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EAN : 9782330154707
144 pages
Actes Sud (18/08/2021)
3.79/5   85 notes
Résumé :
Kaoutar Harchi mène dans ce livre une enquête autobiographique pour saisir, retranscrire au plus près cet état d'éveil, de peur et d 'excitation provoqué, dit-elle, " par la découverte que nous - jeunes filles et jeunes garçons identifiés comme musulmans, que nous le soyons ou pas d'ailleurs - étions perçus à l'aube des années 2000 par un ensemble d'hommes et de femmes comme un problème."
Un livre où l'amour filial et l'éveil de la conscience politique s'ent... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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L'auteure prend un risque en livrant une part d'elle-même, de son enfance, son adolescence, ses souvenirs. Une manière d'exorciser ses démons, pour ainsi se libérer de la souffrance face au racisme qu'elle a vécu. Une blessure qu'elle avait gardée en elle depuis plusieurs années.
Comme nous existons n'est pas un simple roman, Kaoutar Harchi,, à travers ce récit intimiste, se livre à plusieurs confidences sur son statut de fille d'immigrés en évoquant ses parents et les espoirs d'ascension sociale qu'ils nourrissent pour elle et à travers elle.
Elle retrace ses années d'apprentissage, confrontée à la violence verbale, à la recherche d'une place dans ce monde qui lui permette d'être elle-même, sans toujours être confrontée à son statut de fille d'immigrés. Tout en usant de belles phrases, pour évoquer ses parents, sa mère notamment, avec beaucoup d'amour, de respect, de pudeur, en continuelle recherche de l'approbation parental, en égrenant des souvenirs, qui mettent en lumière les blessures, les peines enfouies. 
Un passage du livre est particulièrement émouvant, et reflète parfaitement le mal-être ressenti par l'auteure, mais surtout la vulnérabilité de l'enfance. 
C'est au collège (catholique), qu'elle découvre de belles jeunes filles blondes, gracieuses, aux yeux bleus. En expliquant qu'elle ne s'est jamais sentie aussi laide et gauche. Les moqueries et les méchancetés de ces filles ramèneront l'auteure à ses origines maghrébines. Une violence qui laissera des traces, des morsures et dont elle ne comprendra toute la profondeur que des années plus tard.
Sa découverte de la sociologie lui ouvrira la voie des possibles et lui permettra non pas de s'affranchir de l'immigration, mais de comprendre l'impact qu'elle a eu sur elle, sur ses parents et les immigrés d'une manière générale.
C'est à travers l'écriture, que Kaoutar Harchi, devient la porte-parole des enfants de l'immigration post coloniale, mais surtout, c'est à travers elle que sa parole devient politique, largement revendiquée par certains passages et propos notamment sur la conscience des immigrés d'être dominés, d'accepter cette domination, pour permettre à leurs enfants de s'élever.
C'est une plongée dans les méandres de la vie de Kaoutar Harchi où sa plume devient l'étendard bouleversant, des immigrés issus du colonialisme face au racisme endémique de notre société, par laquelle elle évoque, les révoltes des banlieues de 2005, de son passage à l'âge adulte et de son éveil à la politique… Mais surtout, tout l'amour qu'elle porte à ses parents.
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Merci à Babelio et à Actes Sud pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse Critique.
Comme nous existons est un récit autobiographique qui retrace le cheminement intellectuel et politique de l'auteure Kaoutar Harchi.
Celle-ci est née en 1987 dans l'Est de la France. Elle est une enfant de l'immigration.
Ses parents Hania et Mohamed, Marocain, sont venus s'installer dans la ville de S dans l'Est de la France.
Par ce récit, Kaoutar Harchi nous plonge dans la réalité de son enfance, de sa jeunesse au sein de cette famille à la double appartenance marocaine et française.
Le parcours personnel de cette famille nous montre la violence sociale et politique mais aussi la réalité de ces familles déchirées entre deux cultures.
C'est un récit nécessaire, vital.
Il faut savoir lire et entendre les mots postcolonial, race blanche.
Il faut entendre et comprendre cette filiation entre Hania-Mohamed et Kaoutar. Hania et Mohamed donnent tout pour Kaoutar jusqu'à l'inscrire dans une école catholique afin de la soustraire au danger. Cette école, dont un professeur la traitera de " m'a petite arabe "
Pour l'auteure c'est un monde de rapport de classe de race qui marque les existences. Dans cette difficulté à trouver une place qui respecte sa culture et ce pays d'adoption, elle n'oubliera jamais ses parents.
Les dernières lignes de ce récit :
"Ce jour là une photographie aurait dû être prise qui aurait exprimé, à elle seule, bien plus que tout ce que j'écris ici en toute sincérité. Vous me verriez alors debout sur le pas-de-porte de l'appartement parental, un sac sur le dos, une valise neuve à la main. Et vous verriez Hania, se tenant sur le seuil de sa cuisine, légèrement penchée vers l'avant, les mains plongées dans son tablier, et Mohamed, sur le seuil de son salon, les mains dans le dos, très droit, la tête haute. Je le redis: une photographie aurait dû être prise pour fixer, ne jamais perdre cette scène de notre existence. Ce tableau. "
Et puis cette langue littéraire que nous donne Kaoutar Harchi. Un plaisir de lecture.
En cette période de " zemmourisation des esprits " ce livre est salutaire.

