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Gnomon tome 2 sur 2
EAN : 9782253106982
576 pages
Le Livre de Poche (21/06/2023)
3.78/5   39 notes
Résumé :
Grande-Bretagne. Futur proche.

La monarchie constitutionnelle parlementaire qu’on croyait éternelle a laissé place au Système, un mode de démocratie directe où le citoyen est fortement incité à participer et voter. La population est surveillée en permanence par le Témoin : la somme de toutes les caméras de surveillance et de tout le suivi numérique que permettent les smartphones et autres objets connectés.

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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Le requin revient et il a un solide appétit, dans cette deuxième partie de Gnomon. Tous les noeuds mis en place vont progressivement se dénouer, les questions trouver des réponses, dans un final encore plus vertigineux, encore plus effrayant.

Un redémarrage en douceur
Petit rappel : vu la taille du bouquin, Albin Michel a décidé de couper en deux le livre originellement paru en un seul gros volume, afin de rendre d'opération viable (il faut payer, entre autres, la traductrice et, vu le niveau du texte, il en fallait une bonne : encore bravo à Michelle Charrier – ben oui, je suis un fan). Bon, au final, cela revient cher, c'est vrai, mais on peut se dire que c'est compréhensible. Je ne vais pas en ajouter une couche sur les longues discussion sur le prix du livre et son côté produit de luxe, beaucoup a déjà été dit et écrit à droite à gauche. Mon but est juste de signaler que la découpe choisie par l'éditeur est efficace. On recommence en douceur : l'inspectrice Mielikki fait le point et tente d'absorber tout ce qui lui est arrivé, toutes les vies qu'elle a ingérées. Et, comme le lecteur, elle a du mal à placer ensemble toutes les pièces du puzzle, à se sortir de ce labyrinthe.

Un palette de personnages
Car, rappelons-le, en suivant l'interrogatoire de Diana Hunter, elle s'est trouvée placée dans la tête de personnages imprévus, très différents les uns des autres, dans des époques éloignées : le financier grec Constantin Kyriakos, l'alchimiste Athenais Karthagonensis et l'artiste Berihun Bekele. Et elle continue à tenter de comprendre ce qui les lie, ce qu'ils signifient. Et dans la « vraie » vie de Mielikki, on peut ajouter l'étrange Regno Lönnrot, qui a agressé l'inspectrice dans le premier volume. Et d'autres, comme Oliver Smith, interrogé comme consultant et dont on se dit rapidement qu'il n'est pas ce qu'il paraît. de toutes façons, dans Gnomon, rien n'est ce qu'il semble être : tout est apparences et jeux de dupes. Et c'est pour ça que c'est bon ! On échafaude des hypothèses battues en brèche quelques pages plus loin. Ou, si on a de la chance, confirmées quelques chapitres plus tard. Difficile d'en dire plus sans risquer de révéler des indices qui gâcheront le plaisir de lecture. Sachez que les réflexions sur l'être sont abyssales et, finalement, accessibles, même s'il faut accepter de se laisser balader pendant pas mal de pages. le résultat en vaut définitivement la peine.

Une quête vitale
D'autant que cela se double d'une réflexion sur notre rapport aux autres. Dans Gnomon, la société anglaise est à un tournant. Comme je l'avais évoqué dans la critique du premier tome, Nick Harkaway évoque notre rapport à la sécurité et à ce que nous sommes prêts à faire pour l'assurer. Quelle dose de liberté sommes-nous disposés à laisser de côté au profit d'une tranquillité de vie, d'esprit ? Laisser échapper la moindre de nos pensées, les partager dans filtre, afin d'éviter le risque. Mais, et si tout le monde ne jouait pas le jeu ? Dans le célèbre panoptique, on trouve des prisonniers et des gardiens. Un système peut-il fonctionner sans gardien humain ? Une machine peut-elle réellement, du fait de sa neutralité, amener une société vers le bonheur et la stabilité ? N'y aura-t-il personne pour pervertir le système ? Tout le monde jouera-t-il le jeu. Comme le dit un personnage, « Il faut que les gens s'améliorent, et personne n'en parle jamais. Non, personne n'en parle jamais. Pourtant, tout ce que nous embrassons – libres choix et autogouvernance – n'est valable que si nous nous conduisons de notre mieux. Autrement, qui va nous arrêter, nous retenir ? ». Vaste sujet de réflexion qui va continuer à me faire cogiter.

