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4,04

sur 1446 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Oh my Lord, what a book!
Les occasions sont rares, quand on ouvre un livre, de non seulement sentir dès les premières pages qu'on va vraiment l'aimer comme un bon vin qui a de la cuisse, mais en plus de découvrir un grand auteur vers lequel on aura plaisir à revenir.

Un double bonheur que je viens de vivre avec ce "Tess d'Urberville", d'une richesse savoureuse : tragédie, roman social, romance douloureuse, roman de terroir, roman psychologique, roman politique aussi sur la condition des femmes, "Tess" est tout cela à la fois.

La narration est extraordinairement fluide, cinématographique, rythmée par le déroulement des saisons dans la campagne anglaise dont on sent chaque odeur, chaque couleur et chaque pierre des chemins que Tess parcourt de vallée en vallée. Par son destin tragique, le personnage de Tess a un caractère intemporel qui marque durablement la mémoire, le tour de force de Thomas Hardy étant d'avoir évité d'une plume subtile la mièvrerie à cette jeune fille qui paiera cher sa naïveté première.
Magnifiquement écrit, intelligent, captivant, "Tess d'Urberville" est un grand classique!
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Pour avoir découvert qu'il est le descendant de l'illustre lignée des chevaliers d'Urberville, John Durbeyfield se pique de noblesse et envoie sa fille Tess entre les griffes d'un lointain cousin et véritable séducteur. La jeune fille a plus d'éducation et d'honnêteté que ses parents et se réclamer d'une lointaine parente lui fait horreur. « L'orgueil de Tess lui rendait le rôle de parente pauvre particulièrement antipathique. » (p. 45) Mais pour offrir son aide à sa famille, elle accepte la place que lui propose Alec d'Urberville et subit son odieuse séduction.

Plusieurs années plus tard, pensant avoir expié sa faute et pouvoir mener une vie nouvelle, elle prend une place d'aide dans une laiterie et y rencontre Angel Clare, fils de pasteur qui apprend le métier de fermier. En dépit de l'affection réciproque qui la lie au jeune homme, Tess s'estime inférieure et déclassée et elle met longtemps à accepter la demande en demande de son amoureux. « Je ne veux pas me donner le grand bonheur de vous promettre d'être à vous parce que je suis sûre que je ne dois pas le faire. » (p. 227) Quand elle se rend enfin aux tendres arguments d'Angel et que le mariage approche, Tess craint que sa faute passée nuise à son bonheur futur. « Je ne me sens pas tranquille. […] Je puis être châtiée plus tard de toute cette chance par un tas de malheurs. » (p. 267) Foncièrement honnête, Tess ne peut s'empêcher d'avouer son ancienne souillure à Angel. Répondant ainsi aux mauvais présages qui ont entouré les noces des deux jeunes gens, l'aveu est un cataclysme. Angel sera long à pardonner la faute et la confession tardive. de son côté, Tess se désole une nouvelle fois de ses errances passées et attend sans espoir le pardon de son époux. « Elle pleura sur l'homme aimé, dont le jugement soumis aux conventions sociales avait causé tous ces derniers chagrins. » (p. 387)

Tess est d'autant plus vertueuse qu'elle a péché et s'est repentie. Elle est une victime expiatoire à plusieurs degrés : elle expie d'abord pour avoir été séduite dans sa jeunesse, mais elle expie également pour toute la lignée des d'Urberville dont elle est pourtant la digne héritière au vu de sa noblesse de coeur. John Durbeyfield et son épouse Joan se piquent de grandeur et échafaudent des projets imbéciles sur des ambitions avinées, grossières et paresseuses qui causent la perte de Tess. « C'est bon d'être parent à un carrosse, même si vous roulez pas dedans. » (p. 33) Contrairement à son père qui se donne du Sir John, Tess mérite cette ascendance glorieuse à qui elle redonne un lustre et une fraîcheur toute naturelle. le roman célèbre d'ailleurs la nature et la pureté d'avant le progrès et critique fortement les machines agricoles qui dénaturent le travail et dévoient les hommes.

