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Critique de LucianaMortisol


Trois récits, avant, pendant et après, avant, pendant et après l'acte qui signe pour toujours le malheur des gens d'Hiroshima et le malheur de l'humanité qui a osé passer la limite interdite...
Tamiki Hara écrit en témoin, témoin direct puisque lorsque l'innommable s'est produit il était revenu dans sa ville, s'y retrouver lui-même pour surmonter le deuil de sa femme, et se recueillir sur sa tombe un an après sa mort. Comment exprimer l'innommable ? Tamiki Hara a su faire le choix qui nous permet de le suivre, nous qui ne savons rien de l'horreur par eux vécus : "tu n'as rien vu à Hiroshima. Rien.", dit l'amant japonais dans le texte de Margerite Duras. Il a choisi de nous donner son témoignage sans pathos, sans développer les sentiments, qui se déduisent et se ressentent derrière une description qui dit ce qui est mais reste presque muette sur ce qui peut être ressenti par lui et par les victimes. Il s'agit d'ailleurs d'un comportement de dignité japonaise que l'on a encore pu observer après Fukushima...
Le caractère autobiographique est évidemment parfaitement réel, mais n'est pas mis en avant par l'auteur. Il est témoin sans se mettre explicitement en scène, le "je" des deuxième et troisième récits fait suite à un premier récit à la troisième personne qui fait du témoin principal un personnage et non pas le porte-parole direct de l'auteur. Alors pourquoi au juste ce passage de la troisième à la première personne ? L'impression que cela me donne, c'est de commencer comme un roman, un roman qui va raconter l'histoire d'une famille, et que soudain le roman n'est plus possible, il n'y a plus d'histoire à raconter, plus personne n'a d'histoire, on ne peut plus dire que ce qu'on voit, de façon d'ailleurs un peu décousue : découverte, au fil de la marche du témoin, de l'étendue de l'horreur.
Le premier récit décrit Hiroshima en guerre, à la fin de la guerre. Une ville japonaise sous les bombardements. On y découvre par exemple l'embrigadement des collégiens et des lycéens puisqu'on manque de bras : "une soixantaine de lycéennes devaient venir à l'atelier de couture de la fabrique Mori. Seiji faisait du zèle pour préparer la cérémonie d'accueil des mobilisées" ; "quant à ses deux neveux collégiens, qui étaient mobilisés et qui allaient travailler chez Mitsubishi, ils avaient l'air sombre et gardaient étrangement le silence". Les allusions sont discrètes, mais fréquentes, à la stupidité de cet acharnement à poursuivre la guerre... Voir par exemple ce qui est dit d'un policier chargé d'une conférence auprès des directeurs des usines : ""La guerre est virulente et les bombardements vont en s'intensifiant. Mais malgré tous les dangers, si on dispose d'une défense inébranlable, il n'y a plus à avoir peur"(...). En l'entendant parler sans la moindre peur (...), Shôzô se dit que c'était un homme peu commun. Mais il n'y avait aucun doute : on trouvait alors au Japon autant qu'on le voulait de braves robots comme celui-ci".

Je me suis permis de parler en détail de ce qui est dit dans le premier récit. Mais la suite, je ne peux pas en parler, je ne sais pas en parler. Je vous engage à aller voir comment nous parle celui qui a vu. Il faut lire ce texte, de nos jours plus que jamais, puisque l'humanité n'a toujours pas compris qu'elle avait joué à l'apprenti sorcier en s'emparant de cette énergie, qu'elle soit militaire ou civile...
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