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Ah ! ces arabes ! cataloguent-ils. Ce livre intime et fort, court et joliment écrit, qui alterne et vient nous dépeindre du quotidien, pas toujours facile, que nous ne pouvons pas comprendre, nous, blanc-becs. Ces actes et ces paroles des autres, pourtant jamais "obligés", pas toujours sciemment, qui pourtant forgent, à force, un caractère, qui limitent, qui emprisonnent. Des anecdotes sans patos ni récrimination, simplement ; quelques colères quand même. Et, en même temps, du quotidien qui est si peu différent du mien, de chacun de nous. Différence qui n'existe pourtant pas vraiment : comme cette "dernière vaisselle" à faire avant de partir en vacance. Pareil. Et tant d'autres. Et surtout, cette mère et ce père qui s'aiment follement, de presque rien, leur fille étant le témoin tendre de leur relation pleine. Chacun protégeant l'autre. Voilà comment nous existons.
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Itinéraire d'une enfant d'immigrés.


Après ses excellents romans comme « A l'origine du père obscure » et le plus noir « L'ampleur du saccage », l'auteure a pris un risque en se racontant, en livrant à ses lectrices et lecteurs une part d'elle-même, sur son enfance et son adolescence, sur ses souvenirs.
Elle avait sûrement ses propres raisons de le faire, pour pouvoir se libérer ainsi de la souffrance engendrée par le racisme qu'elle a vécu. Une blessure qu'elle avait gardée en elle depuis plusieurs années.


Même si j'ai ressenti le récit avec un parfum de révolte sur certains évènements passés et de désapprobation parfois du système actuel français, il n'est jamais larmoyant.
L'auteure a toujours cette élégance dans l'écriture, qui donne une grande pudeur à son autobiographie.
Oui, Kaoutar écrit merveilleusement bien. Et ses réflexions sociologiques et philosophiques sont toujours aussi pertinentes. En levant un pan de voile sur sa personne, l'auteure raconte ce que fut son enfance en tant que fille de marocains et l'expérience vécue chez « les anciens colonisateurs ».
Le lecteur que je suis, découvre la jeune fille qu'elle fut, la jeune femme qu'elle voulait être, qui s'est sentie parfois étrangère et différente dans ce pays qui est le nôtre.
Le récit comporte aussi quelques révélations étonnantes et poignantes parfois sur son auteure.