Je voulais lire ce roman depuis longtemps et je ne suis pas déçue. Voilà un très bon roman anglais du 19° siècle sans rapport avec ceux de Jane Austen que j'apprécie beaucoup par ailleurs. La critique de la société y est moins ironique, plus franche et plus sinistre. Tess d'Urberville est une héroïne sacrifiée pour laquelle – c'est très palpable – son auteur a beaucoup d'affection. Impossible de ne pas compatir aux nombreux malheurs de la jeune fille. La plume de Thomas Hardy est solide et puissante. Si la morale distillée tout au long du texte a de quoi agacer par son côté définitif, il faut souligner qu'elle était parfaitement novatrice pour l'époque et c'est bien ce qui a valu à Tess d'Urberville d'être si largement censuré lors de sa publication.
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Il se passe toujours quelque chose de merveilleux lorsque j'entre dans un roman de Thomas Hardy. Tess d'Urberville fait partie de ces lectures que je n'oublierai jamais. Je l'ai lu il y a très longtemps, je l'ai relu tout récemment. Je ne sais pas si c'est celui que je préfère car il est très sombre. Loin de la foule déchaînée est forcément plus solaire et m'avait emporté dans l'ivresse de l'odeur de la campagne anglaise et les braises mêlées à la lumière des personnages.
Tess d'Urberville aurait sans doute rêvé de goûter à cette lumière. Cela ne faisait sans doute pas partie de son chemin.
Jeune paysanne innocente placée dans une famille, Tess Durbeyfield est séduite puis abandonnée par Alec d'Urberville, un de ses jeunes maîtres. L'enfant qu'elle met au monde meurt en naissant.
Dans la puritaine société anglaise de la fin du XIXe siècle, c'est là une faute irrémissible, que la jeune fille aura le tort de ne pas vouloir dissimuler. Dès lors, son destin est une descente aux enfers de la honte et de la déchéance...
Thomas Hardy possède cet art subtil de savoir poser un sujet, construire une histoire, déployer une narration. Ici le récit se met en place pas à pas, comme si c'était un puzzle que l'auteur nous invite à construire en nous délivrant au gré des pages quelques-unes des pièces. Thomas Hardy est un incroyable peintre des beaux personnages de ce livre et de leurs sentiments parfois complexes.
La manière de dérouler le rythme des saisons enchante l'écriture du récit.
Tess d'Urberville est cette femme dont le destin m'a touché au coeur. À cette seconde lecture, je me surprends encore naïvement à vouloir imaginer qu'elle finira par être heureuse, qu'elle s'en sortira bien de tout cela. Mais une petite voix en moi me dit que je me trompe et me ramène au texte.
Pourquoi ?
Tess demeure tout au long de l'histoire cette femme simple, digne, étonnée par ce qui lui arrive. Il me semblait qu'elle était née cependant pour être heureuse.
Le malheur vint plus tard.
Le malheur né des hommes.
J'aurais voulu qu'elle soit heureuse comme cela, sans le malheur qui venait sur elle, malgré elle. J'aurais tant voulu qu'elle se rebelle devant le sort qui s'acharnait contre elle... Mais à quel endroit aurait-elle pu trouver la force de se révolter ? Et contre qui ? Contre quoi ? Tout était écrit peut-être déjà, malheureusement...
J'aurais tant voulu inverser le cours des choses pour cette femme.
Je ne saurai dire pourquoi, la première fois que j'ai lu ce roman, la naïveté de cette jeune fille m'avait presque laissé indifférent comme de l'eau glissant sur les plumes d'un colvert, tandis que cette fois-ci je crois bien avoir réussi à traverser les pages du livre et lui saisir la main afin de la réconforter...
C'est un très beau roman, sombre et cruel. Un véritable chef-d'oeuvre de la littérature anglaise.
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25, c'est le nombre de fois où Thomas Hardy fut pressenti pour être récipiendaire du prix Nobel de littérature et si cette donnée peut légitimement nous étonner, personnellement je m'étonne encore plus du fait qu'il ne l'ait jamais obtenu !