Gnomon, c'est une claque intellectuelle, qui nous oblige à réfléchir. Et ça, c'est sain ! Gnomon, c'est aussi un récit qui prend aux tripes, littéralement. Gnomon, ce sont des personnages qui m'accompagneront de loin. Gnomon, c'est une histoire qui pousse à creuser au fond de soi-même pour comprendre le monde et se comprendre. Gnomon, c'est un roman qui va continuer à m'habiter pendant de longues semaines.
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Ampleur et souffle d'un jeu de miroirs et de labyrinthes hors normes pour nous entraîner dans le coup d'après de la surveillance et de la transparence, et des failles démocratiques résistantes aux antibiotiques ordo-libéraux. Un très grand roman.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/03/08/note-de-lecture-gnomon-nick-harkaway/

Londres, dans quelques années : à la place de la vieille monarchie et de sa démocratie parlementaire associée, c'est désormais le règne du Système et du Témoin, réclamé par un raz-de-marée populaire il y a de cela quelques années. le Système : démocratie directe par sollicitation civique (optionnelle dans une certaine mesure) constante ou presque des citoyennes et des citoyens, qui se doivent de débattre par groupes semi-affinitaires et de voter, chaque fois que nécessaire – donc souvent. le Témoin : l'interconnexion généralisée et algorithmisée des dizaines de milliers de caméras de surveillance couvrant le territoire du Royaume-Uni et des centaines de millions de données numériques individuelles collectées en toute occasion. La transparence est totale, et garantit la sécurité de toutes et de tous, puisque les gens normaux n'ont rien à se reprocher – et que les délinquants et criminels ont fort peu de chances d'échapper à cette justice ubiquitaire. le Témoin n'est pas entièrement automatisé : un corps d'inspecteurs assermentés, de haute volée technique et intellectuelle, assure par ses interventions méticuleuses au moindre doute que la contre-analyse et la décision humaines restent bien dans la boucle judiciaire et policière.

Pourtant, à l'occasion, quelques petits cailloux peuvent venir gripper les engrenages bien huilés de cette machine socio-politique. C'est le cas lorsque Diana Hunter, une autrice et professeure de lettres relativement peu connue, mais totalement culte dans les cercles littéraires, assurément rebelle vis-à-vis du Système et du Témoin – mais peut-être bien innocente de tout crime ou délit, qui plus est -, décède lors de sa garde à vue. Cela est évidemment inacceptable, et l'enquêtrice Mielikki Neith, très bien notée, est mandatée pour faire toute la lumière sur cet accident fort malencontreux. Mais lorsqu'elle lance son examen de la psyché désormais numériquement enregistrée de la victime (procédure « normale » ayant été effectuée lors de la garde à vue : la transparence totale et la police de la pensée sont prises très au sérieux, on le voit, par le Système et par le Témoin), elle a la surprise de découvrir non pas une mémoire, mais trois, parfaitement enchâssées à l'intérieur de celle de Diana Hunter : celles de trois personnes parfaitement distinctes nommées Constantin Kyriakos (un trader grec contemporain), Athenais Karthagonensis (une magicienne carthaginoise de l'Antiquité tardive) et Berihun Bekele (un artiste peintre éthiopien contemporain).

Constantin Kyriakos était un trader grec « ordinaire », jusqu'à ce qu'un grand requin blanc, frôlé contre toutes attentes rationnelles lors d'une baignade en mer Égée, ne se mette à le hanter, voire le pourchasser, tout en lui glissant dans certains interstices numériques improbables d'incroyables « tuyaux » boursiers qui le font entrer rapidement dans la confrérie (sans aucune fraternité) restreinte des véritables faiseurs financiers de pluie et de beau temps du monde.

Athenais Karthagonensis est une lettrée, érudite, occultiste, herboriste et magicienne, vivant à Carthage à la charnière des IVème et Vème siècles après J.C. (dont la mention n'est pas innocente, puisque le père de son fils Adéodat – tragiquement disparu -, rencontré lors de leurs études universitaires communes et dont elle aura été la concubine très officielle treize ans durant, n'est nul autre qu'un certain Augustin d'Hippone – à 300 kilomètres de Carthage par la route -, plus connu sous son nom catholique consacré : saint Augustin). En tant qu'experte en arts occultes et en impossibilités rationnelles, elle est chargée discrètement d'enquêter sur un étrange meurtre en chambre close aux fort troublantes implications.

