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Critiques filtrées sur 1 étoiles  
Après de nombreuses années à consulter Babelio sans m'y inscrire, je viens de passer le cap cette semaine. Naturellement, Babelio m'invite à poster des critiques et commentaires sur mes lectures.

Je suis d'un naturel optimiste. L'idée que ma première critique sur ce site soit une critique négative me dérange.

Je ne souhaite pas passer pour une une acharnée, une émotionnelle qui déchaîne les critiques négatives sur internet sous le couvert de l'anonymat.

Mais quand Babelio m'a proposé pour la 20ème fois de poster un premier avis… J'ai craqué. Dès la première invitation de Babelio, le premier ouvrage auquel j'ai pensé était celui-ci, “Sapiens, la naissance de l'humanité” de Yuval Noah Harari.

Et pas pour en dire du bien.

Au contraire, plutôt pour alerter un lecteur non averti.

Dès les premières pages de l'ouvrage, quelque chose m'a dérangé, sans parvenir à mettre le doigt dessus. Je suis archéologue, j'ai deux masters dans le domaine. Mais ça ne m'empêche nullement d'adorer lire des ouvrages de vulgarisation sur le domaine. L'art de la vulgarisation (et de rendre le savoir intéressant et amusant à lire) est un art qui me passionne et m'intéresse beaucoup. Sans oublier qu'on apprend toujours quelque chose dans un ouvrage de vulgarisation.

Mais ici, sans savoir pourquoi…quelque chose m'ennuyait. J'ai donc cherché sur internet qui était ce bonhomme (oui, j'ai tendance à acheter des oeuvres sans trop me renseigner dessus, ça évite les préjugés).

Première constatation : l'auteur n'est pas du domaine. Alors qu'on s'entende : je n'ai absolument rien contre l'idée qu'une amateur éclairé écrive de la vulgarisation sur un domaine où il n'est pas spécialiste. Il existe beaucoup de merveilles de vulgarisation écrites par des amateurs (celle m'ayant le plus marqué étant Logicomix, quoiqu'il s'agisse d'une lecture assez ardue je le reconnais). Quoi de mieux qu'un non spécialiste pour parler à des non spécialistes. le problème, c'est quand on se dit spécialiste -et que l'on réclame donc la confiance du public qui va avec- sans l'être.

Car oui, historien et archéologue, ça n'a rien à voir. Pour ceux qui pensent que je coupe les cheveux en quatre, avant de vous en offusquez, laissez-moi développer mon propos :

Les deux s'intéressent à l'Histoire. C'est certain. Mais nous avons deux manières drastiquement différentes de travailler : les historiens s'appuient sur les textes du passé et les archéologues s'appuient sur les traces matérielles. Cela peut sembler un détail aux yeux de certains, mais en pratique, c'est un monde de différence. Ils étudient les mots, les formulations de phrases, les échanges épistolaires, les médias, les écritures, l'évolution des termes…Ainsi, les historiens cherchent à comprendre les comportement humains à travers les mots et leurs formes. Les archéologues de leurs côtés étudient les morceaux de terres cuites, la forme des cailloux, les traces de pieux en bois, le nombre d'épices dans un pot funéraire…Les archéologues cherchent comprendre les comportements humains à travers leurs traces matérielles.

Ceci bien en tête, petit rappel de base : la Préhistoire est une période…qui se définit par l'absence de texte. En vulgarisant, toute civilisation n'ayant pas l'outil “écriture” est dite appartenir à l'époque "préhistorique" et toute civilisation ayant une forme d'écriture est dite “historique”. On peut ainsi avoir des civilisations contemporaines mais appartenant à des époques différentes : les celtes sont étudiés en préhistoire, les romains en histoire.

Certains me diront : “Oui et ? Il s'agit d'une différence arbitraire, simplement.” Oui et non. Alors que l'Histoire peut être étudiée par l'historien et l'archéologue (qui se complète, l'un étudiant les textes pendant que l'autre étudie les traces matérielles comme les bâtiments, les tableaux, les peintures….) la Préhistoire reste le domaine de l'archéologue. Nous n'avons pas les mêmes outils d'analyse, pas les mêmes formations, pas le même travail de recherche possible. C'est vraiment comme comparer des pommes et des poires.

Au passage, notons que l'auteur lui-même est flou et confus dans ce qu'il entend par “Histoire”. Il prend la définition qui l'arrange, quand cela l'arrange. Et donc il se trompe, dès la première page, avant même le début de l'histoire, dans le “repère chronologiques” : il y place le début de l'Histoire en - 70 000.

En bref, se présenter comme un prof d'Unif spécialiste de Préhistoire tout en étant Historien…C'est un peu un oxymore.