Je pense que ce qui me fascine le plus dans un roman de Thomas Hardy, ce très grand auteur, c'est la façon dont le récit se met en place avec la logique et la complexité d'un puzzle mais sans jamais céder pour autant à la facilité, sans tirer des ficelles grosses comme des cordes et sans tomber dans un pathos de mauvais aloi. La beauté des caractères et des comportements dans toute leur pluralité psychologique et sociologique vient de l'incroyable réalisme avec lequel l'auteur dépeint ses personnages.

Ce faisant, comme ne pas être ému(e) par une Tess d'Urberville ? Une femme simple et digne, belle et sincère ? Issue d'une famille misérable, notre héroïne, mieux éduquée et avertie aurait sans doute échappé aux atavismes héréditaires et aurait alors connu un destin moins sombre et surtout moins impassible face aux circonstances navrantes qui, de malheurs en épreuves, vont la mener à sa perte.

Née pour être un ange, Tess se laissera accoutrer de la nature d'une pécheresse, subissant les événements, manquant d'analyse et de moyens pour échapper à son destin de proie. Convaincue d'attirer sur elle le malheur comme une juste récompense d'une faute commise sur elle par un autre, Tess ira de non-choix en concessions, ne découvrant en elle que bien trop tardivement la force de la rébellion.

Un très beau roman bien que plus sombre et plus cruellement crédible que beaucoup d'autres du même auteur. Thomas Hardy s'est vu refuser les honneurs du Nobel sous prétexte que son oeuvre globale était jugée trop noire, une justification bien vaine selon moi et qui fait fi du précieux caractère naturaliste de sa prose.


Challenge PAVES 2015 - 2016
Challenge ABC 2015 - 2016
Challenge 19ème siècle 2015
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"Tess d'Urberville" est l'un de ces livres que l'on peut difficilement oublier...J'ai vraiment adoré ce roman ; son histoire captivante nous mène au fin fond de l'Angleterre, dans le petit village de Marlott, John Durbeyfield vient d'apprendre par le pasteur Tringham qu'il est le descendant de la vieille famille des Urberville, composé de chevaliers et autres grands conquérants. Sir John va alors raconter cette nouvelle à sa femme et ses enfants et Tess, l'aînée, va devoir se rendre chez une famille parente située près de Kingsbere. Elle y rencontre donc Alec, son cousin, qui, après l'avoir séduite, l'abandonne. Tess, humiliée et méprisant désormais Alec, donne naissance à un enfant qui meurt peu de temps après.
Voulant oublier définitivement sa vie passée, elle se fait engager dans la laiterie de Talbothays où elle fait la connaissance de trois autres laitières : Marianne, Izz et Retty ainsi que de celui dont elle va s'éprendre, Angel Clare. le bonheur arrive enfin pour Tess, cependant, le malheur viendra vite gâcher ses premiers émois amoureux et l'éloignera de celui qu'elle aime...

Quelle bonne surprise ! J'ai particulièrement aimé l'évolution de la vie de Tess, cette pauvre héroïne si malchanceuse, avec une préférence, j'avoue pour les époques "Le Renouveau" et "La Conséquence", les plus belles, d'après moi, et bien évidemment les plus heureuses du roman. Quant aux personnages, j'ai ressenti beaucoup de pitié à l'égard de Tess, mais je me suis finalement attachée à elle ; de même, Angel a été pour moi un personnage attachant. Enfin, les trois laitières, Liza-Lou et Mrs. Joan Durbeyfield m'ont aussi touchées.

Pour conclure, je voudrais dire que ce magnifique roman, bien que tragique, est un véritable chef-d'oeuvre de la littérature anglaise, dont l'auteur, Thomas Hardy, est, pour toujours, entré dans la lignée des brillants écrivains.