Berihun Bekele est un artiste peintre éthiopien, recruté à sa grande surprise et à son corps presque défendant par sa petite-fille, sérial-entrepreneuse bienveillante du numérique contemporain, pour contribuer à un révolutionnaire environnement de jeu, propulsant les ébauches d'univers virtuels dans une dimension ludique et politique où toutes les expérimentations sociales, individuelles et collectives, pourraient être conduites en réalité augmentée, à l'intérieur d'un univers clos mais en expansion, pour tester in vitro leur pertinence et leurs implications – en toute transparence, sous les yeux du public intéressé, voire partie prenante. C'est également grâce à lui que nous en apprendrons ainsi davantage, le moment venu, sur la curieuse généalogie du Système et du Témoin.

Publié en 2017, traduit en français en 2021 chez Albin Michel Imaginaire par Michelle Charrier, « Gnomon » (en grec, un instrument astronomique remontant à l'Antiquité, voisin de cadran solaire, et ici un projet et une métaphore qui seront révélés en temps utile) est le quatrième roman de Nick Harkaway, pseudonyme littéraire de Nicholas Cornwell, par ailleurs fils de feu David Cornwell (plus connu sous son propre pseudonyme de John le Carré).

Mêlant une réflexion politique de fond, qui fait beaucoup plus que, comme cela a parfois été écrit, « actualiser le « 1984 » de George Orwell, « Gnomon » plonge au coeur de l'échange philosophique sécurité / liberté, bien entendu, échange qui travaille nos sociétés au moins depuis Thomas Hobbes et son « Léviathan » de 1651, échange qui résonne avec encore plus d'acuité aujourd'hui, à « L'Âge du capitalisme de surveillance » analysé par Shoshana Zuboff et de l'application à toute une chacune et tout un chacun, par les États et / ou leurs relais privatisés, de tout l'arsenal technologique conçu pour l'espionnage à grande échelle des puissances étrangères et pour la lutte anti-terroriste, échange qui prend aussi un sel tout particulier lorsque le lectorat britannique relit certaines des professions de foi des Brexiters les plus acharnés de 2016.

Mais si l'analyse philosophique et politique est ici particulièrement remarquable, à aucun moment « Gnomon » ne se laisse aller sur la pente de l'essai déguisé, bien au contraire, puisqu'il place au coeur de son récit une véritable réflexion en action, machiavéliquement romanesque, autour de la place de l'imaginaire et du récit dans la construction politique, intime comme collective.

Travaillant en guise de matériaux bruts des questions aussi brûlantes que celles de la transparence sociale (et l'on songera au passionnant « La transparence selon Irina » de Benjamin Fogel, par exemple) ou celles de la présence humaine dans la boucle algorithmique bienveillante (comme le pratique le Stéphane Beauverger de « Collisions par temps calme »), celles de la validité juridique du rêve (Christopher Nolan et son « Inception » ne sont pas très loin, mais sans la puissance pure développée ici) ou celles de la police prédictive (allant conceptuellement beaucoup plus loin que le traitement de choc infligé à Philip K. Dick par le Steven Spielberg de « Minority Report »), celles de la persistance d'une culture analogique aussi nostalgique que rusée (pensons alors à la Sabrina Calvo de « Toxoplasma » et de « Melmoth furieux », voire au Nicolas Rozier de « L'île batailleuse ») ou celles du rôle des environnements créatifs décentralisés et autre fablabs (conduisant cette mise en scène avec un brio digne du Cory Doctorow de « Dans la dèche au Royaume Enchanté » ou de « Makers »), celles de la solution hypothétique de cet oxymore apparent que serait la finance éthique (avec une acuité rappelant le Thomas Pynchon de « Fonds perdus » comme le Kim Stanley Robinson de « New York 2140 ») ou celles de la politique sous-jacente à certaines esthétiques du jeu vidéo (croisant ainsi le chemin de McKenzie Wark et de sa « Théorie du gamer »), glissant une petite foule de délicats clins d'oeil à des autrices et auteurs aussi divers que Jorge Luis Borges (Regno Lönnrot, figure apparaissant rapidement comme la némésis de l'enquêtrice Mielikki Neith, ne partage-t-il pas son rare nom de famille avec le protagoniste de « La mort et la boussole » ?), Heinrich Steinfest (« Attaque de requin, lui répond-on. À soixante-sept kilomètres de la mer. Puis, presque d'un ton d'excuse : Anomalie. »), Walter Tevis et son « Jeu de la dame » (« Mielikki dispose toujours d'un mur du crime, mais il s'agit d'une projection sur le mur de son appartement »), Daniel F. Galouye et son « Simulacron 3 » (ou peut-être la version longue qu'en donnait Rainer Werner Fassbinder dans « le monde sur le fil »), Bryan Singer et son « Usual Suspects » (à travers le joli démarquage de la pratique créative à chaud de Verbal Kint) ou Frederik Forsyth (dont les méthodes de création d'agents dormants décrites dans « le Quatrième Protocole » feront une apparition à point nommé), Nick Harkaway a pris le pari du vertige littéraire de grande ampleur pour nous faire vivre ceux de la surveillance politique institutionnalisée et de la démocratie algorithmique idéalisée.