Et ça se ressent. Énormément. On dirait un enfant qui a pris toutes les idées reçues sur la préhistoire, qui a secoué la boîte, puis qui a tout déversé comme ça, en agençant les pièces plicploc un peu comme cela l'arrangeait. Il tord la vérité, arrive vite à des conclusions hasardeuses, présente des théories personnelles comme étant des théories approuvées par le corps scientifique, s'enfonce dans de la philosophie de bar hautement hasardeuse et dangereuse…tout en laissant sous-entendre qu'il s'agit juste d'un ouvrage de vulgarisation de la préhistoire.

Or, c'est FAUX. Ce n'est pas de la vulgarisation scientifique. C'est un ESSAI. Un essai réalisé par un amateur dans un domaine qu'il ne maîtrise pas.

J'insiste sur le fait que je n'ai rien contre un essai. Je n'ai rien contre un travail de vulgarisation. Je n'ai rien contre un écrit d'un non professionnel. Même s'il est inexacte. C'est toujours intéressant d'avoir d'autres points de vue. C'est le propre de l'essai

Par contre, quelque chose qui relève de l'essai littéraire et qui se vend comme étant de la science vulgarisée me dérange énormément. D'un point de vue moral, éthique et scientifique.

En cherchant un peu sur la toile, j'ai fini par trouver un article très bien fait, développant en détail ce qu'il y a d'approximatif et de dangereux dans cet ouvrage. Plutôt que de vous résumer son contenu, et de risquer une mauvaise retranscription de ses idées, je vous invite plus que vivement à le lire, c'est très instructif :

https://anthropogoniques.com/2020/05/09/yuval-noah-harari-sapiens-lecture-critique-1-une-revolution-culturelle/

L'auteur résume brillamment le malaise qui m'a habité, du début à la fin. Enfin, si vous n'avez ni l'envie ni le courage de lire ce très bel article mais que vous souhaitez tout de même avoir quelques exemples d'élément qui dérange…

Je ne prendrais qu'un seul exemple : la révolution cognitive. Yuval Noah Harari nous présente cela comme étant LE tournant de la Préhistoire, LE truc à retenir. Une sorte de révolution intellectuelle, cultuelle et culturelle, sur tous les plans, transformant brusquement la bête en homme, vers -70 000 ans. Alors, remettons un peu les pendules à l'heure :

Rien ne se déroule jamais ainsi, du jour au lendemain. Et certainement pas en Préhistoire. Cela prend des milliers d'années, des dizaines de milliers d'années, des centaines de milliers d'années, voire beaucoup plus. Toujours. L'Homme ne se lève pas brusquement un matin en se disant "tiens, aujourd'hui, je vais créer le concept d'imaginaire”. C'est absurde ;
Considérer l'Homme d'avant - 70 000 comme à la limite une bête indigne d'être qualifiée d'homme car incapable d'imaginer…C'est au mieux très limite comme propos, au pire assez nauséabond ;
Il ne source jamais cette affirmation et pour cause : cette notion de “révolution cognitive” est une invention pure et dure de sa part. À nouveau, il ne s'agit donc pas de vulgarisation scientifique. Uniquement d'un essai ;
- 70 000…Pourquoi ? Comment ? Pourquoi avoir fixé cette date ? Que se passe-t-il en -70 000 pour que l'homme se décide brusquement à faire une révolution? Il n'explique jamais le pourquoi de cette date, sur quelle base scientifique cette date peut être avancée. En résumé : quel vestige archéologique lui permet d'affirmer l'existence d'une révolution cognitive à cette période ? Je cherche toujours la réponse.

Ajoutons enfin que, bien souvent, il tombe dans dans une erreur impardonnable pour un scientifique, quel que soit le domaine : “Absence de preuve” n'égale pas “Preuve d'absence”. En d'autre mot, ce n'est pas parce que nous n'avons jamais trouvé de chat fossilisé en laisse que l'homme préhistorique ne l'a jamais fait. Or, Yuval Noah Harari se sert régulièrement de cet argument pour justifier telle ou telle conclusion : “Si ceci n'a jamais été trouvé, c'est que cela n'a jamais existé”.

Bref, méfiez-vous.

Cette bd est intéressante à lire. Elle pose pas mal de questions intéressantes sur les notions d'homme et d'humanité. Mais contrairement à ce qu'elle laisse sous-entendre, il ne s'agit pas de vulgarisation, mais d'un essai, qu'il convient donc de prendre avec les précautions qui s'imposent. Et certainement pas de le voir comme un cours accéléré de Préhistoire sous un format ludique.
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Voila un ouvrage douteux sur le fond (la "révolution cognitive"...? Apparemment c'est de lui...) et douteux sur la forme (pourquoi Harari se met-il en scène comme ça...? C'est vite insupportable)
J'avais initialement pensé lire ses autres livres, je m'abstiendrai, je ne suis pas du tout convaincue.
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