A lire absolument !
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Plus encore que Jude l'Obscur, c'est ce roman de Thomas Hardy qui me faisait le plus peur.
J'avais vu très jeune le film de Polanski, avec Nastassia Kinski dans le rôle de Tess. le film, d'une très grande beauté plastique, m'avait cependant marqué par la noirceur de son histoire et le destin de Tess m'avait terriblement émue. Il m'a d'ailleurs laissé une impression tellement durable que je ne me suis jamais aventurée à le revoir.
Une fois la dernière page tournée, je peux qu'être admirative devant le talent de l'écrivain. Il a une écriture lumineuse, mais sans concession. Et j'avoue que même si je connaissais l'histoire, je ne pouvais m'empêcher d'espérer je ne sais quoi qui arrive pour contrecarrer la chute de la jeune femme. Mais hélas, Tess est bel et bien dans un engrenage, et malgré toutes ses valeurs, elle n'arrivera pas s'en sortir, victime des hommes et de son destin.
Comment ne pas être touchée par ce personnage où tout sonne si terriblement juste ? Il faut dire que Thomas Hardy restitue avec beaucoup d'authenticité la vie au quotidien des « petites gens » et surtout il nous dresse la triste condition des femmes à l'époque, qui, si elles n'ont pas la chance d'être nées suffisamment riches s'épuisent à survivre et à faire survivre leur famille.


Challenge BBC
Challenge Multi-Défis 2022

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Thomas Hardy est dans ma liste des auteurs à découvrir depuis bien longtemps. Mais je repoussais toujours le moment de m'y frotter, me disant que j'avais le temps, comme si le statut de classique d'une oeuvre amoindrissait l'urgence à la lire. Les superbes critiques de Gwen, presque des déclarations d'amour à l'oeuvre de l'auteur, ont achevé de me convaincre de ne plus différer ma lecture. Pour cela, je remercie chaleureusement Gwen, qui m'a ainsi permis de faire une merveilleuse découverte avec "Tess d'Urberville".

On peut dire beaucoup, d'ailleurs tout a été dit, sur le fond de ce roman, sur la force de son propos, sur la pertinence de la critique sociale, illustrant l'injustice d'un ordre social et moral qui, comme le souligne la post-face, rejetait toute la faute et la responsabilité sur la femme. L'auteur déploie tout son talent pour mettre en lumière l'opposition entre la rigidité morale conservatrice de la religion d'Etat, source d'injustice et de souffrance, et la pureté et la simplicité des croyances anciennes liées à la terre, à la Nature.

La forme vient appuyer joliment le propos. le style de Hardy est splendide. Elégante, fluide, la qualité d'écriture est remarquable, notamment dans la peinture saisissante de la vie rurale. La campagne, colorée, lumineuse, décrite en termes poétiques, s'oppose à la ville, grise, boueuse. Lorsque la campagne est triste et terne, c'est qu'elle a été "contaminée" par l'industrialisation, incarnée par la moissonneuse, décrite comme un monstre de fer fumant qui tue les petits animaux des champs. L'Homme s'éloigne de la Nature et ainsi de sa nature.

"Tess d'Urberville" est un ouvrage progressiste, presque transgressif mais n'est pas que cela. "Tess d'Urberville" est avant tout une oeuvre qui parle au coeur, une sublime tragédie habitée par des personnages inoubliables. Tess et Angel sont des êtres tellement magnifiques qu'il est impossible de ne pas tomber amoureux d'eux. Cela n'a l'air de rien, et pourtant c'est un prodige qui s'accomplit sous la plume de Hardy. Sous une plume moins fine et subtile, Tess et Angel auraient vite sombré dans la mièvrerie et auraient pu provoquer de l'agacement. Mais Hardy est un génie qui aime profondément ses deux personnages et son amour, il sait parfaitement le transmettre au lecteur qui, au fil des pages, s'émeut, espère, pleure avec Tess et Angel.

