Pourquoi j'ai dit ça ? Il repart dans un fou rire incontrôlable, et il m'est impossible de résister. J'en ai mal au ventre tellement je ris. Je finis par sortir mon livre de mon sac, je suis toujours dans Algernon. Je l'ouvre là où j'ai corné la page. Oui, je corne les pages de mes livres. J'ai besoin que mes romans vivent. Qu'ils gardent les marques de notre relation. Ces heures que nous passons ensemble laissent toujours des traces dans mon esprit, c'est ma façon de m'approprier l'objet.
C’est vraiment le genre de livre qu’il faut apprendre à connaître page après page, tu vois ? Je le savoure, parce que parfois, tu termines un roman trop rapidement tellement tu es impatient. Mais dès que tu l’as refermé, tu le poses et tu te sens vidé. Comme une énorme gueule de bois littéraire de laquelle tu as du mal à te remettre. Tu n’arrives même pas à lire autre chose parce que cette histoire qui t’a poussé à lire sans faire de pause jusqu’à son épilogue, elle est là, dans des tripes, elle ne te lâche pas. Tu y penses, des jours après l’avoir lue. Des fleurs pour Algernon fait partie de ces livres qui te marquent à vie. Je veux dire… je ne l’ai pas terminé parce que je me limite. Je lis un chapitre chaque matin, et pas plus. Mais je sais déjà qu’une pause sera nécessaire après, lorsque je l’aurai fini. Je vais devoir attendre, parce que n’importe quel autre roman qui passera ensuite ne sera pas apprécié à sa juste valeur. Lire un excellent livre après ce genre d’histoire, c’est du gâchis. Et c’est pour ça que je ne veux pas trop t’en parler. Je préfère te donner envie de l’acheter et le lire. De toute façon, tout ce que je pourrais en dire ne sera jamais à la hauteur de ce qu’il vaut réellement. Il y a des histoires, tu les vis, tu ne les racontes pas. »
De ses mains qui osent me toucher sans avoir peur de me briser un peu plus. De ce regard qui me donne l’illusion d’être quelqu’un qu’on peut aimer et avec qui on peut avoir envie de passer sa vie.
Elle n’en a aucune idée, mais elle est avec moi juste sous le ciel. Je veux plus avec elle, sans aucune logique. La rationalité n’a pas sa place dans la façon dont cette nana obsède mes pensées. Je comprends enfin ce que Dante m’a dit. Et je sais.
Je suis peut-être brisée, mais il ramasse un par un les morceaux de mon être et les maintient ensemble.
On ne sent jamais aussi vivant que lorsqu’on a conscience de pouvoir mourir à chaque seconde.
Un ami ? C’est ça, oui… Si lui et moi devons être quelque chose, j’ai la certitude que ce sera tout ou rien.
Je ferme les yeux et soupire. Le problème avec les fantasmes qu’on ne range pas de suite dans cette boîte à oublis, c’est qu’ils prennent rapidement de plus en plus de place dans nos pensées et qu’on commence à voir des signes partout.
Demain, j’ai rendez-vous avec un inconnu et je n’arrive pas à savoir si ça me rapproche de l’obscurité ou de la lumière.
"Elle n'en a aucune idée, mais elle est avec moi, juste sous le ciel. Je veux plus avec elle, sans aucune logique. La rationalité n'a pas sa place dans la façon dont cette nana obsède mes pensées."
Ses doigts s’entrelacent aux miens sans attendre, son besoin de moi égalant mon besoin de lui.