AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de candlemas


A la suite de mon amie Souri7, et en retard sur mon engagement masse critique de le commenter sous un mois, je m'essaie à mon tour au commentaire de la Terre est ma Demeure.

Merci tout d'abord à Babelio et aux éditions Thélème pour l'envoi de ce CD MP3 audio de 5 h.

J'ai su tout de suite en le recevant que ce choix de lecture -ou d'écoute plutôt- allait remettre en question mes habitudes. Pour une première fois, allais je adhérer au support audio, privé du contact papier sous mes doigts et du fractionnement maîtrisé, contrôlé, de tourner la page quand bon me semble ?

Et effectivement, durant les deux premières heures d'écoute, je ne me suis pas senti à l'aise. Thich Nhat Hanh, lu sur ce CD par Guillaume Costanza avec une grande neutralité de ton, livre des fragments de sa vie, évoque la guerre du vietnam, son engagement pour la paix, son exil, son installation au village des pruniers, d'une manière simple et dépouillée.

Durant cette première heure d'écoute, mon esprit rationnel était sur un mode critique : je me voyais déjà écrire sur Babelio : "intéressant mais pas transcendant : au travers de son expérience personnelle, Thich Nhat Hanh délivre des enseignements bouddhistes de base sur l'éveil de la compassion et de l'équanimité, grâce aux différentes techniques de la méditation assise, debout ou marchée." Je me voyais déjà comparant ses mérites à ceux du Loh Djong de Shamar Rimpoché, lu juste avant, et distribuer les bons points... insensé !!

Heureusement, la chaleur de l'été était là pour me ramener à un peu plus de modestie. Bercé par la litanie de la voix de Guillaume Costanza, je me suis endormi...

Je me suis endormi et, dans une douce torpeur, je commençai à visualiser comme dans un rêve petit père-moine faisant la vaisselle, ratissant les feuilles, préparant le thé au lotus, plantant les pins parasols, ou simplement fermant une porte en pleine conscience. Je riais silencieusement avec lui de ses maladresses, lorsqu'il aborde un G.I. ou plante des milliers de pruniers sans rien connaître à l'arboriculture ; je me souvenais avec lui de sa jeunesse engagée, de ses coups de force pour sauver les boat people, et de ses rencontres avec le Président Indien ou Martin Luther King. J'ETAIS Thich Nhat Hanh.

Cette dernière affirmation peut paraître osée, mais en écoutant Thich Nhat Hanh on comprend que ce JE n'a plus à voir avec l'ego : JE entre en relation avec chaque être, et donc pourquoi pas avec un grand maître. Ce maître n'enseigne pas par des mots mais il nous invite à marcher avec lui. Sa simplicité même, et son témoignage en action, permettent à chacun -quel privilège !- d'entrer en résonance avec lui comme il le fait de son côté avec le criminel, la victime, l'étranger.

C'est donc dans un état quasi comateux que les 3 h d'écoute suivantes me furent délivrées. Je pensais dormir... je méditais. Sans effort, inconscient... ainsi, ma raison débranchée, je me trouvai connecté aux simples messages audio, débarrassé du filtre analytique, ouvert à l'expérience d'un chant d'oiseau ou d'un coucher de soleil, en pleine conscience.

Comme l'explique Thich Nhat Hanh, et bien que cela nous rapproche du bouddha un instant, il n'y a rien de magique à entrer en pleine conscience. Il y a juste à lâcher prise, et cela se fait parfois sans effort. J'avais lâché prise, comme le pèlerin marcheur, ayant épuisé sur le chemin son sac à dos de pensées et de fausses raisons, comme mes chers parents faisant chaque jour leur vaisselle à la main, jouissant secrètement de ce moment de bonheur à deux, tandis que leurs enfants, aveugles, les enjoignent d'acquérir un lave-vaisselle.

Je me réveillais de temps à autres, captant quelques mots, quelques phrases, et sombrais de nouveau. Il me semblait que les morceaux de vie contées par la voix de Guillaume Costanza s'évanouissaient en "un bouquet de fines herbes" grillé par la canicule... qu'allais je bien pouvoir écrire en commentaire de ce livre audio gracieusement offert ?

Quelques heures plus tard, j'ai ouvert les yeux, me suis étiré, et j'ai senti dans la voix du comédien que l'épilogue était proche. Thich Nhat Hanh interrogeait l'auditeur sur la notion de "chez-soi" : où se trouve votre chez-soi, votre demeure , votre refuge ? Bien sûr, sans être expatrié comme lui, mais ayant déménagé une quinzaine de fois dans ma vie, ayant même réussi l'an dernier à disperser une partie de ma chère bibliothèque à la rencontre d'autres lecteurs, je savais que ce "chez-soi" n'est pas un lieu physique. Les hypnothérapeutes ericksoniens les savent aussi, qui invitent leur patient à prendre refuge dans leur jardin intérieur.

Ce "chez-soi" est un en soi précieux, nécessairement ouvert sur les autres aussi. Et c'est sans doute pourquoi Thich Nhat Hanh n'est pas, comme beaucoup de maîtres bouddhistes, un simple moine contemplatif, il est dans l'action terrestre, ici et maintenant.

Il nous raconte sa vie terrestre, et non ses expériences méditatives, parce que ces dernières ne se transmettent pas mais relèvent du chemin intérieur de chacun, alors que le son de la cloche, la marche ou le repas d'enfant serré dans les feuilles de bananier, eux, peuvent se partager. Et aussi parce que la Terre -il faut donc garder nos pieds en contact avec la glaise, comme le lotus- , et notre Vie -en action-, sont notre demeure.

Au terme de l'écoute, je me suis levé, un formidable sentiment de bien-être et de force dans le coeur, et je suis parti marcher...

Ce matin, je me suis assis. J'ai ouvert le boîtier du cd, et passé en revue l'index pour vérifier combien d'heures d'écoute j'avais manqué durant mon sommeil... stupeur... chaque mot, chaque phrase, m'avait imprégné comme un papier buvard, et ce commentaire a coulé comme la rivière après une pluie d'été. Quand le papier buvard sera sec, je réécouterai Thich Nhat Hanh.

En attendant, je suis heureux de partager ici cette expérience. Conscient que mes images ne sont qu'un plagiat grotesque du récit du maître, j'espère néanmoins témoigner ainsi de la grâce simple qui se dégage de cette écoute. Ce n'est pas de la littérature, ce n'est pas une autobiographie habile et structurée, ce n'est pas un enseignement religieux ou philosophique approfondi ; c'est juste basique... et fondamental... tout juste bon à écouter en dormant...
Commenter  J’apprécie          365



Ont apprécié cette critique (32)voir plus




{* *}