J'ai été bouleversée par le destin de Tess et Angel comme rarement je l'avais été dans ma vie de lectrice. Finalement, je me dis que si les classiques sont immortels, je ne le suis pas et qu'il y donc urgence à les lire s'ils réservent d'aussi belles et fortes émotions.

Challenge Multi-Défis 2016 - 7 (catégorie "un classique étranger")
Challenge 19ème siècle 2016 - 1
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On dit parfois que ‘Tess d'Uberville' est l'une des oeuvres qu'il faut avoir lue dans sa vie. Il est certain que c'est un personnage littéraire qui mérite d'être rencontré…

Dans la campagne anglaise, John Durbeyfield, un pauvre fermier, apprend par hasard qu'il est le lointain rejeton d'une famille aristocratique déchue de très ancienne lignée, les d'Uberville, et en perd totalement le sens des réalités. Apprenant l'existence d'une riche famille portant également ce nom (en réalité des parvenus l'ayant usurpé pour s'auto-anoblir) il envoie sa fille Tess leur demander leur aide. Elle obtient une place chez eux mais, extrêmement belle, devient la cible du jeune Alex d'Uberville, seul héritier de ses (faux) cousins. Dans un moment de faiblesse, elle finit par lui céder. Et revient chez elle enceinte, dans une situation qui la met au ban de la société tout entière. Quelques années plus tard elle rencontre l'amour en la personne d'Angel Clare, un jeune homme éduqué et brillant ayant décidé de faire son retour à la terre…

On est impressionné par le féminisme résolu de Thomas Hardy, affirmé de manière extrêmement claire et forte. Il ne s'appuie sur aucune base idéologique, mais sur la psychologie pure. S'il souligne souvent la beauté physique de Tess, il la décrit également comme extrêmement courageuse et responsable, mentalement très forte, prenant en main son destin et celui de sa famille avec énergie et efficacité. Ce sont les hommes qui sont responsables de son malheur : son père par son alcoolisme et sa stupide fierté, Alex d'Uberville par son inconséquence, Angel Clare par son intransigeance.

Cela étant, ces deux derniers personnages sont beaucoup plus que des stéréotypes. Alex d'Uberville, malgré son inconséquence, se repent de ses actes, est véritablement amoureux de Tess, et regrette de ne pas avoir connu son enfant. Angel Clare de son côté donne à Tess la période la plus heureuse de sa vie par un amour partagé, avant de la détruire avec une injustice évidente – lui-même a déjà été initié sexuellement, mais il ne peut supporter que ce soit également le cas de Tess. Pour autant Thomas Hardy souligne qu'il ne fait en cela que se conformer à son éducation et au carcan des normes sociales. Malgré son intelligence, il lutte vainement pour s'en affranchir, et ne réussit à le faire qu'une fois loin de la civilisation.

La force des thématiques contraste avec l'écriture de Thomas Hardy, lente, descriptive et minutieuse, mais aussi extrêmement bucolique et très portée sur les beautés de la campagne anglaise. Un peu anachronique pour cette fin de XIXème siècle où fut publiée l'oeuvre en somme, évoquant plutôt des écrivains romantiques comme Wordworth, une cinquantaine d'années plus tôt. Et pourtant, par moment cette écriture en apparence si simple prend une puissance hallucinante. La scène où la pauvre Tess baptise elle-même son bébé mourant est sublime. La journée qu'elle passe à travailler sur la moissonneuse-batteuse, épuisée, brisée, devant répéter inlassablement les mêmes gestes harassants, est impitoyable.

