Elle m'a piégé. Par des gestes faussement candides, elle retire le vernis rouge délavé peint sur ses ongles de pieds. Elle est assise sur une serviette, les genoux embrassant son menton. Elle s'affaire délicatement à rendre à ses ongles leur pureté d'antan. Je sens mon cœur qui tambourine atrocement, faisant ainsi vibrer le reste de mon corps comme par écho, comme par réverbération. Il s'agit d'un processus naturel, instinctif. J'émets l'hypothèse que mes pupilles sont dilatées en ce moment même. C'est un réflexe quand vous voyez une femme séduisante, et dans mon cas, ceci est d'autant plus évident quand la femme en question est séduisante mais aussi quand elle est vêtue, habillée dans la plus minimaliste des tenues, à savoir, l'originelle, celle des premiers temps, celle d’Ève. Soudainement, elle se relève, doucement, sans un bruit. Soigneusement, elle défait son chignon aux courbes minutieuses. Ses doigts si délicats finissent par libérer son abondante chevelure qui un instant plus tôt était encore séquestrée. Maintenant elle jaillit, libérée des contraintes, du carcan sociétal.
Apparemment, Beethoven n'était pas l'apothéose de la félicité pour mes compagnons de route. Point mélomanes. Sans doute. Dommage, nous n'aurons pas la chance de nous prendre pour les petits malfrats excentriques d'Orange mécanique. Malgré cette petite contrariété, laissez-moi vous présenter mes amis et amies d'un jour. A côté de moi, à la place du mort, se trouvait ... appelons-le... Torrance car comme le personnage de Shining, il avait une hache. Autre chose, il était chauve et extrêmement musclé, tellement à dire vrai que cela en devenait pathologique. Derrière moi, il y avait Mia, je l'appelle ainsi car elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à Mia Wallace dans Pulp Fiction. Et Mia était prête à pousser la ressemblance jusqu'à prendre de la drogue comme son double à l'écran. Elle parlait dans un langage plutôt épicé tout en faisant danser entre son pouce et son index un cristal bleu d'une pureté inégalable.
Et, si hypothétiquement, nous en avions la clé, nous en serions toujours au même point. Si ce n'est, plus désappointé encore. Pour la simple et bonne raison que le « référent » nous apparaîtra sans « signifiant », le « signifiant » sans « signifié » et le « signifié » sans référent ». Nous risquerions de sombrer dans les ténèbres de la folie, dans un delirium
tremens causé par l'abus de non-sens. Mais don't panic, le « moi » n'est peut-être pas maître dans sa propre maison, le « style » n'est peut-être qu'une « représentation » qui, par la force d'un « refoulement », devient accessible à la conscience ; dans une certaine mesure, plus une demi-mesure qu'une pleine mesure ; néanmoins, le style, quant à lui, s'avère qualifiable ! On le baptisera « style identifiable » C'est celui qui est « couché sur le papier ».
Il faut que j'écrive. C'est un impératif … Orange mécanique, réalisé par Stanley Kubrick. Quel chef d’œuvre ! Je n'ose même pas lire le livre qui a inspiré le film, de peur d'une « éventuelle » déception ! C'est un sentiment nouveau. C'est tout naturel pour moi de me tourner vers l’œuvre d'origine, habituellement. Pour la simple et bonne raison que je suis assuré d'exprimer, enfin, une grande satisfaction. Un livre est assurément plus nuancé qu'un film. Est-ce dû à une contrainte de temps ? Je le pensais jusqu'à ce que je découvre le cinéma de Kubrick. Dans le film, dont il est question aujourd'hui, j'éprouve une sincère affection pour un passage qui ne fait, que rarement ou jamais, l'objet d'une analyse. Pourtant, elle est capitale pour le spectateur mais elle est aussi un miroir de l'ironie "Kubrickienne ".
On dit également que dans une situation extrêmement périlleuse, le temps passe plus lentement. C'est totalement faux. Certes, le fait d'être en mouvement, ralentit notre « temps » par rapport à celui d'autrui qui est quant à lui immobile mais cette différence est trop infime pour qu'on puisse s'en rendre compte. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Einstein. A contrario, l'impression que le temps passe plus lentement est vrai dans la mesure où notre cerveau marche à plein tube, ainsi tout nous apparaît d'une lenteur extrême. Et puis, après tout, peu importe car pendant que Dieu réfléchissait, nous, nous étions coincés entre deux mondes. Notre monde et l'arrière-monde. Mais, si je pense à tout cela maintenant, que je prends le temps de philosopher, c'est parce que j'ai survécu.