"Comment en vouloir à un ange, surtout si son seul tort est de vous aimer moins ou autrement qu'on l'aime ?"
Cette interrogation du personnage féminin de
L'amour fou parcourt en filigrane tout le roman de
Françoise Hardy, son premier roman après son étonnante et magnifique autobiographie, "
Le désespoir des singes et autres bagatelles". Un roman, elle ne s'en cache pas, très inspiré de sa propre vie amoureuse, une sorte de concentré d'amours vécues, de kaléidoscope d'hommes aimés.
"Ce livre raconte une façon d'aimer qui est extrême et qui ne peut amener que des choses négatives", le drame de
l'amour fou, absolu, destructeur. Un amour paroxystique dans le bonheur comme dans la douleur. Bonheur extrême d'être, de se désirer, de jouir ensemble. Déchirure des séparations, des hésitations, des incompréhensions mutuelles. Et l'écriture, le style de l'auteur rendent à la perfection ces paradoxes et cette complexité.
Depuis quelques décennies, on connait et on admire la plume musicale et subtile de
Françoise Hardy dans ses textes de chansons. On découvre dans ce roman qu'elle sait aussi faire oeuvre d'écrivain, avec un sens précis, aigu, plein de finesse, du mot le plus juste, qu'il soit passionné ou cruel. Elle décrit, analyse, décrypte, dissèque au fil des pages cet amour désenchanté, ambigu, infiniment complexe et tortueux qu'il serait erroné de considérer comme un amour à sens unique. Elle n'est pas seule à aimer ; X. aime aussi, à sa façon, intermittente, dilettante, incohérente, désinvolte. L'amour telle qu'elle le voudrait est impossible et pourtant ils connaissent des moments d'harmonie réels. "Tout semblait merveilleusement simple dès qu'ils étaient ensemble". Mais ces instants d'absolu ne sont malheureusement pas des instants d'éternité, juste des instants suspendus, dérobés et tellement fugaces. "Tant de temps, tant de souffrance, alors que le bonheur semblait si simple". Et "l'amertume de constater l'immense gâchis de leurs deux vies"...
Jusqu'au chapitre 8, le récit est à la troisième personne du singulier, c'est le temps de la mise à distance – est-ce une recherche de relative objectivité ou une volonté de se protéger ? – ; ensuite, le JE resurgit, pour exprimer peut-être l'intimité de la douleur, l'atteinte au plus profond de l'être. J'aime cet emploi de la première personne pour les derniers passages du livre, cette plongée au fond du corps, de l'âme et du coeur, qui les rendent plus sensibles encore, à fleur de peau, tendus sur un fil ténu et si fragile...
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L'amour fou" est un roman incandescent, inventif, le roman de l'amour sublime et sublimé, éprouvé et éprouvant, follement romantique et passionnément ravageur. Un roman sur la volupté et la douleur d'aimer.
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L'amour fou, c'est celui qui vous dépossède de vous-même, tout en vous faisant croire que lui seul peut vous combler".
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