Lorsque Kaoutar raconte ses frustrations vécues, elle me renvoie avec force, aux écrits que maman m'a laissés, il y a de vingt cinq ans plus tôt.
Maman est fille d'immigrés italiens. Dans son école et surtout dans le lycée qui la préparait à devenir enseignante, elle s'est retrouvée avec des filles et fils « à papa », bien français. Elle a subi les mêmes humiliations que l'auteure. Nous étions à une autre époque, en 1950.
Mêmes insultes et les mêmes abaissements.
La société française a changé dans son mode de vie et dans ses aspirations, mais la méchanceté, l'ignorance et l'intolérance restent elles, intemporelles.


Il y a un passage dans ce livre, qui m'a particulièrement ému. C'est celui où l'auteure, âgée de six/sep ans, prend le bus pour aller à l'école primaire (une école catholique), où ses parents l'ont « placée ». Elle y découvre un autre univers, peuplé que de belles jeunes filles blondes aux yeux bleus. L'auteure est même fascinée par leur grâce, leur beauté blonde naturelle et la transparence de leurs yeux.
Kaoutar écrit qu'elle ne s'est jamais sentie aussi moche et gauche à l'époque.


Les moqueries et les petites méchancetés de ces petites filles ramèneront très brutalement l'auteure à ses propres origines de fille de maghrébins. Une jeune fille qui restera longtemps enfermée dans « la case » beaucoup trop brune et beaucoup trop arabe.
Des instants où elle s'est sentie seule et vulnérable. Une violence qui lui laissera des morsures et dont l'auteure en comprendra toute la profondeur avec le recul.


Mais le livre est avant tout pour moi, cette immense et bouleversante « Ode à l'amour » que Kaoutar Harchi, la fille unique a écrit pour Hania et Mohamed, ses parents.
*


