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Georges-Arthur Goldschmidt (Autre)
EAN : 9782070202812
176 pages
Gallimard (23/02/1982)
4.4/5   10 notes
Résumé :
« Ce livre inaugure une autre façon de regarder. La description des paysages — de l'Alaska au début, de New York ensuite — devient elle-même un "vécu" nouveau. Sorger, géologue, passe les dernières heures d'un long séjour dans le Grand Nord et entame le voyage de retour vers l'Europe. Or, la moindre sensation s'exorbite, tout ce qui l'environne prend une dimension nouvelle, la "sensation vraie", d'habitude fugitive, devient monumentale et universelle, ce voyage de r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'ai dû lire le lent retour deux fois. La première, j'en avais fait une lecture trop rapide. Mes yeux avaient glissé sur les mots, les phrases, des pages entières. Avant que je ne m'en rende compte, j'étais rendu à la fin mais je n'avais rien retenu. Ou presque. Que les vagues divagations d'un homme égaré. Pourtant, plusieurs phrases ici et là m'avaient interpelé, la plume de Peter Handke, me laissait une impression de trésor (bien) caché. Donc, j'ai pris sur moi de recommencer le bouquin du début.

Qu'est-ce que j'en ai tiré? Un homme, trois moments, trois lieux et beaucoup de réflexion. Solger est un type solitaire. On le rencontre d'abord dans le Grand Nord (l'Alaska), où il s'est retiré pour procéder à de vagues travaux sur les « espaces ». Géographiques? Intérieurs? Éventuellement, une lettre mise de côté puis ressortie le hante, le rappelle en Europe. Mais avant, un long arrêt sur la Côte Ouest, dans une de ces grandes villes, puis enfin ce retour longuement repoussé.

Pendant ces trois étapes, Solger regarde autour de lui. Je veux dire, il regarde vraiment. Il porte attention à tous les détails qui l'entourent. Les grands espaces nus (qui, en fait, ne le sont pas et cachent une multitude de choses), la nature. « Parfois embrassant le paysage du regard il lui semblait être un explorateur de la paix. » (p. 97). Une journée, dans le soleil de l'après-midi, il s'assoit en un endroit surélevé « pour dessiner un profil du paysage. » (p. 98). C'est joli, comme expression. D'autres fois, il admire le paysage à en oublier de le prendre en photo. Cela, jusqu'à ce qu'une lettre ramène au présent (et, par le fait même, à son passé), au monde des humains.