Par son ampleur et par son souffle, ce roman a tout pour devenir d'ores et déjà un classique de la littérature de science-fiction comme de la littérature en général. Proposant un jeu subtil de miroirs et de labyrinthes, organisant une convergence extrêmement rusée des trois récits mémoriels et d'une enquête « principale » (avec un sous-marin nucléaire lanceur d'engins en guise de suprême joker) que l'on aurait pourtant pu d'abord jurer parfaitement disjoints, alors que l'on assiste à leur inexorable enchâssement, son brio narratif et sa capacité à varier les registres de langue soulève l'admiration. En se penchant avec une folle inventivité, avec un respect fondamental et rusé de l'art du feuilleton (et même du « roman de gare ») et avec une somptueuse mise en abîme des arts occultes de la stéganographie et de la cryptographie, sur les moments de bascule et sur le cheminement insidieux qui habite les fondations philosophiques de l'ordo-libéralisme contemporain et des start-up nations qui lui sont associées de facto, « Gnomon » constitue une véritable révélation littéraire et politique.
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Le tome 1 de Gnomon avait été une lecture efficace : érudite et pleine d'originalité. J'ai donc repris le coche avec le second tome, il s'agit bien d'une duologie, après un cliffhanger des plus alléchants. Il m'a été de nouveau envoyé par Albin Michel Imaginaire. le premier s'était révélé par ailleurs parfois ardu, alors qu'ai-je pensé du dénouement de cette histoire ? Comme toujours, je vais commenter ce tome en spoilant le moins possible.

Gnomon confirme être un récit taillé comme un diamant. J'aime beaucoup la plume de l'auteur et la traductrice a fait un travail excellent. L'auteur est capable de changer son style de manière radicale suivant le personnage qui est mis en avant, car la mécanique narrative du premier tome continue. J'ai trouvé cependant plus simple de plonger dans l'histoire, sans doute car je connaissais déjà le fonctionnement de l'histoire grâce au premier tome encore plutôt frais dans ma mémoire. Sans compter que l'auteur a un sens de la formule particulièrement accrocheur, d'autant plus avec les personnages qui n'ont pas la langue dans leur poche comme Constantin.

La sémiologie présente dans le roman semble être encore plus présente. L'auteur s'amuse à placer les signes et les symboles avec soin, jouant sur leur répétition. Nous avons bien sûr le retour du requin, qui vient hanter les personnages avec son aileron. Les mathématiques sont également très présentes, mettant en avant la logique simple et implacable qui anime cet univers. Chaque personnage se lance dans un voyage avec un objectif qui lui est propre et un lien à chaque fois fort avec des notions de libération mais aussi de résurrection, comme dans la chambre d'Isis, endroit mystérieux qui se trouve à la croisée des chemins. J'ai trouvé que l'auteur essayait de plus en plus de clarifier les fondements théoriques de sa pensée pour aider le lecteur au fil du roman.

