Les sujets et propos abordés par ce livre :
A partir des interprétations de découvertes archéologiques désormais aussi assises sur l'analyse de restes d'ADN, l'auteur décrit comment l' "homo sapiens" est apparu.
Il rappelle que l' "homo sapiens" qui serait apparu il y a environ 300 000 ans a vécu en même temps que d'autres lignées humaines : "homo soloensis" (disparu il y a 50 000 ans environ), "homo denisova" (disparu il y a 40 000 ans environ), et l'homme de Néandertal (disparu il y a environ 30 000 ans, dont nous partageons quelques gènes attestant de croisements). Pourquoi l' "homo sapiens" est-il le seul à avoir survécu ? L'hypothèse génocidaire reste la plus probable. Nous avons d'ailleurs conservé cette habitude de massacrer les autres, entre nous mais souvent sous couvert de "différences", de couleur, de race, de culture, de religion, … (en réalité presque toujours par convoitise).
L'auteur s'interroge aussi sur ce qui caractérise l'Homme. Il ne s'agit pas de l'agriculture ni l'élevage (des fourmis les pratiquent aussi), ni de l'usage d'outils (les chimpanzés en fabriquent et en utilisent aussi).
L'usage du feu (qui serait devenu quotidien il y a environ 300 000 ans) et celui de la monnaie sont propres à l'homme. le premier a notamment permis : la cuisson d'aliments (éliminant des parasites et/ou facilitant la digestibilité de certains d'entre eux et par suite une meilleure alimentation du cerveau), de dégager des espaces plus propices à la chasse, de durcir des pointes d'armes, d'éloigner des prédateurs, et de rassembler des communautés autour de lui pour raconter des histoires (y compris imaginaires…).
Selon l'auteur c'est principalement la capacité de l' "homo sapiens" à créer des mythes qui le caractérise, permettant notamment des collaborations élargies entre des membres partageant une même vision (fictive) du monde. de fait un billet de banque, fut-il vert, n'a pas de valeur intrinsèque, n'en acquérant que par celle que chacun lui confère. Et les religions ou les idéologies - à l'instar du feu - rassemblent des communautés autour d'elles - mais contre les autres le plus souvent….
L'auteur assimile certaines idéologies à des religions (le nazisme, et le communiste soviétique).
Il analyse les moteurs du progrès technique et des révolutions cognitive, industrielle, et agricole.
Il présente aussi ses réflexions sur les impérialismes et sur le capitalisme.
Sa brève explication simplifiée des mécanismes du crédit et de la création monétaire est claire. L'effondrement en 1720, du système financier institué par John Law, censé financer le développement des activités de la Compagnie du Mississipi, illustre les risques encourus par un système qui repose sur la seule confiance en un développement économique futur. Les propos d'Hariri permettent de mieux comprendre les difficultés de nos économies à s'adapter aux enjeux environnementaux et climatiques actuels. le crédit - qui repose sur la confiance en l'avenir et donc sur la croissance - agit en effet comme un dopant dont nos économies ne savent pas se passer. de nombreux écologistes nous expliquent depuis des années que les pays développés occidentaux doivent changer de logiciel dans la définition et la mise en oeuvre de leurs politiques économique. Un tel changement n'implique-t-il pas aussi un changement de l'ordinateur associé ?
"Bipède à station verticale", chanson de Thiéfaine (notamment la version de l'excellent album live "Route 88") résume le début de ce livre (de manière très simplifiée…) :
« Quinze milliards d'années sont passées / depuis cette affaire de big-bang / Vieux singe au coeur fossilisé / j'ai des rhumatismes à ma gangue / Avec mon parachute en torche / et ma gueule de Caterpilar / paraît que je viens d'une catastrophe / et les dieux sont pas très bavards // Refrain : Bipède à station verticale / Toujours faut se tenir debout / Bipède à station verticale / Parfois, parfois / j'ai la nostalgie de la gadoue // Malgré le computeur central / qui veille sur la zoo-clinique / j'suis l'animal bluesymental / aux vieux relents d'amour gothique / j'tombe amoureux des éprouvettes / avec lesquelles je dois flirter / pour l'usine de stupre en paillettes / qui garantit mon pedigree // Refrain // La nuit je fouille les no man's lands / comme un hibou décérébré / cherchant le message d'un Atlante / ou la formule d'un initié / câblé sur X moins zéro / à l'heure des infos galactiques / je mets mon badge ecce homo / et j'suis fier d'être un con cosmique // Refrain. »…
Désolé pour ceux qui auront désormais leurs pensées de la journée "polluées" par l'air de cette chanson…
Mon avis sur cet ouvrage :
L'auteur présente parfois les choses de manière volontairement provocatrice, par exemple lorsqu'il souligne les effets moteurs des impérialismes sur le progrès.
Son exposé - peu étayé - des effets négatifs de l'invention de l'agriculture et de l'élevage sur la qualité de vie et de l'alimentation des "homo sapiens" de l'époque m'a paru relever d'appréciation subjectives voir philosophiques de l'auteur, qui semble ainsi vouloir recycler le mythe du "bon sauvage" de
Jean-Jacques Rousseau ("Chaque invention nouvelle nous éloigne un peu plus du jardin d'Eden" – page 443). Cela n'empêche pas Harari d'exprimer son admiration pour les progrès de la connaissance.
Il se contredit parfois. Ainsi, quand il énonce que l'Histoire ne suit pas de schéma prédéterminé, puis expose que les sociétés tendant inéluctablement à s'unifier ("Nous assistons à la formation d'un empire mondial." – page 438).
Harari considère que l'historien doit s'interroger sur la notion de bonheur dans l'histoire. Pourquoi pas ? - comme dirait le Commandant Charcot - mais le chapitre consacré à cette notion relève selon moi plus de la réflexion philosophique que du champ historique. Toutes ces pages pour démontrer le bien-fondé de l'adage populaire selon lequel "l'argent ne fait pas le bonheur" ! Je me serais volontiers passé de ce chapitre, dont la présence n'ôte rien à la qualité du reste de l'ouvrage.
Ce livre est en effet à la fois instructif et très agréable à lire.
La mise en question de nos grilles d'analyse - qui reposent sur des valeurs non universelles issues de notre propre histoire (individuelle, et des sociétés dans lesquelles nous évoluons) - est un exercice salutaire.
Les explications souvent claires nous amènent à réfléchir sur le passé et sur l'avenir de l'humanité, avec la nature humaine en toile de fond...
Je vous recommande vivement cette lecture.