En effet, le monde qui entoure Solger, c'est aussi le bourdonnement et la luminosité des villes, le flot du va-et-vient des gens qui vaquent à leurs occupations comme des fourmis (mes mots, pas ceux de l'auteur), etc. C'est ce qu'on peut percevoir quand on est sensible à tout ce qui touche les sens. Quand on est disposé à percevoir, à s'acclimater puis, surtout, à prendre des chances. Tout porte Solger à se rappeler (parfois, des souvenirs enfouis au plus profond de lui-même), à réfléchir, à (re)trouver son identité, sa paix intérieure. Il est partagé entre la contemplation de son environnement et l'introspection et cela l'amène à philosopher sur la vie et sa place dans ce monde. « Il se trouvait qu'il était en lui et le miroir, le néant et la gravité se frôlèrent. » (p. 167). Chose que, peut-être, nous devrions faire davantage.
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Peter Handke signe ici une oeuvre inclassable, d'une grande originalité. Roman sans histoire où nous suivons le protagoniste qui découvre peu à peu la relation qu'il entretient avec le monde et avec lui-même à travers une perception aiguë de l'espace. Dans le première partie intitulée Les formes des temps premiers, Sorger, dont on comprend en terme vague qu'il s'occupe de géologie, est affecté en Alaska où il fait l'expérience des grands espaces naturels au sein desquels il se perd et se retrouve, se projette et s'harmonise.
Son travail une fois terminé, il amorce le lent retour vers la civilisation. La seconde partie, Interdiction d'espace, raconte cette acclimatation, ce profond désarroi auquel il devra faire face. Son insertion est graduelle; il passe par la côte ouest américaine pour transiter ensuite par New York avant de rejoindre sa patrie en Europe. Il vivra un rétrécissement spatial où il se fracassera jusqu'à en perdre la possibilité de communiquer avec les autres, voire avec lui-même, le langage étant étouffé sous les multiples cloisons de la ville et de la civilité. Il redécouvre peu à peu les interstices par lesquels la vie s'infiltre, s'élargit et respire d'un autre souffle, là où précisément l'air semble manquer.
Dans la dernière partie du roman, La loi, Sorger reconstitue son identité par l'expérience particulière qu'il entretient avec l'histoire, l'architecture, la vie urbaine, les traits d'un visage qui l'interpelle, la paix du présent qui l'englobe. Et l'ouverture qu'offre la possibilité de raconter.
Roman de la présence, présence à soi-même, toujours changeante, présence à l'autre, inaccessible dans son irréductibilité, présence au monde et au vertige qu'il provoque. Un livre vaste, profond et ouvert. Du grand Peter Handke.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Une fois encore il fit l’expérience de lui-même redevenu simple «récepteur» comme lorsqu’il avait remarqué, recueilli en lui, les motifs polygonaux de la boue sur la rive du fleuve; or cette fois il ne concentrait plus ses forces mais il était tout au contraire capable de les dépenser jusqu’à la dernière, jusqu’à ce que la simple faculté d’admettre celui qu’on avait en face de soi (et jusqu’ici cela avait demandé de la sympathie et s’était limité à quelques cas isolés) devînt une force unanime et nouvelle : c’était sa seule force maintenant et qui lui suffisait.
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Chaque phrase par laquelle il s’adresserait aux autres, écartant par là la menace du simple besoin de parler, l’aiderait à se raccommoder avec l’humanité pour peu qu’il se sentît responsable de chaque mot. […] Se libérant ainsi grâce à ce qu’il disait il songea : «Tout ce que j’ai pensé par-devers moi n’est rien : je suis seulement ce que je suis parvenu à vous dire.»
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Sorger n’était plus le simple spectateur des événements d’un autre visage; sa vie personnelle limitée se trouvait emportée, intégrée dans les traits du visage même de l’humanité et elle y continuait irrévocable dans l’Ouvert même de ce visage.
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Videos de Peter Handke (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Peter Handke
Découvrez l'entretien de Peter Handke, prix Nobel de littérature 2019, consacré au volume Quarto, "Les Cabanes du narrateur. Oeuvres choisies".
Depuis cinquante ans, Peter Handke bâtit une « oeuvre influente qui explore les périphéries et la spécificité de l'expérience humaine ». Embrassant toutes les formes de la littérature, elle présente comme constante une fidélité à ce qu'il est, c'est-à-dire un homme de lettres, un promeneur dont la création ne peut prendre forme que grâce à la distance propice, paradoxalement, à une plongée dans l'intériorité des personnages, à la description imagée et vivante de la nature, à l'attention au quotidien. Pierre angulaire du patrimoine littéraire d'Europe centrale, servie par un style tranchant et unique, cette écriture se définit par le besoin de raconter — faux départs, difficiles retours, voyages, etc. — la recherche d'une propre histoire, de la propre biographie de l'auteur qui se fond dans ses livres : « Longtemps, la littérature a été pour moi le moyen, si ce n'est d'y voir clair en moi, d'y voir tout de même plus clair. Elle m'a aidé à reconnaître que j'étais là, que j'étais au monde. » Cette édition Quarto propose au lecteur de suivre le cheminement de l'écrivain à travers un choix qui comprend des récits qui l'ont porté sur le devant de la scène littéraire dans les années 1970-1980 comme d'autres textes, plus contemporains, imprégnés des paysages d'Île-de-France, et reflets de son écriture aujourd'hui. Et, le temps d'une lecture, de trouver refuge dans l'une de ses cabanes.
En savoir plus sur l'ouvrage : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/Les-Cabanes-du-narrateur
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