On ne pouvait se fier aux humains. Les chiens grondaient avant de vous mordre, mais souvent les humains souriaient.
Ses souvenirs de sa mère étaient encore comme des tessons de verre, elle risquait de se faire mal en les touchant.
Sa mère ne disait jamais : " Nous ne sommes pas d'ici. " Mais ses yeux le répétaient constamment.
- Tout le monde n'a-t-il pas un nom de ce genre, là d'où vous venez ? demanda James. J'ai entendu dire qu'ils s'appelaient tous Mène-le-juste-Combat, Affronte-le-Diable, Désolé-d'avoir-Péché, Nous-sommes-Tous-de-Misérables-Pêcheurs et ainsi de suite.
Il suffit de vingt- sept mois pour s'imprégner totalement d'un endroit. Ses couleurs deviennent la palette de votre esprit, ses bruits votre musique intime. Vos rêves se déroulent à l'ombre de ses falaises ou de ses clochers, vos pensées sont encadrées par ses murs.
A cet instant, Makepeace et l'Ours comprirent tous deux quelque chose. Parfois, il fallait endurer la douleur avec patience, autrement les gens vous faisaient encore plus souffrir. Parfois, il fallait survivre à tout prix et accepter les blessures. Avec un peu de chance, et si tout le monde croyait que le dressage vous avait maté... le moment viendrait peut-être de frapper à votre tour.
Tout avait changé, et rien n'avait changé.
Pourtant, à mesure que les jours devenaient plus lumineux, on commençait à murmurer qu'un vrai changement s'annonçait. Le printemps n'arrivait pas seul à Grizehayes. La guerre l'accompagnait.
Les habitudes, les lieux et les visages finissent par faire partie de vous, comme les racines d'un arbre s'enfonçant sous les pierres d'un édifice.
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Les humains sont des animaux étranges, capable de s'adapter et finalement de s'habituer à tout, même à l'impossible ou à l'insupportable. Lorsqu'elle vivait au château de la Bête, la Belle avait certainement ses habitudes, ses instants d'irritation et ses longues heures d'ennui. La terreur est fatigante. Il est difficile de vivre indéfiniment dans son atmosphère, si bien qu'il faut tôt ou tard la remplacer par une attitude plus pragmatique. Un beau jour, on se réveille dans sa prison et on se rend compte qu'elle est le seul endroit réel. La fuite n'est qu'un rêve, une prière machinale en laquelle on ne croit plus. Toutefois, Makepeace était accoutumé à combattre le poison lent de l'habitude. Sa vie avec sa mère lui avait appris à ne jamais prendre racine.
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Un beau jour, on se réveille dans sa prison et on se rend compte qu'elle est le seul endroit réel. La fuite n'est qu'un rêve, une prière machinale en laquelle on ne croit plus.