Nick Harkaway propose une histoire où le monde fait face à de grands bouleversements. le rapport à la sécurité et à la privauté de la donnée est totalement chamboulée par le développement du Témoin, une IA perfectionnée qui suit chaque citoyen, officiellement sans intervenir directement. Cet élément était évoqué dans le premier tome, mais avec peu de remises en question. C'est sûrement car Mielikki n'est dans la première partie que peu conscientisée. Elle vit après tout depuis longtemps avec l'influence du témoin sur sa vie et profite de ses avantages plus que d'autres choses, devenant une enquêtrice efficace.

Ainsi, si l'auteur alterne les points de vue dans les trois premiers quarts, le dernier accélère et révèle les vraies intentions du roman. Nick Harkaway propose une suite de retournements de situation peu prévisibles et bien trouvés. L'ensemble permet notamment de critiquer les sociétés qui ont fait le choix de la sécurité au-dessus de la liberté et de l'intimité. Il pose aussi la question de sa voir où commence la manipulation, et qu'il suffit parfois de quelques éléments aux desseins troubles pour bouleverser un ordre social semblant parfait avec un oeil superficiel. En effet, si la société est dominée par la donnée et que la plupart des choix sont automatisés, il risque que cette data soit biaisée et manipulée pour nous faire rentrer dans le rang.

J'ai globalement apprécié ma lecture. Cette vaste fresque aux ressors multiples est d'une grande originalité dans sa conception comme dans sa réalisation. Si vous cherchez un récit de science-fiction qui vous sorte de votre zone de confort, Gnomon est tout indiqué. Érudit et complexe, l'histoire s'articule comme un labyrinthe ou des poupées russes, car elle se fonde sur des principes de sémiologie, comme une succession de messages encryptés dans la vie de différents personnages. Cette seconde partie clôture très bien cette histoire, révélant une critique âpre des systèmes de surveillance. Mais le roman évoque à travers ses personnages d'autres questions : le pouvoir, la chute du monde, le deuil, les quêtes, la place de l'art dans l'humanité… C'est un vrai foisonnement à découvrir !
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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Par les dents du Dieu-Requin ! J'ai fini !
Lire un seul livre à la fois n'est pas franchement mon habitude. Et ici, je l'ai payé ! Ne le faites pas, c'est fortement déconseillé. Verrouillez vos pensées sur ce roman et serrez les dents.

Je ne me sens pas capable de tenter de résumer ce livre sans le trahir, ni même sans trahir la découverte de sa lecture. Je me contenterai donc de faire défiler mes impressions, plaisirs et difficultés.

Avant tout, et en anticipant sur le déroulement futur des paragraphes, je tiens à préciser que j'ai trouvé que le jeu en valait la chandelle. Même si j'insiste, lourdement peut-être, sur la difficulté de lecture - parce que franchement ce n'est pas ici une formule galvaudée.
Littérature extrême. Voilà une façon de décrire ce roman.

Première chose à dire, la transition entre l'inspectrice Mielikki et les déploiements des autres personnages est certes un peu moins éprouvante que dans le tome premier, mais reste néanmoins parfois ardue.
Au-delà de ces personnages, que l'on connaît mieux, d'autres s'ajoutent ou gagnent en importance. L'un d'eux, le Mannequin, m'a particulièrement enthousiasmé dans la manière dont l'auteur nous l'amène.

Une image m'est venue lors de la lecture du premier chapitre avec Athenais : celle de la gangue !
Ce livre est plein de joyaux, stylistiques ou philosophiques, mais sacrément engoncés dans une carapace qu'il faut pouvoir transpercer.
Dans le chapitre en question, deux passages notamment retinrent mon attention et remportèrent mon adhésion : le premier dialogue avec le Paon et l'incroyable affrontement trigonométrique - je ne sais même pas si c'est le terme qui peut convenir. J'en suis sorti subjugué.
Parmi les grands moments, outre le final, je retiens aussi cette réflexion filée de Constantin sur la "nature" de Stella. Époustouflant.

Un aspect très présent, mais que j'avais omis de mentionner dans ma critique du tome précédent, c'est l'humour.
De ce magma intellectuel, Nick Harkaway sait extraire des formules ou situations qui font mouche. Je pense d'ailleurs que c'est l'une des raisons de ma survie dans ce dédale : ces petites perles d'oxygène mental s'élevant à la force de l'humour.