Pauvre Tess. Noble dans la pauvreté, courageuse face au destin qui l'écrase, droite face à une société qui la rejette et sa propre morale qui la condamne ; l'une des héroïnes les plus marquantes de la littérature.
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Imaginez une lande rêche, grise sous un ciel bas; de vieilles maisons éparpillées, parfois un domaine entouré d'un parc, puis des prés et des champs de navets et de pommes de terre au creux de deux collines; sur les petites routes qui traversent ce paysage désolé balayé par un vent froid et morose, on entend parfois le trot d'un cheval tirant un chariot ou une voiture, mais plus souvent un groupe d'hommes et de femmes marchant jusqu'au village pour un nouveau travail, s'acheter à manger, dépenser l'argent de la semaine en bière et revenir guillerets à la nuit tombante.
Car dans ce roman, on marche, on marche sans cesse, et les dizaines de kilomètres n'effraient personne. On est loin du vingt-et-unième siècle!
Thomas Hardy dresse un tableau de cette Angleterre paysanne et de ses personnages d'une richesse et d'une subtilité merveilleuses, puisant dans les comportements, les gestes, les regards la source de leurs émotions.

Tess est la fille aînée d'un couple aimant mais inconséquent qui apprend qu'elle descend de la lignée presque éteinte des D'Urberville (ils s'appellent Durbeyfield). Cette révélation, faite au détour d'un chemin, tracera le destin de Tess, naïve, belle et sensible. Envoyée aussitôt auprès de la plus proche parente D'Urberville pour y réclamer l'aumône, elle rencontrera dans cette maison. Alec, jeune homme qui changera sa vie à tout jamais. Thomas Hardy nous en avertit dès leur rencontre, et à partir de là, la malédiction tombe sur notre héroïne, quoi qu'elle puisse faire pour y échapper.
Thomas Hardy, homme du dix-neuvième siècle, écrit avec une très grande sensibilité ce que c'est d'être une femme en son siècle: la virginité, l'oppression sociale quant au mariage et la si petite place qui lui est accordée quant à sa propre volonté. Dominée par les hommes, les parents et l'entourage, il ne lui reste presque rien pour décider elle-même de son sort et sa lutte contre l'injustice qui la frappe sera vaine.
J'ai adoré le livre, comme j'avais adoré l'adaptation de Roman Polanski dont des images me revenaient au fil de la lecture. Une merveille!
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Un destin tragique...mais un roman captivant!

Tess n'a d'autre défaut que d'être née de parents négligents et adeptes de la boisson, et d'être une personne trop résignée sur son sort. Ses parents l'envoient encore enfant chez un riche cousin, croient-ils, qui va abuser d'elle et la laisser ensuite. Tess, enceinte, retourne chez ses parents mais perd l'enfant. Elle part loin de sa famille, dans une laiterie, et tombe amoureuse. Mais cet amour réciproque subit le poids du passé. Les lois sociales sont sans répit pour une jeune femme au XIXe siècle.
Tess pourra-t-elle être un jour heureuse?

Dans ce roman on parcourt la campagne anglaise de vallées en plateaux, et on approche la vie des paysans de l'époque, fort bien observée et décrite par l'auteur: la traite des vaches, l'écrémage, le battage du blé, le ramassage des navets… Au gré des saisons, la nature joue son rôle et impose son rythme. On côtoie les saisonniers qui vont de ferme en ferme.
Tess va vivre au milieu d'eux et se lier d'amitié avec plusieurs jeunes femmes. Ces personnes vivent en toute humilité et rêvent de choses simples, s'amusent malgré les difficultés. Beaucoup de solidarité et de convivialité transparaissent.
Le destin de Tess est tragique à plus d'un titre. Je l'ai trouvée particulièrement résignée cependant le personnage est touchant et on n'a pas envie de juger. On l'accompagne, on la suit sur son chemin. L'auteur a su dépeindre précisément les moeurs de l'époque aussi on comprend les réactions de chacun. Aucun pathos inutile, aucune mièvrerie non plus dans cette histoire d'amour empêché. Seul le poids du passé et des lois sociales.
J'ai beaucoup aimé les descriptions, parfois longues, mais toujours bien à propos et tellement bien menées! La nature en devient poétique même dans sa rudesse. Puis la langue de Thomas Hardy est si belle: chaque mot pesé, choisi, prescrit!

Merci à Sarah pour son conseil de lecture hautement judicieux!!!
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