Merci chère Kaoutar, de m'avoir permis de vous rencontrer une seconde fois, à « Livres dans la boucle » ce dimanche, à Besançon.
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Dans ce récit autobiographique, Kaoutar Harchi raconte, de son écriture inimitable, puissante, sa vie d'enfant et d'adolescente, fille d'immigrés marocains qui vivent dans leur bulle faite d'amour et de joie.
Mais voilà, Hania, la mère, et Mohamed, le père, ont des ambitions pour leur fille et l'envoient dans les meilleures écoles. Elle est alors confrontée au racisme ordinaire, à l'humiliation et pire encore à l'indifférence.
C'est grâce à l'amour de ses parents et à ce cocon solide que l'auteure va se construire malgré l'adversité. Elle sait très bien décrire, en allant à l'essentiel, son parcours zigzagant entre deux cultures et où elle saura envers et contre tout, trouver sa place.
Un récit émouvant et d'une grande justesse dans l'analyse, mais également réjouissant.
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critiques presse (1)
LesInrocks
01 septembre 2021
La sociologue et romancière publie son premier texte autobiographique. À travers ce récit sur son enfance et ses parents immigrés marocains, elle dit une initiation sur fond d’inégalités.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Et jamais je ne sus l’aimer, cette mère, sans cacher au creux de cette dévorante passion une demande de pardon. Inclination née de ce que j’observais chaque jour : cette lutte pour que je sois assurée, rassurée, dans ce monde, d’avoir, quelque part, une place. Une lutte menée en mon nom – c’est pour toi que je fais cela – sans plainte ni regret. Anonyme, cette lutte, tapie dans l’ombre des vies parentales postcoloniales, une lutte dont j’étais à la fois l’objet, le sujet et le témoin.
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Ce que me faisait Khadija, à cette période-là, j'avais onze, douze ans, elle m'initiait à ce contre quoi Hania et Mohamed, pour leur bien plus que pour le mien, ne cessaient de me mettre en garde : parler, répondre, lutter. Quelque chose d'une peur d'exister traversait leur existence et guettait la mienne, menaçait de l'imprégner au point de ne plus distinguer la vie de la politesse, la gentillesse de l'obéissance aveugle, l'affirmation de soi de la discrétion. Et je ne peux que trop me souvenir de mon amie qui, elle, protestait à tout-va - dans ce pays, il faut ouvrir la bouche, disait-elle, ou sinon c'en est fini -, vaillante et entêtée qu'elle était, ne reculant devant aucun camarade de classe, aucun adulte, prête, toujours, à jeter ses affaires sur le côté, à se mêler à la bagarre, et peu importe la suite - les réprimandes, les punitions, les exclusions temporaires.
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J’aurais voulu lui parler, lui dire que ces garçons, je les côtoyais, je jouais avec eux, je les aimais bien. Lui dire, aussi, que ce que conseillaient ces gens – m’éloigner de mon monde et des miens – trahissait, au vrai, la haine. Leur haine. Leur haine des garçons arabes, des arabes tout court, et que c’était de ces gens qu’il fallait se méfier. Au fond d’elle, je sais que Hania le savait. Jamais, au vrai, elle n’avait été dupe de ces gens qui, parlant des nôtres – ne laissez pas votre fille fréquenter ces jeunes –, nous révélaient, sans le vouloir ni même le savoir, ce qu’ils pensaient de nous. Mais je vous l’ai dit : Hania avait peur. Je le comprenais à ses yeux qui s’allumaient et s’éteignaient en un même regard. Telle était son expérience de mère arabe, dans ce pays. Une expérience de la peur, et cela d’autant plus fortement à l’approche de moments où une décision relative à mon avenir devait être prise.
p. 28
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Ça n'avait pas de valeur. Je veux dire : ce n'était pas de l'argent. Ça n'achetait rien, écrire. C'était inutile et, plus encore, c'était improductif. Car comment prendre le temps d'écrire quand Hania et Mohamed, eux, manquaient de temps pour dormir, manger, se soigner ? Écrire pour écrire était haïssable. Mais écrire pour publier m'apparut d'un tout autre ordre. Cela ouvrait vers un dehors, offrait une issue, cela créait quelque chose. Un objet, un livre, que nous pouvions toucher de nos mains. Un objet réel, tangible, une marchandise déterminée par un prix fixe. Nous pouvions tous y gagner, j'imaginais.
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A chaque question qui leur était posée, Hania et Mohamed répondaient d'une même voix : oui, tout va pour le mieux.

Par ces quelques mots, ils jetaient un voile pudique sur leur vie. En vérité, mes parents mentaient. Tout était recouvert par le mensonge. Ils mentaient si sincèrement. La sincérité des innocents qui, mentant, luttaient pour conserver le sens d'une vie, le sens sans lequel cette vie se serait écroulée sur ses illusoires fondations. Alors ils mentaient aux cousins, aux cousines, aux tantes, aux oncles.

Oui, vraiment, tout va pour le mieux.
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Videos de Kaoutar Harchi (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Kaoutar Harchi
Kaoutar Harchi, romancière et sociologue, juge que le second tour entre Emmanuel Macron et Marine le Pen est un « faux choix » entre le néolibéralisme et le fascisme, qu'elle juge « structurellement alliés, le dédoublement d'une unique possibilité : la violence, la casse sociale et une forme de chasse politique aux personnes racisées ».
« Emmanuel Macron n'est pas Marine le Pen, Marine le Pen n'est pas Emmanuel Macron, mais ils marchent ensemble », estime l'autrice de Comme nous existons (Actes Sud, 2021). « Le vote pour Macron est détestable, mais en face nous avons une version moins euphémisée, plus directe, plus sincère aussi, dans son racisme, dans son islamophobie et sa haine des mouvements sociaux, incarnée par Marine le Pen. »
Ce casse-tête « tactique », la romancière juge que c'est à chacun de « le régler », « en son âme et conscience ». Elle insiste : sitôt la présidentielle passée, l'urgence sera de « construire des formes de résistance » au locataire de l'Élysée.
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