Je m'étonnais de la comparaison avec le masterpiece orwellien dans la première critique, mais c'est bien plus évident dans cette seconde livrée. La réflexion sur le rapport entre vie privée, démocratie et pouvoir est au coeur de ce livre, plaidoyer pour une réflexion sur le numérique.
Le mot de la fin de l'auteur s'inscrit dans cet esprit et est pleinement pertinent, ne se contentant pas d'être une litanie de remerciements.

Saint Gnomon, priez pour nous, pauvres lecteurs !

En conclusion, une formule me revient, en balayant dans mon esprit ce terrifiant squale littéraire. Elle pourrait être alchimique, elle était en fait, quand je l'ai entendue, épistémologique :
La somme des parties vaut plus que le tout.

Gnomon. À relire dans cinq ou dix ans.
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L'éditeur a vraiment eu une riche idée en publiant très rapidement la suite de Gnomon, ce roman de SF qui retourne vraiment la tête.

Je rappelle qu'en vo, le titre ne fait qu'un seul volume et que c'est face à l'épaisseur de celui-ci qu'il a été divisé en 2 chez nous. du coup, le choix d'une publication rapprochée est une belle idée et la couverture en diptyque est superbement trouvée pour montrer que ça forme un tout !

Je vais donc refaire les mêmes compliments et les mêmes critiques à la série que lors de ma lecture du tome 1. J'ai à nouveau été un peu perdue dans cette narration protéiforme qu'en plus je pensais terminée, mais non, on n'a pas fini de plonger dans l'étrange psyché de la dissidente Diana Hunter. Encore une fois, on est perdu dans les multiples personnalités qui semblent peupler celle-ci et il faut vraiment s'accrocher pour dénouer tout ça mais j'ai beaucoup aimé chercher des indices et voir une sorte de mythologie imbriquée se développer. C'était un vrai challenge à lire.

Cependant, je dois aussi avouer que c'était fatiguant à lire et que quand je tombais sur les chapitres se déroulant dans le présent avec Mielikki Neith, c'était bien plus reposant, car enfin on nous livrait des clés plus intelligibles. Comme avec le premier tome, la compréhension de cette vaste intrigue se mérite donc et il ne faut pas lâcher prise. 

Toutefois quand on arrive au bout, on est soufflé par ce que propose Nick Harkaway, c'est à la fois évident et totalement inattendu. Personnellement, je n'avais pas vu venir les rebondissements des toutes dernières pages. Les 100 voire 50 dernières pages se lisent à toute vitesse tant elles sont surprenantes, alors qu'on rame un peu sur les plus de 300 qui précèdent ^^!

Le message de l'auteur sur cette société sous surveillance que les citoyens avaient accepté certains par fatalité, d'autres par convictions biaisées, est assez glaçant. C'est un joli avertissement qu'il nous adresse sur notre société toujours plus connectée, toujours plus ouverte où notre intimité devient monnaie d'échange bien trop facilement. J'aime les auteurs avec des convictions, ça me donne donc envie de le retrouver sur d'autres écrits.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Telle est la promesse du Système. Nul n’est jamais seul, sans protection. Nul n’a jamais à avoir peur du noir.
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Notre esprit est façonné par les langues et les cultures où nous vivons. Il existe des gens incapables de voir la différence entre le bleu et le vert ou déconcertés par les chiffres supérieurs à deux. Quels sont mes angles morts, conséquences du cadre auquel j'ai toujours cru ? Pourrais-je regarder en Stella et la traiter d'usurpatrice sur la foi d'un préjudice appris ? (236)
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Ai-je par hasard atteint la divinité ? Pour découvrir, comme n'importe quelle divinité, qu'il est impossible de continuer à vivre de la même manière quand on est partout et en tout ?
C'est traumatisant, oui. Ça ne vous plairait pas. (304)
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Ou il a raison, ou il est fou. Mais à quoi ressemble la folie chez quelqu'un dont la compréhension du monde est autre, globale et cohérente ? À partir d'un certain point, la question cesse d'être médicale pour devenir politique. (259)
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Elle n'est pas morte, et ça valait mieux que ce qui l'attendait de l'autre côté. Fin de l'histoire, bonne nuit. C'est comme ça qu'on s'en sort, nous, les médecins. On ne marque pas de buts contre Dieu, parce qu'il triche. (348)
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