèbre dur-à- cuire-à-chapeau-mou-gabardine-couleur-mastic (immortalisé à l'écran par Humphrey Bogart), j'ai nommé Dashiell Hammett, sont maintenant disponibles en poche chez folio policier, chouette alors.
Pour le présent roman, notre dur-à-cuire bogartien figure en bonne place sur la couverture dans une belle tonalité rouge, et la différence de traduction est visible jusque dans le titre : « La Moisson rouge » qui devient « Moisson rouge », n'évoque plus un reportage en milieu rural destiné à promouvoir les kolkhozes, mais bien une hécatombe sanglante chez les gangsters américains qui, eux aussi, avaient pris pour habitude de tout arroser à la sulfateuse.
Nous sommes à l'époque de la prohibition, l'Amérique règle ses comptes à coup de grèves réprimées dans le sang et de luttes entre syndicats, patronat, hommes de main, notables, truands, flics, bookmakers, bootleggers, trafiquants et escrocs de tout bord, que j'énumère dans le désordre car tout est ici interchangeable. En effet, personne ne semble être ni du bon ni du mauvais côté, sauf, peut-être, le narrateur (dont on ne connaitra jamais le nom), un détective privé travaillant pour la branche San Francisco de la Continental Detective Agency, et qui semble s'être donné pour objectif d'assainir le climat délétère de Personville, charmante bourgade gangrénée par la pègre, les flics ripoux et les politiciens véreux, malgré l'assassinat prématuré de son client (ils n'ont même pas eu le temps de se rencontrer !).
Notre privé à peine débarqué dans la ville se transforme en Monsieur Propre et entreprend le grand nettoyage des écuries d'Augias, par tous les moyens mis à sa disposition (et avec une roublardise parfois borderline). Sa capacité de manipulation, de persuasion et de compromission avec les truands de tout poil est sans limite, la fin justifiant les moyens est son seul crédo.
Les scènes de bagarres entre clans et de massacres style « Saint-Valentin » qui s'enchaînent sont heureusement adoucies par un début de romance qui semble s'esquisser entre notre détective hard-boiled et la seule femme de l'histoire, Dinah Brand, présentée comme une coupable, puis comme une victime, et le plus souvent comme une garce manipulatrice et avide. Parviendra-t-elle à faire transparaître chez notre détective quelques sentiments bienveillants (sans aller jusqu'à la tendresse ou la compassion, il ne faut rien exagérer) ? A moins que l'histoire ne rebondisse dans une direction inattendue…
Ce roman a bien entendu donné lieu à une adaptation hollywoodienne, mais, pour le coup, pas avec Humphrey Bogart, qui aurait pourtant été parfait pour le rôle, mais avec Jimmy Durante (Roadhouse Nights, 1930). On évitera ce dernier même par curiosité pour se plonger plutôt dans l'ambiance de Miller's Crossing (1990) des frères Coen, dont Moisson Rouge serait l'une des sources d'inspiration.
Pour conclure, Moisson Rouge donne à voir une image extrêmement brutale de l'Amérique des années 20, nécessairement datée, mais tout à fait éclairante sur les fondamentaux de la culture américaine qui ne cessent encore aujourd'hui de nous fasciner : le culte du dollar et de la violence (droit à l'auto-justice, règlements de compte, légitime défense), sous couvert d'une bien hypocrite moralisation des moeurs, qui trouva son paroxysme à l'époque de la prohibition.
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