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Critique de Zebra


Zebra
07 septembre 2013
Né en 1982 à Shanghai, fils d'éditeur, Han Han conquiert à dix-sept ans la jeunesse chinoise avec un premier roman puis il se distingue bientôt comme pilote automobile. En 2006, il crée un blog qui connait un succès phénoménal, avec plus de 400 millions de visites en cinq ans, malgré une censure très active. En 2010, Han Han publie, en chinois et chez un éditeur taïwanais, « Textes du n° 1 des blogueurs les plus influents du monde ». Édité en 2012, chez Gallimard et en français, sous le titre « Blogs de Chine », cet ouvrage de 400 pages est une sélection de textes parus entre 2006 et 2011 sur ce blog.

Chez Han Han, écrire est une passion et un mal nécessaire : l'écriture finance non seulement une partie de sa carrière de pilote, mais elle lui permet également de vivre décemment (Shanghai est une des villes les plus chères du monde). Impertinent, provocateur, polémiste, cynique, familier voire grossier, se dérobant souvent devant les questions indiscrètes, ne représentant que lui-même mais faisant toujours appel à la conscience citoyenne, Han Han dénonce dans « Blogs de Chine » les travers de la Chine d'aujourd'hui. Tout y passe, ou presque, avec 73 thématiques différentes !
Certains trouveront que Han Han en fait un peu trop et que -profitant de cet espace de discussion publique que représente son blog- il fait l'impossible pour créer le buzz, courant ainsi après la célébrité (on lui reprochera de tenter d'être un leader d'opinion auprès de la jeunesse de son pays). Han Han s'en défend : « La seule chose qui m'intéresse, c'est écrire ; [je suis] blogueur par accident ». Et puis, Han Han sait se protéger, soit en pratiquant l'autodérision (« mes propos sont avant-gardistes et extravagants »), soit en dosant l'acidité dont il saupoudre son texte (« sur la sexualité, je vais adopter une attitude correcte et demander conseil aux lecteurs, humblement »), soit en s'abritant derrière la sagesse populaire (« nous Chinois, nous avons des défauts : coller des étiquettes sur les gens –comme « ennemis du peuple »-, forcer les gens à s'excuser, créer l'illusion d'un opinion publique »), soit en tenant des propos délibérément machistes à l'attention de ses censeurs (« avec les putes, notre sport préféré c'est mettre dans le trou en un seul coup »), soit en utilisant la moquerie (« la corruption ? on dépense de l'argent et ça relance la consommation » ; « quand on a confiance dans le Gouvernement, un scooteur électrique peut rouler sans batterie et même sans roues »), soit en s'appropriant des slogans communistes (« les enfants, ce sont les bourgeons de la patrie »), soit pratiquant l'auto-accusation (« s'opposer c'est créer une atmosphère non harmonieuse » ; « critiquer, c'est une infraction à la morale, un manque d'éducation, un dommage infligé à la Nation » ; « si tu n'admires pas la Chine, tu l'offenses »), soit en s'autocensurant (en insérant dans son texte des [mots sensibles]), soit en prenant ses lecteurs à contre-pied (« je soutiens résolument les directives du Gouvernement »).

Fier des 5000 ans de culture chinoise, Han Han se pose en héros des temps modernes. Rebelle, mais conscient du fait que son éducation ne l'autorise pas à exprimer ce qu'il pense vraiment, Han Han sait qu'il lui faut « survivre dans cette société » impitoyable. Alors, avec la fougue et l'insolence de la jeunesse, à défaut d'utiliser un style élégant et de nous séduire par le charme de son oeuvre, Han Han – qui a arrêté ses études après le baccalauréat, qui n'est pas un intellectuel labellisé mais qui revendique indépendance et liberté d'esprit- tient des propos qui sonnent vrai. Parti de rien et devenu riche, Han Han incarne le rêve chinois, celui de l'accomplissement individuel. Mais, comme il le dit lui-même (page 355) « parler vrai, c'est une chose ; bien écrire, c'en est une autre ». Au final, son ouvrage est à réserver aux fans de la Chine contemporaine, sous condition que de longues « gesticulations verbales » ne les effraient pas !
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